Au risque de tout perdre, je préfère rédiger mes messages directement en ligne, en mode brouillon soit, mais à la merci du premier couac electrico-informatico-internautique; la communication serait coupée et le texte perdu ! Je n'ai jamais eu peur de ce genre de "risques", cela fait partie du métier ... L'autre soir, j'ai pris un verre avec P.M., mon éditeur. Il me disait avec satisfaction "être devenu" un auteur à part entière : il a récemment reçu des insultes (anonymes, il va sans dire). Il a pensé à moi, à mes pauvres contempteurs, et aux autorités dont je dépendais, qui "se mordaient la queue" en quelque sorte; la même administration capable d'un côté de reconnaître mon travail et, de l'autre, de m'en faire grief ! Fabuleux, soviétique, kafkaïen, walsérien, helvétique, très vaudois !
Dieu que je connais cette terre, et trop bien ... Je la voudrais un rien plus surprenante, je me dis paresseusement qu'il adviendra forcément quelque chose, qu'un Bonaparte local se lèvera et je le suivrai, ou une vraie cause, un projet fou et fantastique, un rien inutile et très subtil à la fois; on viendrait alors me demander d'y participer, forcément ... Rien. Et toujours ce panorama à la Hodler, le lac, les nuages ineffables, le bruit de la ville, le vent sur la campagne, jusqu'au donjon du château de Vufflens que j'aperçois sans peine à l'oeil nu au-dessus de Morges, depuis mon phalanstère d'une avenue éponyme. Je pourrai laisser filer la journée depuis mon lit, "mon vrai bureau", de la sorte. Entre les plateaux, les livres, les notes, l'ordinateur ... Une vie, ça se dirige souverainement depuis ses appartements privés, sa couche. Tout le reste tient de la parade. Ou de la campagne militaire.
Je mets un point d'honneur à cultiver cette "paresse" de surface et réponds ostensiblement "rien" à la question " ... que fais-tu dans la vie ?". En général, cette demande n'est que rhétorique, une vague amorce au cours d'un échange de drague. A ce rien, je fais suivre quelques propos prompts à initier un rapprochement physique avec le questionneur, propos que la décence (et la pudibonderie d'un lectorat non averti) m'interdit de reproduire ici. Je peux juste vous confirmer leur efficience puisque l'affaire se conclut "au bureau".
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