jeudi, juillet 30, 2015

Retour de Berlin

Pas même une semaine … je suis rentré il y a six jours, une nouvelle théière, quelques boîtes de thé, un trench-coat, un blazer, un presse-papier dans mes bagages en sus du linge sale, de quelques mots peu amènes contre une autre ville, magnifique pourtant. Je suis rentré de Berlin où j’ai … berlinisé, à savoir j’ai marché, bu du vin blanc sec, visité une exposition de peinture, suis allé à la messe, au cinéma, au fitness, ai très copieusement déjeuné ou dîné avec Mmes von Jena mère et fille, avec Christine et ses parents, son frère. Et je me suis tant de fois retrouvé à table seul avec Berlin, derrière un schnitzel, une soupe de lentilles ou une salade de pommes-de-terre accompagnée de deux viennes. Et les petites pauses café, quelques aperol-spritz, une tranche de strudel. Marcher dans et avec Berlin. 

Il y a peu, à la radio, on m’a fait remarquer que Berlin, c’était la nuit qui n’a pas de fin, la scène électro, la fête … Pour les touristes peut-être, les noceurs de haut-niveau qui courent les capitales de boîtes en festivals comme on courait les opéras dans le passé. Je n’ai jamais eu ce snobisme et ne suis jamais allé « en boîte » que pour « emballer ». Etant marié, je suis exonéré de la nécessité de la fréquentation de tels lieux. Et, même, si j’étais célibataire, je profiterais du sens pratique de Berlin qui connaît bien une quinzaine d’établissements de … cruising. Je ne vais pas vous faire un dessin, vous n’avez qu’à vous documenter sur le sujet. Berlin, avec son pragmatisme bon enfant, est une ville d’un autre siècle. La première puissance européenne a pour capitale une ville de la Belle Epoque. On a beau y multiplier les gratte-ciels, les parallélépipèdes rectangles de verre et d’acier, l’ombre des Guillaume plane encore sur la ville.

J’ai fait des infidélités à la Winterfeldstrasse. Après ma pause pragoise, j’ai loué dans l’Akazienstrasse un adorable rez-de-chaussée agrémenté d’un jardin de curé, moussu, traversé à la nuit tombée du vol furtif des chauves-souris. J’ai respiré l’air précieux de Berlin du fond d’un lit Louis-Philippe, j’ai aspiré ce fluide merveilleux aux vertus quasi-magiques, et sur ma couette, « L’Homme sans qualité », le récit sans pathos de la débâcle à venir, à demi-mot les vertus d’une époque. Musil adorerait la Berlin d’aujourd’hui, ma Berlin, ma petite ourse affectueuse et maladroite. Musil passerait certainement beaucoup de temps à observer les gens dans les cafés, les touristes aux abords des grandes attractions. Il saurait analyser avec le sérieux et l’ironie nécessaire la politique européenne actuelle.


A Berlin, j’ai berlinisé ; j’ai laissé filer le temps entre deux rencontres, entre un aller et un retour, entre les courses et de pseudo-obligations. J’ai pris la pose, un peu, je vais plutôt bien dans le décor. Depuis le temps, je fais partie du paysage. Et je me suis fais à l’idée que je ne reviendrai pas avant, oh ! pas avant novembre.

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