Pas même une semaine … je suis rentré il y a six jours, une
nouvelle théière, quelques boîtes de thé, un trench-coat, un blazer, un
presse-papier dans mes bagages en sus du linge sale, de quelques mots peu
amènes contre une autre ville, magnifique pourtant. Je suis rentré de Berlin où
j’ai … berlinisé, à savoir j’ai marché, bu du vin blanc sec, visité une
exposition de peinture, suis allé à la messe, au cinéma, au fitness, ai très
copieusement déjeuné ou dîné avec Mmes von Jena mère et fille, avec Christine
et ses parents, son frère. Et je me suis tant de fois retrouvé à table seul
avec Berlin, derrière un schnitzel, une soupe de lentilles ou une salade de
pommes-de-terre accompagnée de deux viennes. Et les petites pauses café,
quelques aperol-spritz, une tranche de strudel. Marcher dans et avec Berlin.
Il y a peu, à la radio, on m’a fait remarquer que Berlin,
c’était la nuit qui n’a pas de fin, la scène électro, la fête … Pour les
touristes peut-être, les noceurs de haut-niveau qui courent les capitales de
boîtes en festivals comme on courait les opéras dans le passé. Je n’ai jamais
eu ce snobisme et ne suis jamais allé « en boîte » que pour « emballer ».
Etant marié, je suis exonéré de la nécessité de la fréquentation de tels lieux.
Et, même, si j’étais célibataire, je profiterais du sens pratique de Berlin qui
connaît bien une quinzaine d’établissements de … cruising. Je ne vais pas vous
faire un dessin, vous n’avez qu’à vous documenter sur le sujet. Berlin, avec
son pragmatisme bon enfant, est une ville d’un autre siècle. La première
puissance européenne a pour capitale une ville de la Belle Epoque. On a beau y
multiplier les gratte-ciels, les parallélépipèdes rectangles de verre et
d’acier, l’ombre des Guillaume plane encore sur la ville.
J’ai fait des infidélités à la Winterfeldstrasse. Après ma
pause pragoise, j’ai loué dans l’Akazienstrasse un adorable rez-de-chaussée
agrémenté d’un jardin de curé, moussu, traversé à la nuit tombée du vol furtif des
chauves-souris. J’ai respiré l’air précieux de Berlin du fond d’un lit
Louis-Philippe, j’ai aspiré ce fluide merveilleux aux vertus quasi-magiques, et
sur ma couette, « L’Homme sans qualité », le récit sans pathos de la
débâcle à venir, à demi-mot les vertus d’une époque. Musil adorerait la Berlin
d’aujourd’hui, ma Berlin, ma petite ourse affectueuse et maladroite. Musil
passerait certainement beaucoup de temps à observer les gens dans les cafés,
les touristes aux abords des grandes attractions. Il saurait analyser avec le
sérieux et l’ironie nécessaire la politique européenne actuelle.
A Berlin, j’ai berlinisé ; j’ai laissé filer le temps
entre deux rencontres, entre un aller et un retour, entre les courses et de
pseudo-obligations. J’ai pris la pose, un peu, je vais plutôt bien dans le
décor. Depuis le temps, je fais partie du paysage. Et je me suis fais à l’idée
que je ne reviendrai pas avant, oh ! pas avant novembre.
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