mercredi, juillet 15, 2015

"Que faites-vous à Berlin ?"

« Mais que faites-vous à Berlin ? » J’y vis ma vie berlinoise, quelque chose qui n’est pas très éloigné de mon séjour morgien. De préférence, je loge à Schöneberg, Berlin ex-ouest, mélangé et peuplé de vrais gens, des Berlinois et pas cette engeance touristique qui va boire à bon compte et dégueuler partout de Kreuzberg à Friedrichshain, ou ces affreux « Schwaben », comme on dit, avec leur délire écolo-bobo et leurs mouflets mal nourris (fétichisme vegan oblige) et encore plus mal élevés. Et j’ai mes habitudes au n° 11 de la Winterfeldstrasse, je ne suis pas loin de mon fitness de la Hauptstrasse, je suis à côté de la Maassenstrasse, du Bério, de Hasir, de mon indien mi-pouilleux de la Goltzstrasse, du Café Kalwil (ex Steiner Café), de la Viktoria-Luise-Platz, de la Hohenzollernplatz, de ma bonne paroisse Sankt Ludwig, de la sombre silhouette de Sankt Matthias, du café-brocante fifties, sixties Sorgenfrei, du Kino Odeon, de Steglitz via le 48 et le 85, Steglitz avec ses centres commerciaux, le café Baier, le restau’ Thaïlandais Cida (oui, je sais, ça surprend toujours) et, dans l’autre sens, je rejoins en deux-quatre-sept la Hauptbahnhof (85) ou Alex (48) via Kulturforum-Potsdamerplatz-Leibzigerplatz.
 
Ma vie berlinoise, c’est aussi/surtout le cadre de mon œuvre littéraire… - ici, de même, j’en suis conscient, « œuvre littéraire » sonne de manière aussi surprenante que « Cida », le restaurant thaï. Une œuvre donc, je donne suffisamment de moi-même, de mon temps, pour m’autoriser l’emploi de ce terme que des auteurs académiques vautrés dans l’hypocrisie de leur fausse humilité qualifient de pompeux ! Si raconter la haine, le rejet, la peine, le deuil et les infimes riens de notre temps est « pompeux », soit, je suis un auteur « pompeux ».  Et je traîne cette « pompe » lorsque je regarde sur les quais, Alt Tegel, Teglersee, une poule d’eau quémandant l’affection d’une congénère en courbant la tête pour qu’elle lui lisse les plumes du dessus d’un bec alerte. Je trempe aussi régulièrement ma « pompe » dans un bol de soupe de lentilles, avec un morceau de pain au sésame, à chaque fois que je vais dîner dans un Turc. En six titres (romans, essai, autofictions), une grosse moitié de mon … œuvre publiée et plus de dix ans, Berlin m’est presque aussi familière que le Pays de Vaud.
 
Hier soir, effet du hasard, Christine avait à faire à Friedrichshain ; ses parents, son frère de passage, nous nous sommes donc vus, tous, du côté de la Simon-Dach-Strasse, dans l’une des cantines que nous fréquentions à mes débuts avec Berlin. Je crois que la ville est contente de ce que je dis d’elle. Elle me renouvelle son affection à chacun de mes séjours. Depuis le temps, je suis l’un de ses nombreux petits oursons. De trimestres en trimestres, nous avons – un peu – vieilli ensemble. Je me targue d’être un « Teilzeit Berliner », le temps partiel de mon œuvre, il faut bien payer les factures et les billets d’avion… Ma relation à la ville est officielle, du moins en Suisse, Cy. parle même de partir s’installer dans cette aimable capitale, il en reçoit une carte postale par jour que j’y passe. Pourquoi pas, pas tout de suite, un projet à la limite entre le moyen et le long terme, le temps que je termine mon travail de « Vaudois enragé », cette variété à laquelle je dois appartenir.

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