jeudi, novembre 26, 2009

A défaut de Berlin




A défaut de Berlin, j'ai passé une après-midi à Berne, un samedi ensoleillé dans la capitale, une promenade en surplomb de l'Aar, les coupoles du palais fédéral desquelles des corneilles se jettent dans le vide et planent en larges cercles. Je pense aux corbeau de Wotan. Je pousse jusqu'à l'esplanade de la cathédrale. Berne, sa vieille ville, une cité tout droite sortie d'un livre de légendes, des légendes auxquelles il faut se livrer, comme les corneilles au vide, pas si vide, la masse de l'air et nous planons sur des siècles d'histoire. Il suffit de la connaître pour ne pas tomber.


Ma promenade avait un but, la rétrospective Giovanni Giacometti, le père d'Alberto, un peintre qui a fait partie de la mouvance Die Brücke. Cet homme au talent reconnu, formé dans la Munich de la Sécession, est rentré dans son village natal, on a acheté son séjour contre une forte somme ! Stampa, les Grisons, un bon mariag et où est passée la liberté berlinoise des autres membres de Dies Brücke ?! Giacometti a soigné son image d'artiste officiel et n'a pas sacrifié son talent. A part quelques toiles convenues ... Quel secret a nourri ce talent ? L'évidence de nudités pures sous un soleil de légende crève la toile.

dimanche, novembre 15, 2009

1989-2012



J'y étais ! Non, je n'étais pas à Berlin le 9 novembre 1989 comme tous les "winners" de la planète, il me souvient à peine ce que je faisais à 19 ans, le mur, Berlin, le bloc de l'est, etc., ne me parlaient absolument pas alors. J'étais à la projection de 2012, vendredi passé, la séance de 13h15. En soirée, le film fait salle comble, c'est un événement, le film de Blaireau avec un B majuscule. Je suis très bon public pour ce chose, j'adore le cinéma populaire, la cuisine sans chichi et tout ce qui permet d'aller droit au but. Je réserve - d'une manière très germanique - ma finesse de sens et d'esprit aux Beaux Arts, à la musique de Wagner, à la porcelaine de qualité et aux fleurs, et ma foi à l'Eglise catholique romaine apostolique et universelle. "Le reste n'est que garniture", chantilly foireuse, crème grassouillette dans lesquelles je plonge parfois avec délice quand l'envie m'en prend. 2012 en fait partie. Et quel spectacle, mes amis, de la catastrophe eschatologique et moralisante à deux balles, la tabula rasa en dolby stereo et tout et tout. Le fameux calendrier Maya, un vieux buzz de la toile qui adore claironner complot et fins du monde à chaque tournant de page ... Ca plaît aux blaireaux.
Ah, ça ne vaut pas ma chère Berlin où l'on assume pleinement d'aimer le pire et le meilleur tout ensemble, où l'on écrit avec tant d'aisance, où l'on vit, avec simplicité, pareil chez Mme de W. Dans la bonne ville vaudoise de V., on aime aussi les arts avec mesure, la nouveauté sans excès. Accessoirement, j'y étais ce samedi, la "journée porte ouverte" de l'établissement dans lequel j'enseigne. Emotion, je présentais la nouvelle mouture du journal de l'école, nouveau graphisme, tirage augmenté, nouvel imprimeur : un franc succès, aussi mouvementé et plein d'effets que 2012. Je le répète, un succès ! Le journal est accrocheur comme un "blockbuster", nettement moins moralisateur et bien plus subtile que le genre. Même si l'on m'avait fait des reproches au sujet de "mon petit journal", je persisterais et signerais deux fois sous le titre de rédacteur en chef.




lundi, octobre 26, 2009

La vraie vie ...


A Berlin, je mène ma vie berlinoise, quelques courses, des visites à Ch. et à Lb., le U-bahn, le S-bahn et les bus, et cet art de vivre un peu décousu, chic et désuet. Cela tient moins du voyage géographique que d’un voyage dans le temps, éprouver la manière dont il ne s’écoule quasi pas sous le ciel plombé de cette capitale en perpétuelle reconstruction. Les filles danoises bruyantes à la table voisine sont parties, les « möchte gern » sont la rançon du bonheur à la mode willhelminienne : de grands boulevards, de grands cafés, de vastes musées, des magasins sans fond et l’impossibilité des mouvements de foule. Les rues sont trop larges, la ville trop étendue, il n’y a guère que dans le S-bahn que l’on se presse, et encore … On a tout dit sur ce séjour d’agrément, cette ville-parc d’attraction pour adultes, sur la « facilité » de ses filles et de ses garçons. Ce qui m’y attire, m’y appelle fidèlement depuis plus de cinq est de tout autre nature : à Berlin plus qu’ailleurs il est permis de mener, à très peu de frais déjà, cette bonne vie bourgeoise totalement obsolète, faite de rendez-vous avec la ville, ses bonnes adresses, ses expositions, ses soldes, etc. Il me faut de plus en plus de temps pour retrouver le bon tempo, sortir de ma bulle et entrer en relation avec l’époque elle-même. Surtout, à Berlin, j’ai le droit de ne pas savoir …

lundi, octobre 19, 2009

Travail versus vacances


"Et vous êtes parti durant ces vacances ?" Oui, Berlin, évidemment ! Et pourquoi donc ? Pour mettre un point final à "La nouvelle Fuite à Varennes", pour réfléchir à la suite, une envie, quelque chose à partir de Fauré, le charme légèrement mélancolique de cet art musical éminement bourgeois. J'ai besoin de Berlin pour ... travailler ! J'ai même mis la dernière main à un projet dans le cadre d'un festival, on verra ce que ça donne, et il m'est aussi venu l'idée d'une couverture pour "Les Âmes galantes", à paraître à la fin décembre. Je vais utiliser une "boule de neige", un objet ramené de Barcelone, un petit air Art Déco tardif, tout ce qu'il faut afin d'évoquer l'univers d'Aglaé, l'héroïne de ce texte.

Heureusement que les vacances ne durent que deux semaines, et retourner à V., bonne ville de la Riviera vaudoise où vécut Mme de W., où tout se passe au mieux. Entre la nouvelle formule du journal de l'école (dont je suis le rédacteur en chef) et la journée portes-ouvertes, la rentrée sera aussi "reposante" que Berlin. D'autant plus que mes collègues sont, en sus de leurs activités enseignantes, extrêmement prolixes et créatifs. Il m'a fallu courir voir le musée Baur, son impressionnante collection de porcelaine chinoise et, ce qui m'y a amené, un bon sujet d'article, une exposition à laquelle a participé le responsable de la section céramique Jacques Kaufmann. Le travail est à la mesure de l'homme : subtil et évident, généreux et complexe. Et s'il n'y avait que l'école supérieure de céramique ! Difficile de suivre tout le monde en photographie. J'ai eu le plaisir de découvrir un peu du très discret Daniel Baudraz, de voir avec ses yeux, de ressentir l'importance du détail, une mini rétrospective dans une galerie de V.

Et pour revenir au numéro spécial du journal, coïncidence non fortuite entre la journée portes-ouvertes et la nouvelle formule de "mon canard", il n'est de loin pas bouclé. On va encore me voir courir d'un étage à l'autre, à la recherche de l'un ou l'autre de mes rédacteurs oublieux, d'une photos, d'un renseignement ou d'une clef USB que j'aurai encore laisséée à l'un des nombreux postes informatiques de l'école. Je vous le dis, la rentrée, quasiment des vacances !

dimanche, octobre 11, 2009

Il m'appelait mon cousin


Il m'appelait "mon cousin" lorsque nous nous rencontrions dans les couloirs du gymnase de la Cité où j'étais élève; il me donnait toujours du "mon cousin" en ville, chez Manuel, par exemple, où très obligeamment il retirait ses affaires, des cahiers qu'il avait étalés autour de lui, sur la table et les sièges. La mère de Jacques Chessex était une Vallotton !


Jamais, je n'ai osé lui soumettre la lecture de l'un ou l'autre de mes romans publiés, je le regrette. L'aura du grand auteur m'impressionnai trop et, pourtant, l'homme était d'un abord aisé. Je crois que je ne lui ai jamais présenté mon travail par pusillanimité, et aussi parce que je ne partageais pas son goût du "beau sexe". Je comptais lui apporter personnellement "Les Mémoires d'un révolutionnaire" sitôt la chose publiée, l'affaire d'une année. Les aventures de Laharpe sortiront sans le brillant patronage d'un autre grand vaudois.


Christophe Gallaz a eu un mot pertinent quoiqu'acidulé à propos du grand Jacques, un mot qui tombait juste, une mise en balance du projet littéraire chessexien, de la critique cinglante du pays de Vaud qui s'y lit et de l'amour de l'auteur pour ce pays, de son désir de puissance ... Rapport à méditer ...

lundi, septembre 14, 2009

Wagner versus Viard


La puissance évocatrice de Wagner est capable d’emporter la banalité la plus ancrée, la rouille du jour après jour, le vrai danger, le plaisir pépère, l’ennemi des vrais sentiments, de la dignité authentique. Il y a folie à aimer cette musique, à rechercher l’excitation particulière des sens qu’elle induit, il y a tout autant folie à comprendre, entrer dans les vues philosophiques nietzschéennes. Après le Demian de Hesse, je me suis mis à la lecture de Nietzsche, son « Gai savoir ».
18h, un direct pour Genève, un transport étonnement confortable parmi la fin d’une après-midi dorée, une après-midi guettée par l’ennui, la foule, l’absence à soi … Incidemment, j’ai appris il y a peu que, par ma famille maternelle, j’étais issu de gens extrêmement durs entre eux, avec eux-mêmes et plus encore avec les autres. Il faut être un roc dans la presse des cohortes molles qui nous entravent et grouillent en files aveugles. Ces « cloportes », nature inhérente à leur masse anonyme, épuisent et salissent tout esprit vif, vivant et le vident. Je me rappelle à peine d’une invraisemblable fresque, « Les derniers jours du Monde », une sorte de chute sentimentale du Walhalla, avec un wanderer éperdu d’amour et pleinement vivant jusqu’à son dernier souffle.
Je voulais surtout parler de Karine Viard, de toutes ses heureuses apparitions cinématographiques, de ce qui me semble être son grand début, « Haut les cœurs », auquel j’ai repensé dès le début des « Derniers jours du Monde ». Son jeu, son naturel sont capables de s’adapter à tout scénario, une femme complète qui, mine de rien, m’accompagne depuis plus de dix ans

lundi, août 31, 2009

Vous en reprendrez bien un peu ...


Au fait, "La Dignité" est sortie, mon fameux/fumeux essai autofictif est en vente, distribué entre autres chez Basta, Payot et La Fnac. Mon agent travaille à la promotion de ce texte "atypique". Je suis soulagé de voir cette aventure aboutie, de savoir le texte prêt à vivre sa vie auprès de lecteurs. J'ai, soit, la crainte d'une publication confidentielle, je n'ai pas de public cible et quelques solides inimitiés. Je regrette de ne pas avoir produit ce texte en allemand, de ne pas connaître suffisamment cette langue. Un jour, j'irai offrir une traduction de "Die Würde" à Berlin à qui je dois ma dignité personnelle, je sais que j'y trouverai un public, de l'enthousiasme, de l'intérêt.

Vous reprendrez bien un peu d'arsenic ? Parce que "La Dignité" a son prix, ce n'est pas de la bonbonnaille doucereuse. Achetez donc votre exemplaire, tout le monde est servi, je crois, mais j'ai écrit pire, ou meilleur, encore plus près de la catastrophe l'humour en moins. Ma prochaine publication permettra de faire une pause, "Les Âmes galantes" sortiront aux Editions Baudelaire, à Lyon, d'ici quelques mois. Et cette galanterie, je l'offrirai à Lausanne, la Lausanne que j'ai aimée il y a plus de quinze ans.

samedi, août 08, 2009

François, Thomas et le mariage ...


François Mauriac, le grand auteur, le grand moraliste, était gay ; j’ai appris cela à Berlin, un entrefilet du Monde, un numéro acheté dans une gare du S. La nouvelle ne m’a pas surpris pour les raisons que l’on peut imaginer. Mauriac et Thomas Mann sont mes pairs en littérature, qu’il s’agisse de la figure sociale de l’auteur ou de la vocation de l’œuvre, cet art du témoignage, le récit d’un certain monde, de l’idéal bourgeois cultivé, libéral et, en filigrane, tolérant. Mes deux figures littéraires tutélaires sont des gays refoulés ! Ils ont tous deux assis leur vie sur un effort de volonté extrême, ils n’ont pas menti mais se sont appliqués à se rendre « conforme » à leur idéal. L’exercice de volonté me parle particulièrement. Mauriac et Mann eussent-ils assumé leur inclination s’ils avaient quarante ans aujourd’hui ? Quel impact l’époque eût-elle eu sur leur idéal existentiel ? J’assume ou je n’assume pas ? Qu’y a-t-il à assumer, au fait ?

Petit retour sur image. Lorsqu’un individu refoule sa sexualité, on le gratifie immédiatement de notre compassion, « tout ce qu’il manque », on relève aussi la qualité de l’effort avant de glisser sur son hypocrisie, sa lâcheté sociale et blablabla. Nos deux auteurs avaient – apparemment – un goût certain pour les jeunes hommes. Aujourd’hui, je le dis à brûle-pourpoint, ils batailleraient dans leur vie afin de ne pas céder à la captation amoureuse pédé, le pacs et tutti quanti, le modèle foireux de la proto-famille beurk, avec conjoint qui fait la gueule, vaisselle d’avant-hier, chaussettes sales sous plumard etc. Ah, le joli tableau de la médiocrité homosexuelle bobo, bien intégrée, tout comme il faut, la seule homosexualité acceptable, n’est-ce pas Messieurs-Dames de C., petit bled vaudois qui craint et où vécut Mme de S, une grosse nymphomane réactionnaire du XVIIIème, autrice à ses heures … Je m’emporte, le propos n’est pas là.

Il est question de la force de caractère de l’auteur face aux vicissitudes de son existence, de la réunion des conditions cadre minimum afin de produire l’œuvre. Mes pairs en littérature – dont je partage l’orientation politique, la détermination et le goût des jeunes gens bien faits – ont lutté pied à pied pour un idéal de vie, aidé en cela par leur entourage, leur famille … leurs épouses ! Des saintes, des femmes admirables, bien loin de cette horrible virago d’Elise Jouhandeau qui n’a fait qu’empoisonner l’existence de son trop délicat époux. « Quand on est en couple … », je vous laisse imaginer tout le reste, toute la force de culpabilisation, la presse normative, quels que soient vos goûts sexuels. A moins de faire du roman pour dadames qui s’ennuient l’après-midi, écrire est une position peu enviable, un sacerdoce, cela signigie être le perpétuel franc-tireur ( je ne pense pas à Philippe Djian qui, du point de vue de son alcoolisme mondain et de son absence de syntaxe est tout à fait dans la norme). Mauriac et Mann tinrent le rôle, et avec élégance.

dimanche, avril 05, 2009

Palmsonntag


Dimanche des Rameaux, Palmsonntag, dimanche berlinois, retransmission de la messe en direct de Rome sur le canal du Bayerischer Rundfunk; je suis perché sur une estrade, un aménagement mi-design, mi-bricolo pour appartement de vacances. Hier soir, à la descente de l'avion, j'ai traversé les longs couloirs malcommodes de Schönefeld, suis passé à travers l'ancien poste de douane ... Les accords bilatéraux sont effectifs, je n'ai présenté ma carte d'identité qu'à l'enregistrement, puis à l'embarquement : Berlin est entrée dans la large banlieue romande. Je ne sais que penser de ce "grosse europäische Mischung". J'ai l'impression de participer à l'une de ces stupides émissions de décoration où des architectes maladroits viennent vous casser toutes les cloisons "pour agrandir l'espace ..." Au final, vous vous retrouvez dans un hangar, les chiottes au milieu du salon (pour la lumière ! ben voyons) et un faux-plafond criblé de spots.


Je repense au mot d'un pasteur, un auteur si discret que j'ai oublié son nom, un veveysan ... Bref, cet homme écrivait "ne soyons pas trop pressés de combler le fossé de nos divergences" à propos du rapport protestants-catholiques. Je pense pareillement quant à nos "divergences" nationales et, si petit soit l'appartement, j'aime y voir des pièces à l'usage clairement défini, des pièces pourvues de portes à ouvrir ou fermer selon la circonstance. Je ne crois pas au gloubi-boulga universaliste, garantie de confusion tant morale que politique et, surtout, synonyme d'appauvrissement.

Palmsonntag, je vais aller suivre la messe à Sankt Ludwig, du côté de Wilmersdorf, avec Christine. Libussa a d'autres obligations aujourd'hui. Il faut que je passe faire des courses, les magasins sont exceptionnellement ouverts aujourd'hui de 13 à 18h. Hier soir, je n'ai quasi rien trouvé dans le Spätkauf d'à côté ... Ce séjour berlinois n'est pas une fuite. Jusqu'à présent, je n'ai fait que m'y réfugier. Ce séjour fait partie de ma relation à cette ville, une relation nécessaire et entretenue quand bien même on ne la comprendrait pas. Non, je ne vais pas à Berlin pour "du sexe facile", comme des proches peuvent le penser ... J'y passe du temps parce que Berlin, et vous n'aurez qu'à lire "La Dignité" (chez Castagniééé) pour entrer dans mes raisons.

mercredi, mars 18, 2009

Une après-midi zürichoise


Zürich, mon cher Sprüngli, le lac et toute cette bonne vie à laquelle j’aspire. Je me suis offert une après-midi de vacances. Cy. travaille j’ai quartier libre. Et l’occasion était trop belle, cela faisait bien quatre mois que je n’étais pas passé prendre le thé Bahnhofstrasse, quatre mois sans cette subtile atmosphère de réussite discrète : Zürich sauvée de tout, immuable et polie.
Ce matin, j’ai remis la dernière version corrigée de « La Dignité » à mon éditeur, cette après-midi, je suis allé faire avancer l’intrigue de « La nouvelle Fuite à Varennes » au fond du canapé au premier, le Museum Bellerive, une exposition consacrée à Hermann Obrist. Le trajet peut sembler bien long pour une petite après-midi dans ma ville suisse idéale mais la liberté est incomptable, un quart d’heure aurait pu suffire afin de répondre à son appel. J’ai même réussi à régler quelque affaire embrouillée et boucler la prochaine édition du CEPV-Presse (le dernier organe de presse dont j’ai la charge) chemin faisant.
Il fait doux, une lumière caressante, Jane, mon agent littéraire, me promet un printemps fructueux et de riches récoltes à la fin de l’été. Puisse-t-elle dire vrai. J’aimerais tellement voir l’un ou l’autre de mes romans traduits en allemand, me rapprocher de la sorte de Zürich et, surtout, Berlin.
Avant de monter dans le train, détour par une épicerie fine de la gare ; comble du chic : les cagettes de salades, de feuilles comestibles et autres légumes délicats bénéficient, afin d’assurer leur fraîcheur, d’un système de brumification intégré à l’étal.

dimanche, mars 08, 2009

Jouer au zèbre


J'aspire à être une sorte de Thomas Mann romand, j'agis avec la misanthropie d'un Thomas Bernahrd et j'ai la sensibilité niaise d'une "Carrie Bradschaw". Pathétique ... D'autant plus que, en tant qu'auteur gay, je ne suis pas crédible ! Pensez donc ! je n'ai jamais "tiré de coke" avec quelque huile culturelle romande. On ne m'a même jamais surpris ivre mort par les rues de Lausanne ... Quant à mes références : Thomas Mann, ok, ça doit passer mais où peut se trouver un lecteur qui connaisse Thomas Bernhard et "Sex and the city".

"La Dignité" va sortir dans la plus grande indifférence; on trouvera cela trop vulgaire, trop intellectuel, trop naïf, trop ceci, cela et patati et j'en passe et des meilleurs et puis merde, je vous conchie tous, mortels ! Selon ma définition de l'Auteur, oui, avec la majuscule, la liberté d'esprit est à l'origine du talent. Tirer de la coke, faire la noce, faire carrière consécutivement à des faveurs sexuelles accordées à des gens influents, attraper toutes les MST en cours et se repentir à l'approche de la quarantaine est d'une banalité crasse. Avec mes cochons en peluche, on est bien au-dessus de cela.
J'ai choisi un bout de zèbre pour la couverture : 1. c'est très tendance déco, 2. le zèbre est un animal que l'on a toujours considéré comme parfaitement idiot parce qu'il ne se laisse pas domestiquer. On a beau lui apprendre toute sorte de tours qu'il comprend et exécute avec succès, vient toujours le moment quand il rue et envoie tout promener. Je vais donc continuer à jouer ... au zèbre !

vendredi, mars 06, 2009

De la dignité et autres matières littéraires


Dernière ligne droite dans la publication de "La Dignité", chez Castagniééé, énième lecture, chasse aux coquilles, erreurs de syntaxe, etc. Je suis surtout frappé par la mièvrerie de mon propos ... par sa naïveté plutôt. Cela n'est pas un problème lié à la qualité littéraire intrinsèque de la "La Dignité" mais ... j'ai grandi ! Depuis ma rencontre avec Berlin, mes préoccupations sont devenues moins "épidermiques", je pense travailler plus en profondeur. Le triptique de "La Dignité" rend compte avec exactitude d'une période passée, une sorte de période héroïque et d'attente adolescente. Il est aussi question de l'intérêt des blogs, intérêt dont je ne suis plus convaincu aujourd'hui. Plus de la même manière. J'ai l'impression d'y voir un jeu de dupe ou une mauvaise "retape" publicitaire.

Quant à y exposer des opinions, merci bien, je préfère les réserver à mon oeuvre papier et, peut-être, leur donner par la suite un échos dans le blog. Depuis "l'affaire", je suis quelque peu échaudé et mon enthousiasme "internautique" a bien été entamé. Je ne regrette rien, pas une ligne de ce que j'ai écrit jusqu'à présent. J'estime avoir répondu à une sorte de devoir citoyen en prenant la parole, en critiquant l'un ou l'autre point de l'actualité médiatique mais le blog n'est pas le bon lieu. Que je le veuille ou non, je me trouve lié à l'institution étatique cantonale et mon travail d'essayiste risque toujours d'être "mal pris" lorsque présenté en ligne.

Depuis "La Dignité", je persévère dans ma découverte de la littérature germanique; en ce moment, je dévore l'oeuvre de Thomas Bernhard, je goûte à la sensibilité douleureuse de cet auteur dont je partage pour bonne part la sensibilité. Je vois des parallèles entre sa condamnation de l'Etat autrichien et ma critique du canton ... C'est un auteur au verbe hypnotique, sinistre et brûlant de vérité. On touche à cette matière si précieuse : l'authenticité. J'espère y atteindre dans ce sur quoi je travaille.

mercredi, décembre 24, 2008

Tous mes voeux


Mais que m'arrive-t-il ?! Où sont passés mes fameux coups de gueule, une certaine mauvaise foi comme de la joaillerie de grand luxe, ciselée, limite vulgus mais "so chic" ! Non, je ne suis pas pasteur; je préfère le genre prélat impudique dans la soie et le velours pourpre. Et je suis catholique. Imaginez ! Si j'étais protestant, sans la possibilité de passer par la "washing-up machine" du confessionnal, les quintaux de "péchés" qu'il me faudrait traîner ! Le catholicisme est à la foi ce que la valise trolley est à la bagagerie : la façon la plus commode de se trimballer en transit.

J'ai raté cette année toutes les occasions de m'exprimer sur de "grands sujets" locaux : musée des Beaux-Arts, élection au Conseil Fédéral, lynchage politique, néo-coming-out de Stéphane Lambiel, etc. Rien, pas un mot, pas le moindre petit bout de ragot, pas même une ligne sur le mono-look souriant du nouveau Mister Suisse romande ... Je suis devenu fréquentable ... Ce doit être un effet de mon activité professionnelle ... euh, je veux dire de mon activité salariée - que je remplis à merveille même si je me considère avant tout comme un auteur.

On va dire que le séjour chez Mme de W., dans la petite ville vaudoise de V. me réussit mieux que mon séjour à ... me réussit mieux. Je ne vais pas même épingler mes collègues ou mon administration de tutelle. Je suis l'auteur-enseignant-rédacteur-en-chef-président-de-l'association-vaudoise-des-écrivains qui envoie publications et compliments dans tous les cabinets qui comptent dans le canton. Allez, encore une année à ce régime-là et je deviens une huile. Ai-je envie de cela ? Puis-je me poser sincèrement et publiquement cette question ? Euh ... on va légèrement recadrer l'énoncé : aimé-je (oui, l'inversion sujet-verbe du premier groupe à la première personne du singulier nécessite pour des raisons de prononciation cet accent aigu) donc aimé-je le salaire qui accompagnerait des fonctions huileuses, onctueuses, grassement payées !!! Oui ! De plus, je jouis d'un talent de communicateur et de pédagogue certain. Passez-moi le dossier du musée, je m'en vais vous vendre le truc en deux-quatre-sept, et appelez-moi le petit Stéphane, faut que je renégocie son rapport à la presse. Ah, dans la foulée, prenez-moi rendez-vous avec la section radicale vaudoise, on va rénover le grand vieux parti. Et joyeux Noël, et bonne année.

mardi, décembre 23, 2008

"Sanctus" sol invictus


Nous touchons à cette saison qui n'en est pas une, cette saison que je nomme "été paradoxal". Jusqu'aux tourterelles se croient arrivées aux beaux jours, et chantent encore mieux que dans les mélèzes de mon enfance, le chemin de Préllionnaz, la chaleur de juillet ... Il y a cette lumière incomparable d'une fin décembre ensoleillée; une avant, avant-promesse printanière ... On n'invente jamais aussi bien son temps qu'en se le rappelant, qu'en le commémorant sur le canevas du cycle des saisons. "Sol invictus" n'est pas très loin, le solstice d'hiver suivi de la calme victoire du dieu des troupes romaines, l'hégémonie irrépressible de l'état de droit, des vertus urbaines, du commerce florissant.

Je me souviens de tous mes Noëls d'impie, je me souviens du vide et de l'ennui qui les entouraient parmi la guirlandes et les boules de mauvais goûts, je me souviens aussi de l'espoir que portait la prochaine arrivée d'une année nouvelle. Je ne commémorais pas encore. Il était plutôt question de survivre, de trouver du sens entre des sentiments confus et des impressions encore plus confuses. Sans parler des questions matérielles ... L'indigence et le mauvais goût de la guirlande électrique ne menacent plus ce Noël.

Le déplacement du père P., maladroitement remplacé par deux ecclésiastiques peu amènes, me prive de la veillée dans ma paroisse. Je veux vivre cet instant primordial et symbolique de ma foi catholique dans un lieu qui fait sens, et je le ferai à Saint-François-de-Sales, ma paroisse genevoise d'élection. Je pourrai commémorer "l'été paradoxal", les tourterelles de mon enfance, mes attentes, mes espoirs passés, mon attachement à Genève, mon attachement à la personne historique de saint François de Sales; je dînerai même en compagnie de Ch., venue de Berlin comme chaque année. Nous vivrons alors le début de cette hégémonie irrépressible, le triomphe de la lumière sur l'obscurité, le symbole ancien de nos victoires modestes et si précieuses depuis qu'une promesse mystique les soutient.

samedi, novembre 29, 2008

Ceci n'est pas un adieu


Je n'ai pas donné de nouvelles, je ne voulais pas encore vous jeter ma mauvaise humeur à la face. La paresse faisant, le temps est simplement passé, et les projets avec ... La Dignité, essai autofictif a bénéficié d'une relecture attentive, de corrections, de l'adjonction d'un appareil critique. Dans la foulée, je me suis adjoint les services d'un agent, et j'ai rédigé un récit, un éclaircissement, une sorte de suite à La Dignité. Je suis allé au fond de moi-même et de mon ressentiment ... un cri ?! Journal de la Haine et autres douleurs m'a permis une formidable plongée qui ne me laisse que des questions et de la fatigue.

Au cas où vous vous poseriez la question, je suis à Berlin. Je n'y suis pas physiquement, je ferme les yeux et je suis dans le restaurant turc de la Maassenstrasse, à Nollendorf, ou chez Dussmann ou le long de la Spree, près de l'arrêt Bellevue du S, je vais prendre un café dans un tea-room de l'autre côté du pont. Et il y a les instants de bravoures, ces moments scandaleux qui n'appartiennent qu'à Berlin et permettent l'exercice de la liberté aux hommes qui l'assument. Je n'entrerait pas dans le détail, vous ne comprendriez pas, je le sais.


Il est tard, suffisamment tard pour se faire des confidences et, "comme au bon vieux temps", alors que je vous écris, j'écoute Accuradio.com, classical crossover. Je ne fais pas mon grand retour dans ces pages ... Je vais certainement m'y faire plus rare encore. Je vous laisse revenir sur les précédents messages, sur l'exacte saveur dont j'ai voulu les emplir. Ce n'est ni une démission, ni une abdication. La Dignité est sur le point de sortir. Les projets littéraires vont bon train et il y a les autres vies, celles dont je ne sais ni quoi faire, ni quoi penser : la professionnelle et la sentimentale. Pour n'importe qui d'autres, elles iraient parfaitement bien mais, si vous êtes l'un de mes lecteurs réguliers, vous devez savoir que je ne réagit pas de façon commune ... Allez, mais allez, ce ne sont pas les derniers mots que je vous adresse.

mercredi, septembre 03, 2008

Du côté de chez Mme W.


Je suis en vitrine du McCafé, la bonne ville vaudoise de V. où vécut Madame de W. J’observe le défilé dense et calme des voitures sur l’avenue de la gare, je pense à Berlin, un autre McCafé du côté du Görlitzer Park, la morsure vive de l’humiliation et le soulagement de me sentir protégé par la nuit berlinoise … J’y retourne sous peu, cinq jours en octobre, juste le temps de me dire que je suis tout de même libre, à peine embarrassé par quelques masques de circonstance, à porter selon …

Je sors de la lecture d’une revue littéraire, un hors-série qui a traîné dans le secrétaire Tudor, le séjour de mon vieil appartement, depuis une bonne année avant que je me décide à entreprendre sa lecture. « Les Ecritures du moi » : autobiographie, mémoires, autofiction et tous les genres apparentés, une petite mise-au-point sur ma propre pratique littéraire et sur le blog, aussi, que j’ai tenté de dépersonnaliser, de faire paraître plus « institutionnel », de quoi me le rendre étranger et sans intérêt. J’y ai bien bravement poussé la réflexion sur tout et rien, pris position mais qu’importe, les journaux sont remplis de toutes les positions que vous voudrez.

Le « je » n’est pas à prohiber tant qu’il est l’expression d’une authenticité, d’un geste sincère : la volonté de le donner à voir, de l’offrir au monde sous une forme travaillée et artistique. Je prêche pour ma chapelle, évidemment, je pense à ce « je » d’auteur, de la détresse discrète et suicidaire de Virginia Woolf à la lutte acharnée d’un Thomas Bernhard contre l’obstacle des autres. Et Guibert, évidemment, parce qu’il brille du sombre éclat d’un fétiche mensonger, mon adolescence bercée – bernée – par les promesses exorbitantes de l’universalisme mitterrandien. Il faut que j’achète « Le Froid » de Th. Bernhard, je vais passer dans la bonne libraire de V.


Je retrouve ce lieu, un ton, le blog comme l’exilé retrouve sa maison après … après ! On parlera de « fâcheux événements » et la maison est toujours là, le salon du rez presque pareil, une lampe est tombée, il manque deux ou trois choses, il faudra changer les rideaux. J’y trouve une joie discrète et du regret, à la fois ; on n’a de cesse de se référer à sa mythologie personnelle, d’y revenir et de la surimprimer à l’instant.

dimanche, août 10, 2008

De Sissi à Carrie


Il y a ces impératifs dont on ne pourra jamais se départir … quel que soit le régime adopté ou les talents de votre dermatologue ou de votre institut de soins. On a beau ne pas se résoudre, au mieux, on a l’air ridicule. Conserver une silhouette et une tenue adolescente alors qu’on a largement dépassé la trentaine confine à la crétinerie crasse ou au grotesque. Il y a toujours l’indice fatal qui vient rompre le charme. Le fait de voir le chiffre grossir sous la rubrique « âge » ne m’a jamais horrifié, ni posé particulièrement de problème. J’ai eu une adolescence « merdique » et une pseudo « jeunesse » avant tout occupée à survivre financièrement. Toutefois, j’ai été pris d’une cuisante nostalgie hier soir, alors que je me suis aperçu être transparent à la jeunesse, celle-là même qui a tout pour elle, qui peut s’ébattre dans une Berlin plus gay que n’importe quelle capitale mondiale. J’ai donc vieilli dans le regard de ces p’tits animaux urbains que je devine et comprends encore mieux qu’eux-mêmes.

Quelle réponse apporter à ce nouvel état de fait pas si nouveau car on ne passe pas de 18 à 39 ans en une nuit et je n’ai pas à souffrir d’une dégradation physique subite ? Je n’ai pas pris le temps de vieillir et ne me reconnais pas dans le style de vie des autres « jeunes » quadras (mioches, télés écran plat géant, achat d’appartement, de canapés en cuir, voiture en leasing) et l’intelligentsia que je fréquente assidûment est trop désincarnée pour que j’intègre totalement ses nobles rangs … Je me retrouve dans le même no-man’s-land que durant ma pseudo jeunesse et mon adolescence merdique … Avec soit quelqu’un dans ma vie, quelques très fidèles amis, des projets littéraires, journalistiques et un emploi ! Je ne vais pas commencer à faire du sissiisme – régime drastique, institut de soin et éloignement de toute société afin de ne pas être trahi par l’indice fatal qui trahirait mon âge … Sissi-isme ou jouer à l’impératrice voilée qui était en complet décalage entre son état de souveraine, de femme dans le « bel » âge et le feu d’un cœur neuf encore, animé de la flamme vive du désir, de l’appétit à être. Ça n’a rien à voir avec un bête coup de jeunisme. C’est moins intéressé sexuellement … c’est une trahison de la tuyauterie.

Je n’ai pas de recette miracle à la Carrie Bradeshaw, le mot de la fin comme une jolie morale légèrement douce-amère, quelque chose qui donnerait envie de prendre une tasse de thé sur la terrasse chauffée du Bério et regarder tomber la pluie tout en étant sûr d’avoir choisi les bonnes chaussures, prêt à appareiller pour de nouvelles aventures urbaines.

vendredi, août 08, 2008

Des géraniums pour Lina


Reprendre le charmant dialogue du fil des jours, le reprendre par toquade et pour soi … Il n’est plus nécessaire à présent de siffler mon petit air berlinois en si, l’exquise valse des si, les irréelles qui s’enchaînent. Il n’est pas même question de vilipender une commune vaudoise ou d’épingler la stupidité crasse d’un élu, d’une institution … Il faut juste savoir conserver un certain « quant à soi » et regarder les passants, sur le trottoir, défiler devant la terrasse … Je ne suis pas encore sorti, je profite du décor « goût russe » du studio de vacances que je loue pour quelques jours à Berlin. Le bâtiment est sordide, l’intérieur soigné, du joli bricolage ingénieux, on a voulu faire « chic », moderne et commode … L’ensemble est juste affreux. Je peux jouir d’un balcon fleuri garni de bacs de géraniums en eternit avec un invraisemblable système d’arrosage à distance. Dans l’appartement voisin vit mon logeur ou sa mère … quoiqu’il en soit, les discrets tuyaux d’arrosage proviennent du balcon d’à-côté, balcon garni des mêmes géraniums et des mêmes treilles de liserons … J’en suis venu à faire cette incroyable découverte alors que je m’interrogeais sur les soins à donner à cette balustrade fleurie, m’imaginant ensuite que mon logeur surveillait mes allées et venues, profiter de mon absence afin d’arroser ses chers géraniums ! Je ne me serais pas imaginer resté dans cet appartement plus longtemps, ne pas se sentir chez moi … Et ces intrusions n’auraient rien eu à voir avec l’entretien d’une chambre d’hôtel, je ne jouis pas ici des conventions propres à ce type d’établissement.
J’aime l’idée d’être à Berlin, dans un meublé plus ou moins chic, ne rien faire de spécial, juste laisser passer le temps, laisser passer l’été dehors, la vraie saison de l’hibernation. L’été ne réussit qu’aux petits oiseaux, aux arbres fruitiers et aux adolescents en mal d’une sexualité non onaniste (dans l’ordre décroissant d’évolution). Pour le reste de la création, c’est une épreuve … Je ne parle pas de la chaleur, phénomène agréable, mais je fais référence à l’inconfort tant physique que sensoriel. Il faut supporter la puanteur des conduites d’évacuation, des foules, des grillades ; le bruit de ces mêmes foules ; le débraillé général … Non, je ne suis pas misanthrope. Et c’est afin de conserver une bonne opinion de mes semblables que j’évite les plages, les lieux de concentration humaine en plein air et la Côte d’Azur. Je vais profiter du temps exceptionnel de ce jour pour une promenade à Tiergarten. Peut-être essayer un peu le canapé, y travailler un instant, la suite du « Concile de Pigeons », je me suis donné la semaine pour y mettre un point final. Ou commencer la lecture de « En avant toujour ! », de Lina Bögli, une aventurière du début du XXème siècle que la légende n’a pas retenu. Elle n’était pas fille de famille comme Mlles Maillard ou Schwarzenbach.

lundi, juillet 07, 2008

Près de l'autel, loin de Berlin ... ou le contraire !



Il est parti comme il était venu, il y a vingt ans de cela. Le père Pittet doit quitter la paroisse Saint-Joseph, ainsi en a décidé sa hiérarchie, faire de la place à deux jeunes curés polonais, les lubies de notre évêque, pauvre prélat malade et chahuté entre scandales de mœurs et financiers. Je ne peux m’empêcher de penser que notre curé était trop populaire, trop proche des commandements de l’Eglise du Christ vivant : Jésus auprès des plus humbles et des pécheurs … Le père Gabriel m’interpelait sur le parvis, me demandant tantôt de donner la Communion, tantôt de faire une lecture. Je repense à la liturgie complexe et extrêmement codifiée ayant cours dans l’Eglise catholique allemande. Jamais on ne me laisserait être si près de l’autel, d’offrir les saintes espèces à mes coreligionnaires. Le Père Pittet m’a fait partager l’intimité de Notre Seigneur, en toute amitié, une connivence que je ne connaîtrai certainement pas avant longtemps. Il y a aussi la tristesse des paroissiens, l’incompréhension des uns, la colère des autres et la vague impression que cette paire de curé venue de l’Est sera bien plus « peignette » sur le pedigree des paroissiens que ne l’était le père Gabi. C’est un crève-cœur et je sais que je mets beaucoup d’égoïsme dans mon sentiment. Je sais aussi être attaché à une Eglise du pardon, une Eglise universelle …

Lors de mon dernier séjour berlinois, j’avais mesuré ce qui m’attachait à ce canton, à Lausanne, ma paroisse, mes liens tout en jouissant de l’immense connivence d’une Berlin que je pratique si bien, dans laquelle je circule avec autant d’aisance que dans une ville suisse. Alors même que je goûtais cette paix si particulière, ma solitude chez C., l’éloignement de Cy., je répondais à un appel, un établissement du secondaire post-obligatoire de la Riviera ! Je vais retourner sur cette rive-là, comme à l’époque quand je nourrissais des projets pour Vevey-Hebdo et moi dans le costume du repreneur. Du coup, Berlin et ses hypothétiques possibilités d’installation s’éloignent à nouveau tout en restant paradoxalement plus faciles à atteindre … Mystère d’un vrai salaire … Un vrai salaire ! A près de quarante ans, je vais toucher pour la première fois un salaire en rapport avec ma formation et me libérer de tant de contingences vexantes. De plus, on a aiguillonné mon intérêt, je vais devenir le rédacteur en chef du journal de l’Ecole, une publication mixte faite aussi bien par les élèves que les enseignants, une jolie publication, intelligente, dynamique … Et je suis si heureux à l’idée de retrouver ma clientèle préférée, des grands adolescents !
A suivre …

jeudi, juin 05, 2008

Sex and the city


Comment ai-je pu ne serait-ce que penser du mal de Carrie Bradshaw. Je suis allé voir Sex and the city, le film, avec Cr. Je me suis rappelé que j’avais recherché l’amour, que j’avais partagé mes doutes et mes peines via ce blog, que j’avais raconté mes amis, mes petites joies et mes déceptions. Je me suis rappelé que j’avais chanté Berlin aussi bien que Carrie chante New York. J.B., à qui j’ai téléphoné hier, me faisait remarquer que je menais une véritable relation avec les villes, surtout Berlin. Je les traite comme des amants, avec des moments de désintérêt, des tromperies, des brouilles, des retours de flamme et de merveilleuses réconciliations.

Je suis devenu un moraliste chiant et amer ; je n’arrive plus à goûter ni au paysage, ni aux situations. Je hante Lausanne plus que je n’y vis. Je la traverse, superposant des images, des scènes obsolètes mais je ne la vois plus. Tous les lieux que j’avais aimés me semblent dénaturés, salis. Je bute contre les baies des cafés et me sens incapable de me voir à une table, en train d’écrire … Jn., qui vient à peine de se réinstaller en ville, alors qu’elle n’a pas encore fini de déballer ses cartons, remarquait déjà qu’il lui était nécessaire de quitter Lausanne au moins une fois par mois, une petite fugue de deux-trois jours, supporter le petit genre lausannois pétasse-énervée-mal-embouchée à la mode néo-parigote … Mais Paris nourrit de vraies tragédies ce qui donne d’autant plus d’éclat à ses palais, ses monuments …

Il y avait cette légèreté, ce petit rien clinquant quoique toc mais qu’importe tant que la flamme de la lanterne ballottée par les aléas de la vie en ville, la lanterne du génie évidemment, continuait à se refléter dans le strass d’une parure et le cristal (d’Arc) de deux coupes de champagne (même s’il s’agit de flûtes, il s’agit toujours de flûte lorsqu’on parle de « coupe de champagne »). On ne va pas lancer une croisade pour la sauvegarde et le maintien d’une certaine pouffe-attitude, d’une vision périmée de la réussite et du bonheur urbain. On ne le fera pas et ce qui était si délicat et frivole prend alors les teintes mélancoliques de photographies sépia.