mercredi, mars 18, 2009

Une après-midi zürichoise


Zürich, mon cher Sprüngli, le lac et toute cette bonne vie à laquelle j’aspire. Je me suis offert une après-midi de vacances. Cy. travaille j’ai quartier libre. Et l’occasion était trop belle, cela faisait bien quatre mois que je n’étais pas passé prendre le thé Bahnhofstrasse, quatre mois sans cette subtile atmosphère de réussite discrète : Zürich sauvée de tout, immuable et polie.
Ce matin, j’ai remis la dernière version corrigée de « La Dignité » à mon éditeur, cette après-midi, je suis allé faire avancer l’intrigue de « La nouvelle Fuite à Varennes » au fond du canapé au premier, le Museum Bellerive, une exposition consacrée à Hermann Obrist. Le trajet peut sembler bien long pour une petite après-midi dans ma ville suisse idéale mais la liberté est incomptable, un quart d’heure aurait pu suffire afin de répondre à son appel. J’ai même réussi à régler quelque affaire embrouillée et boucler la prochaine édition du CEPV-Presse (le dernier organe de presse dont j’ai la charge) chemin faisant.
Il fait doux, une lumière caressante, Jane, mon agent littéraire, me promet un printemps fructueux et de riches récoltes à la fin de l’été. Puisse-t-elle dire vrai. J’aimerais tellement voir l’un ou l’autre de mes romans traduits en allemand, me rapprocher de la sorte de Zürich et, surtout, Berlin.
Avant de monter dans le train, détour par une épicerie fine de la gare ; comble du chic : les cagettes de salades, de feuilles comestibles et autres légumes délicats bénéficient, afin d’assurer leur fraîcheur, d’un système de brumification intégré à l’étal.

dimanche, mars 08, 2009

Jouer au zèbre


J'aspire à être une sorte de Thomas Mann romand, j'agis avec la misanthropie d'un Thomas Bernahrd et j'ai la sensibilité niaise d'une "Carrie Bradschaw". Pathétique ... D'autant plus que, en tant qu'auteur gay, je ne suis pas crédible ! Pensez donc ! je n'ai jamais "tiré de coke" avec quelque huile culturelle romande. On ne m'a même jamais surpris ivre mort par les rues de Lausanne ... Quant à mes références : Thomas Mann, ok, ça doit passer mais où peut se trouver un lecteur qui connaisse Thomas Bernhard et "Sex and the city".

"La Dignité" va sortir dans la plus grande indifférence; on trouvera cela trop vulgaire, trop intellectuel, trop naïf, trop ceci, cela et patati et j'en passe et des meilleurs et puis merde, je vous conchie tous, mortels ! Selon ma définition de l'Auteur, oui, avec la majuscule, la liberté d'esprit est à l'origine du talent. Tirer de la coke, faire la noce, faire carrière consécutivement à des faveurs sexuelles accordées à des gens influents, attraper toutes les MST en cours et se repentir à l'approche de la quarantaine est d'une banalité crasse. Avec mes cochons en peluche, on est bien au-dessus de cela.
J'ai choisi un bout de zèbre pour la couverture : 1. c'est très tendance déco, 2. le zèbre est un animal que l'on a toujours considéré comme parfaitement idiot parce qu'il ne se laisse pas domestiquer. On a beau lui apprendre toute sorte de tours qu'il comprend et exécute avec succès, vient toujours le moment quand il rue et envoie tout promener. Je vais donc continuer à jouer ... au zèbre !

vendredi, mars 06, 2009

De la dignité et autres matières littéraires


Dernière ligne droite dans la publication de "La Dignité", chez Castagniééé, énième lecture, chasse aux coquilles, erreurs de syntaxe, etc. Je suis surtout frappé par la mièvrerie de mon propos ... par sa naïveté plutôt. Cela n'est pas un problème lié à la qualité littéraire intrinsèque de la "La Dignité" mais ... j'ai grandi ! Depuis ma rencontre avec Berlin, mes préoccupations sont devenues moins "épidermiques", je pense travailler plus en profondeur. Le triptique de "La Dignité" rend compte avec exactitude d'une période passée, une sorte de période héroïque et d'attente adolescente. Il est aussi question de l'intérêt des blogs, intérêt dont je ne suis plus convaincu aujourd'hui. Plus de la même manière. J'ai l'impression d'y voir un jeu de dupe ou une mauvaise "retape" publicitaire.

Quant à y exposer des opinions, merci bien, je préfère les réserver à mon oeuvre papier et, peut-être, leur donner par la suite un échos dans le blog. Depuis "l'affaire", je suis quelque peu échaudé et mon enthousiasme "internautique" a bien été entamé. Je ne regrette rien, pas une ligne de ce que j'ai écrit jusqu'à présent. J'estime avoir répondu à une sorte de devoir citoyen en prenant la parole, en critiquant l'un ou l'autre point de l'actualité médiatique mais le blog n'est pas le bon lieu. Que je le veuille ou non, je me trouve lié à l'institution étatique cantonale et mon travail d'essayiste risque toujours d'être "mal pris" lorsque présenté en ligne.

Depuis "La Dignité", je persévère dans ma découverte de la littérature germanique; en ce moment, je dévore l'oeuvre de Thomas Bernhard, je goûte à la sensibilité douleureuse de cet auteur dont je partage pour bonne part la sensibilité. Je vois des parallèles entre sa condamnation de l'Etat autrichien et ma critique du canton ... C'est un auteur au verbe hypnotique, sinistre et brûlant de vérité. On touche à cette matière si précieuse : l'authenticité. J'espère y atteindre dans ce sur quoi je travaille.

mercredi, décembre 24, 2008

Tous mes voeux


Mais que m'arrive-t-il ?! Où sont passés mes fameux coups de gueule, une certaine mauvaise foi comme de la joaillerie de grand luxe, ciselée, limite vulgus mais "so chic" ! Non, je ne suis pas pasteur; je préfère le genre prélat impudique dans la soie et le velours pourpre. Et je suis catholique. Imaginez ! Si j'étais protestant, sans la possibilité de passer par la "washing-up machine" du confessionnal, les quintaux de "péchés" qu'il me faudrait traîner ! Le catholicisme est à la foi ce que la valise trolley est à la bagagerie : la façon la plus commode de se trimballer en transit.

J'ai raté cette année toutes les occasions de m'exprimer sur de "grands sujets" locaux : musée des Beaux-Arts, élection au Conseil Fédéral, lynchage politique, néo-coming-out de Stéphane Lambiel, etc. Rien, pas un mot, pas le moindre petit bout de ragot, pas même une ligne sur le mono-look souriant du nouveau Mister Suisse romande ... Je suis devenu fréquentable ... Ce doit être un effet de mon activité professionnelle ... euh, je veux dire de mon activité salariée - que je remplis à merveille même si je me considère avant tout comme un auteur.

On va dire que le séjour chez Mme de W., dans la petite ville vaudoise de V. me réussit mieux que mon séjour à ... me réussit mieux. Je ne vais pas même épingler mes collègues ou mon administration de tutelle. Je suis l'auteur-enseignant-rédacteur-en-chef-président-de-l'association-vaudoise-des-écrivains qui envoie publications et compliments dans tous les cabinets qui comptent dans le canton. Allez, encore une année à ce régime-là et je deviens une huile. Ai-je envie de cela ? Puis-je me poser sincèrement et publiquement cette question ? Euh ... on va légèrement recadrer l'énoncé : aimé-je (oui, l'inversion sujet-verbe du premier groupe à la première personne du singulier nécessite pour des raisons de prononciation cet accent aigu) donc aimé-je le salaire qui accompagnerait des fonctions huileuses, onctueuses, grassement payées !!! Oui ! De plus, je jouis d'un talent de communicateur et de pédagogue certain. Passez-moi le dossier du musée, je m'en vais vous vendre le truc en deux-quatre-sept, et appelez-moi le petit Stéphane, faut que je renégocie son rapport à la presse. Ah, dans la foulée, prenez-moi rendez-vous avec la section radicale vaudoise, on va rénover le grand vieux parti. Et joyeux Noël, et bonne année.

mardi, décembre 23, 2008

"Sanctus" sol invictus


Nous touchons à cette saison qui n'en est pas une, cette saison que je nomme "été paradoxal". Jusqu'aux tourterelles se croient arrivées aux beaux jours, et chantent encore mieux que dans les mélèzes de mon enfance, le chemin de Préllionnaz, la chaleur de juillet ... Il y a cette lumière incomparable d'une fin décembre ensoleillée; une avant, avant-promesse printanière ... On n'invente jamais aussi bien son temps qu'en se le rappelant, qu'en le commémorant sur le canevas du cycle des saisons. "Sol invictus" n'est pas très loin, le solstice d'hiver suivi de la calme victoire du dieu des troupes romaines, l'hégémonie irrépressible de l'état de droit, des vertus urbaines, du commerce florissant.

Je me souviens de tous mes Noëls d'impie, je me souviens du vide et de l'ennui qui les entouraient parmi la guirlandes et les boules de mauvais goûts, je me souviens aussi de l'espoir que portait la prochaine arrivée d'une année nouvelle. Je ne commémorais pas encore. Il était plutôt question de survivre, de trouver du sens entre des sentiments confus et des impressions encore plus confuses. Sans parler des questions matérielles ... L'indigence et le mauvais goût de la guirlande électrique ne menacent plus ce Noël.

Le déplacement du père P., maladroitement remplacé par deux ecclésiastiques peu amènes, me prive de la veillée dans ma paroisse. Je veux vivre cet instant primordial et symbolique de ma foi catholique dans un lieu qui fait sens, et je le ferai à Saint-François-de-Sales, ma paroisse genevoise d'élection. Je pourrai commémorer "l'été paradoxal", les tourterelles de mon enfance, mes attentes, mes espoirs passés, mon attachement à Genève, mon attachement à la personne historique de saint François de Sales; je dînerai même en compagnie de Ch., venue de Berlin comme chaque année. Nous vivrons alors le début de cette hégémonie irrépressible, le triomphe de la lumière sur l'obscurité, le symbole ancien de nos victoires modestes et si précieuses depuis qu'une promesse mystique les soutient.

samedi, novembre 29, 2008

Ceci n'est pas un adieu


Je n'ai pas donné de nouvelles, je ne voulais pas encore vous jeter ma mauvaise humeur à la face. La paresse faisant, le temps est simplement passé, et les projets avec ... La Dignité, essai autofictif a bénéficié d'une relecture attentive, de corrections, de l'adjonction d'un appareil critique. Dans la foulée, je me suis adjoint les services d'un agent, et j'ai rédigé un récit, un éclaircissement, une sorte de suite à La Dignité. Je suis allé au fond de moi-même et de mon ressentiment ... un cri ?! Journal de la Haine et autres douleurs m'a permis une formidable plongée qui ne me laisse que des questions et de la fatigue.

Au cas où vous vous poseriez la question, je suis à Berlin. Je n'y suis pas physiquement, je ferme les yeux et je suis dans le restaurant turc de la Maassenstrasse, à Nollendorf, ou chez Dussmann ou le long de la Spree, près de l'arrêt Bellevue du S, je vais prendre un café dans un tea-room de l'autre côté du pont. Et il y a les instants de bravoures, ces moments scandaleux qui n'appartiennent qu'à Berlin et permettent l'exercice de la liberté aux hommes qui l'assument. Je n'entrerait pas dans le détail, vous ne comprendriez pas, je le sais.


Il est tard, suffisamment tard pour se faire des confidences et, "comme au bon vieux temps", alors que je vous écris, j'écoute Accuradio.com, classical crossover. Je ne fais pas mon grand retour dans ces pages ... Je vais certainement m'y faire plus rare encore. Je vous laisse revenir sur les précédents messages, sur l'exacte saveur dont j'ai voulu les emplir. Ce n'est ni une démission, ni une abdication. La Dignité est sur le point de sortir. Les projets littéraires vont bon train et il y a les autres vies, celles dont je ne sais ni quoi faire, ni quoi penser : la professionnelle et la sentimentale. Pour n'importe qui d'autres, elles iraient parfaitement bien mais, si vous êtes l'un de mes lecteurs réguliers, vous devez savoir que je ne réagit pas de façon commune ... Allez, mais allez, ce ne sont pas les derniers mots que je vous adresse.

mercredi, septembre 03, 2008

Du côté de chez Mme W.


Je suis en vitrine du McCafé, la bonne ville vaudoise de V. où vécut Madame de W. J’observe le défilé dense et calme des voitures sur l’avenue de la gare, je pense à Berlin, un autre McCafé du côté du Görlitzer Park, la morsure vive de l’humiliation et le soulagement de me sentir protégé par la nuit berlinoise … J’y retourne sous peu, cinq jours en octobre, juste le temps de me dire que je suis tout de même libre, à peine embarrassé par quelques masques de circonstance, à porter selon …

Je sors de la lecture d’une revue littéraire, un hors-série qui a traîné dans le secrétaire Tudor, le séjour de mon vieil appartement, depuis une bonne année avant que je me décide à entreprendre sa lecture. « Les Ecritures du moi » : autobiographie, mémoires, autofiction et tous les genres apparentés, une petite mise-au-point sur ma propre pratique littéraire et sur le blog, aussi, que j’ai tenté de dépersonnaliser, de faire paraître plus « institutionnel », de quoi me le rendre étranger et sans intérêt. J’y ai bien bravement poussé la réflexion sur tout et rien, pris position mais qu’importe, les journaux sont remplis de toutes les positions que vous voudrez.

Le « je » n’est pas à prohiber tant qu’il est l’expression d’une authenticité, d’un geste sincère : la volonté de le donner à voir, de l’offrir au monde sous une forme travaillée et artistique. Je prêche pour ma chapelle, évidemment, je pense à ce « je » d’auteur, de la détresse discrète et suicidaire de Virginia Woolf à la lutte acharnée d’un Thomas Bernhard contre l’obstacle des autres. Et Guibert, évidemment, parce qu’il brille du sombre éclat d’un fétiche mensonger, mon adolescence bercée – bernée – par les promesses exorbitantes de l’universalisme mitterrandien. Il faut que j’achète « Le Froid » de Th. Bernhard, je vais passer dans la bonne libraire de V.


Je retrouve ce lieu, un ton, le blog comme l’exilé retrouve sa maison après … après ! On parlera de « fâcheux événements » et la maison est toujours là, le salon du rez presque pareil, une lampe est tombée, il manque deux ou trois choses, il faudra changer les rideaux. J’y trouve une joie discrète et du regret, à la fois ; on n’a de cesse de se référer à sa mythologie personnelle, d’y revenir et de la surimprimer à l’instant.

dimanche, août 10, 2008

De Sissi à Carrie


Il y a ces impératifs dont on ne pourra jamais se départir … quel que soit le régime adopté ou les talents de votre dermatologue ou de votre institut de soins. On a beau ne pas se résoudre, au mieux, on a l’air ridicule. Conserver une silhouette et une tenue adolescente alors qu’on a largement dépassé la trentaine confine à la crétinerie crasse ou au grotesque. Il y a toujours l’indice fatal qui vient rompre le charme. Le fait de voir le chiffre grossir sous la rubrique « âge » ne m’a jamais horrifié, ni posé particulièrement de problème. J’ai eu une adolescence « merdique » et une pseudo « jeunesse » avant tout occupée à survivre financièrement. Toutefois, j’ai été pris d’une cuisante nostalgie hier soir, alors que je me suis aperçu être transparent à la jeunesse, celle-là même qui a tout pour elle, qui peut s’ébattre dans une Berlin plus gay que n’importe quelle capitale mondiale. J’ai donc vieilli dans le regard de ces p’tits animaux urbains que je devine et comprends encore mieux qu’eux-mêmes.

Quelle réponse apporter à ce nouvel état de fait pas si nouveau car on ne passe pas de 18 à 39 ans en une nuit et je n’ai pas à souffrir d’une dégradation physique subite ? Je n’ai pas pris le temps de vieillir et ne me reconnais pas dans le style de vie des autres « jeunes » quadras (mioches, télés écran plat géant, achat d’appartement, de canapés en cuir, voiture en leasing) et l’intelligentsia que je fréquente assidûment est trop désincarnée pour que j’intègre totalement ses nobles rangs … Je me retrouve dans le même no-man’s-land que durant ma pseudo jeunesse et mon adolescence merdique … Avec soit quelqu’un dans ma vie, quelques très fidèles amis, des projets littéraires, journalistiques et un emploi ! Je ne vais pas commencer à faire du sissiisme – régime drastique, institut de soin et éloignement de toute société afin de ne pas être trahi par l’indice fatal qui trahirait mon âge … Sissi-isme ou jouer à l’impératrice voilée qui était en complet décalage entre son état de souveraine, de femme dans le « bel » âge et le feu d’un cœur neuf encore, animé de la flamme vive du désir, de l’appétit à être. Ça n’a rien à voir avec un bête coup de jeunisme. C’est moins intéressé sexuellement … c’est une trahison de la tuyauterie.

Je n’ai pas de recette miracle à la Carrie Bradeshaw, le mot de la fin comme une jolie morale légèrement douce-amère, quelque chose qui donnerait envie de prendre une tasse de thé sur la terrasse chauffée du Bério et regarder tomber la pluie tout en étant sûr d’avoir choisi les bonnes chaussures, prêt à appareiller pour de nouvelles aventures urbaines.

vendredi, août 08, 2008

Des géraniums pour Lina


Reprendre le charmant dialogue du fil des jours, le reprendre par toquade et pour soi … Il n’est plus nécessaire à présent de siffler mon petit air berlinois en si, l’exquise valse des si, les irréelles qui s’enchaînent. Il n’est pas même question de vilipender une commune vaudoise ou d’épingler la stupidité crasse d’un élu, d’une institution … Il faut juste savoir conserver un certain « quant à soi » et regarder les passants, sur le trottoir, défiler devant la terrasse … Je ne suis pas encore sorti, je profite du décor « goût russe » du studio de vacances que je loue pour quelques jours à Berlin. Le bâtiment est sordide, l’intérieur soigné, du joli bricolage ingénieux, on a voulu faire « chic », moderne et commode … L’ensemble est juste affreux. Je peux jouir d’un balcon fleuri garni de bacs de géraniums en eternit avec un invraisemblable système d’arrosage à distance. Dans l’appartement voisin vit mon logeur ou sa mère … quoiqu’il en soit, les discrets tuyaux d’arrosage proviennent du balcon d’à-côté, balcon garni des mêmes géraniums et des mêmes treilles de liserons … J’en suis venu à faire cette incroyable découverte alors que je m’interrogeais sur les soins à donner à cette balustrade fleurie, m’imaginant ensuite que mon logeur surveillait mes allées et venues, profiter de mon absence afin d’arroser ses chers géraniums ! Je ne me serais pas imaginer resté dans cet appartement plus longtemps, ne pas se sentir chez moi … Et ces intrusions n’auraient rien eu à voir avec l’entretien d’une chambre d’hôtel, je ne jouis pas ici des conventions propres à ce type d’établissement.
J’aime l’idée d’être à Berlin, dans un meublé plus ou moins chic, ne rien faire de spécial, juste laisser passer le temps, laisser passer l’été dehors, la vraie saison de l’hibernation. L’été ne réussit qu’aux petits oiseaux, aux arbres fruitiers et aux adolescents en mal d’une sexualité non onaniste (dans l’ordre décroissant d’évolution). Pour le reste de la création, c’est une épreuve … Je ne parle pas de la chaleur, phénomène agréable, mais je fais référence à l’inconfort tant physique que sensoriel. Il faut supporter la puanteur des conduites d’évacuation, des foules, des grillades ; le bruit de ces mêmes foules ; le débraillé général … Non, je ne suis pas misanthrope. Et c’est afin de conserver une bonne opinion de mes semblables que j’évite les plages, les lieux de concentration humaine en plein air et la Côte d’Azur. Je vais profiter du temps exceptionnel de ce jour pour une promenade à Tiergarten. Peut-être essayer un peu le canapé, y travailler un instant, la suite du « Concile de Pigeons », je me suis donné la semaine pour y mettre un point final. Ou commencer la lecture de « En avant toujour ! », de Lina Bögli, une aventurière du début du XXème siècle que la légende n’a pas retenu. Elle n’était pas fille de famille comme Mlles Maillard ou Schwarzenbach.

lundi, juillet 07, 2008

Près de l'autel, loin de Berlin ... ou le contraire !



Il est parti comme il était venu, il y a vingt ans de cela. Le père Pittet doit quitter la paroisse Saint-Joseph, ainsi en a décidé sa hiérarchie, faire de la place à deux jeunes curés polonais, les lubies de notre évêque, pauvre prélat malade et chahuté entre scandales de mœurs et financiers. Je ne peux m’empêcher de penser que notre curé était trop populaire, trop proche des commandements de l’Eglise du Christ vivant : Jésus auprès des plus humbles et des pécheurs … Le père Gabriel m’interpelait sur le parvis, me demandant tantôt de donner la Communion, tantôt de faire une lecture. Je repense à la liturgie complexe et extrêmement codifiée ayant cours dans l’Eglise catholique allemande. Jamais on ne me laisserait être si près de l’autel, d’offrir les saintes espèces à mes coreligionnaires. Le Père Pittet m’a fait partager l’intimité de Notre Seigneur, en toute amitié, une connivence que je ne connaîtrai certainement pas avant longtemps. Il y a aussi la tristesse des paroissiens, l’incompréhension des uns, la colère des autres et la vague impression que cette paire de curé venue de l’Est sera bien plus « peignette » sur le pedigree des paroissiens que ne l’était le père Gabi. C’est un crève-cœur et je sais que je mets beaucoup d’égoïsme dans mon sentiment. Je sais aussi être attaché à une Eglise du pardon, une Eglise universelle …

Lors de mon dernier séjour berlinois, j’avais mesuré ce qui m’attachait à ce canton, à Lausanne, ma paroisse, mes liens tout en jouissant de l’immense connivence d’une Berlin que je pratique si bien, dans laquelle je circule avec autant d’aisance que dans une ville suisse. Alors même que je goûtais cette paix si particulière, ma solitude chez C., l’éloignement de Cy., je répondais à un appel, un établissement du secondaire post-obligatoire de la Riviera ! Je vais retourner sur cette rive-là, comme à l’époque quand je nourrissais des projets pour Vevey-Hebdo et moi dans le costume du repreneur. Du coup, Berlin et ses hypothétiques possibilités d’installation s’éloignent à nouveau tout en restant paradoxalement plus faciles à atteindre … Mystère d’un vrai salaire … Un vrai salaire ! A près de quarante ans, je vais toucher pour la première fois un salaire en rapport avec ma formation et me libérer de tant de contingences vexantes. De plus, on a aiguillonné mon intérêt, je vais devenir le rédacteur en chef du journal de l’Ecole, une publication mixte faite aussi bien par les élèves que les enseignants, une jolie publication, intelligente, dynamique … Et je suis si heureux à l’idée de retrouver ma clientèle préférée, des grands adolescents !
A suivre …

jeudi, juin 05, 2008

Sex and the city


Comment ai-je pu ne serait-ce que penser du mal de Carrie Bradshaw. Je suis allé voir Sex and the city, le film, avec Cr. Je me suis rappelé que j’avais recherché l’amour, que j’avais partagé mes doutes et mes peines via ce blog, que j’avais raconté mes amis, mes petites joies et mes déceptions. Je me suis rappelé que j’avais chanté Berlin aussi bien que Carrie chante New York. J.B., à qui j’ai téléphoné hier, me faisait remarquer que je menais une véritable relation avec les villes, surtout Berlin. Je les traite comme des amants, avec des moments de désintérêt, des tromperies, des brouilles, des retours de flamme et de merveilleuses réconciliations.

Je suis devenu un moraliste chiant et amer ; je n’arrive plus à goûter ni au paysage, ni aux situations. Je hante Lausanne plus que je n’y vis. Je la traverse, superposant des images, des scènes obsolètes mais je ne la vois plus. Tous les lieux que j’avais aimés me semblent dénaturés, salis. Je bute contre les baies des cafés et me sens incapable de me voir à une table, en train d’écrire … Jn., qui vient à peine de se réinstaller en ville, alors qu’elle n’a pas encore fini de déballer ses cartons, remarquait déjà qu’il lui était nécessaire de quitter Lausanne au moins une fois par mois, une petite fugue de deux-trois jours, supporter le petit genre lausannois pétasse-énervée-mal-embouchée à la mode néo-parigote … Mais Paris nourrit de vraies tragédies ce qui donne d’autant plus d’éclat à ses palais, ses monuments …

Il y avait cette légèreté, ce petit rien clinquant quoique toc mais qu’importe tant que la flamme de la lanterne ballottée par les aléas de la vie en ville, la lanterne du génie évidemment, continuait à se refléter dans le strass d’une parure et le cristal (d’Arc) de deux coupes de champagne (même s’il s’agit de flûtes, il s’agit toujours de flûte lorsqu’on parle de « coupe de champagne »). On ne va pas lancer une croisade pour la sauvegarde et le maintien d’une certaine pouffe-attitude, d’une vision périmée de la réussite et du bonheur urbain. On ne le fera pas et ce qui était si délicat et frivole prend alors les teintes mélancoliques de photographies sépia.

lundi, mai 26, 2008

Mea culpa


Mea culpa, je t’ai oublié mon lecteur … pour mieux me consacrer à ton service ! C'est-à-dire que j’ai beaucoup travaillé sur Les Mémoires d’un révolutionnaire (vaudois), sur les détails de la sortie de La Dignité et accessoirement sur la réorganisation de l’Association Vaudoise des Ecrivains. Tu me diras que cela sonne comme une « excuse » officielle … Mmoui … tu n’as pas tout tort. Il y a de la paresse et cette impression de perdre mon temps. Pas avec toi, mon lecteur, mes quelques lecteurs, mais plus généralement en terre vaudoise. Je me suis donné jusqu’en juillet de l’année prochaine, le grand départ, Berlin ! Il faut que j’y fasse un saut du reste, embrasser Christine et Libussa, organiser avec cette dernière une rencontre « fortuite » avec le directeur du lycée français.

Je me sens si loin de l’intimité que nous partagions il y a deux, trois ans, de cette liberté de ton, de cette connivence propre à l’auteur autofictiste et son lecteur : Carrie Bradshaw versée dans les lettres plutôt que dans les atermoiements de son minou. J’ai pourtant bien essayé de renouer avec la même franchise mais mon entour m’ennuie ou ressemble trop à une tragédie classique. Cela fait bien plusieurs mois que je vis totalement détaché des petits riens charmants d’une vie anecdotique. Les choses se sont figées dans la gravité et la dignité, c’est à peine si je sais comment font les chaussettes pour revenir dans le tiroir ; j’avais une attention « monacale » à ces riens plein d’enjeux et d’occasion de « philosopher ». A force de tirer des généralités de mon particulier, ma vie est réduite en équations, en théorèmes, en projections statistiques, je vis comme un fétiche antique dans un marbre existentiel …

D’autre part, je suis heureux de détonner parmi la médiocrité d’une condition sociale subalterne … Il y a peut-être de la fatuité dans la pause ; assurément mais ça ne dévalorise pas la relation à mes lecteurs. Je sens le claquement précis et amorti des touches du clavier alors que je tape ce texte, quelque chose de précis, de technique. Le toucher est à la fois évident et certainement issu d’une grande technicité. De manière identique, tout mon temps, ma vie, mes relations sociales et amoureuses sont tournées vers « l’œuvre » … Ah ! le grand mot qui fait peur, que manient avec fausse modestie les potentats intellectuels locaux … Tant pis, je l’assume, tout comme je ne vais pas me prétendre petit alors que je mesure 1m90 (quatre-vingts-dix, si, si, j’y tiens, je conchie le « nonante » dont je ne tire que la honte d’un style rural trop marqué). Je suis un auteur, je travaille donc à mon œuvre.

vendredi, mai 02, 2008

Des vertus de la musique baroque


Les délices de la musique baroques sont seuls capables de couvrir le désordre et le mauvais goût de l'époque. Lully (portrait ci-contre), Charpentier, Rameau, Telemann, et les autres, méconnus de mon voisinage, et des pauvres pommes incultes qui polluent l'espace public de leur vacarme natélesque ... Et je m'adonne avec plaisir à un certain élitisme. J'aime à dire que la musique classique est nettement plus performante que la pop ou le râpé. Lorsque j'étais enfant - je sais, cela commence à dater - tout était rock, sitôt que cela avait un peu de rythme, bingo, c'était rock. Et la chose a passé comme tant d'autres bouillasses. Et Rameau, et Sainte-Colombe, Haendel, Gluck sont encore là. Ils n'occupent pas une grande place médiatique mais ils perdurent et parviennent jusqu'à des personnes comme moi, en rien issue du milieu sensible à ce genre de musique dont les mélodies brillent encore des ors de Versaille.

J'aime à dire qu'il me serait plus simple de faire ma cour à un prince plutôt qu'à une administration communale. Ah ! Le Grand Siècle et sa mise-en-scène, le goût de l'ordre, la symétrie et la pratique charmante des arts, le respect du travail. Me vieux-connifié-je ? Peut-être, qu'importe, au moins ne me confond-on pas avec un réverbère ou un élu local ... ou je ne sais quel grouillot de back-office. Je nourris la plus grande méfiance envers ces individus dont je ne vois pas l'utilité. On va encore me faire des procès, s'agiter, caqueter, et je vais encore rembarrer toute cette volaille indignée aller se faire pendre dans un autre poulailler. La chose me distraira en peu mais on ne vit pas que de distraction, on ne peut pas passer son temps à tirer la bécasse ou Mme de S et son volumineux fessiers dans le petit village vaudois de C. Mon oeuvre ne s'écrit pas toute seule.

Je confesse tout l'orgueil que vous voudrez mais, voyez-vous, si mal né soit-on, la seule chose que l'on emporte par-delà le tombeau, c'est son honneur. Je n'étais pas parti pour défendre le mien. J'aurais dû, du fait de mon orientation sexuelle, de mon milieu d'origine m'asseoir dessus. J'aurais dû me laisser insulter ... L'insulte n'était soit pas directe, il ne faut pas prendre tout pour soi, comme la comtesse de Pourtalès qui s'excalma lors de la première du "Sacre du printemps", « c’est la première fois depuis soixante ans qu’on ose se moquer de moi.» ... Il est toutefois à noter que Mme de Pourtalès tout comme moi ne percevons le monde qu'à travers nous-mêmes et j 'ai beau être légèrement schizophrène, je n'arrive pas encore à vivre et ressentir dans le corps d'un autre. En attendant, n'en déplaise aux grouillots et autres réverbères, je sors un essai en octobre et mène ma vie d'auteur.

samedi, avril 26, 2008

La bannière et le ballon


Il est si facile de se livrer à quelques grands desseins ... tout comme à l'humilité consécutive à la paresse sociale, les choses qui vont seules leur chemin. N'importe quel leader un tant soit peu charismatique arriverait à se hisser au pouvoir et offrirait un projet simple - voire simplet - avec la gloire en but ultime et tous les mous et les traîne-savates d'hier se transformeraient en bon petit soldat, en instrument du pouvoir suprême ...
Remarquez, un nouveau Bonaparte, une croisade à l'instigation du Très Saint Père, je suis partant ! Je fais mon bagage sur le champs pour emboîter le pas d'un général révolutionnaire apportant l'Etat de droit jusqu'aux confins des cultures qui n'en veulent pas et je me sais prêt à défendre ma foi catholique avec ... pugnacité. Soit, j'y mets un certain romantisme et beaucoup de passion, normal, je suis un artiste, j'ai le droit ... C'est mon rôle. Revenons au blaireau de base : lui faut-il un Napoléon ou une bulle papale pour suivre un "grand dessein". Non ! une vague promesse de mieux, quelques vierges, la victoire en championnat du monde, l'alcool pas cher et, par dessus tout, la conviction d'être le meilleur.
Pourquoi nous sommes-nous éloignés de nos vies, de ces simples riens faits de fin d'après-midi au parc, un banc, le parfum des buissons fleuris, la course des chiens. Tous ces instants anodins, creux et si beaux dans leur anonymat. Il y a aussi la vérité de l'émotion, cette vérité quelconque pour soi mais irradiante lorsqu'on en témoigne, révélant des miracles là où l'on ne voyait qu'un dépotoir. Il faudrait être sincère ... Flicage ... Moins on en dit, moins on parle et les mots se sclérosent, et le blaireau de base en perd l'usage. Allez, votez leader !

lundi, avril 14, 2008

Le miroir


Je n'ai jamais connu l'angoisse de la page blanche ... jamais. Il me suffit d'écrire, simplement dévider la dentelle des mots, prendre la parole de mes personnages, rendre apparent le dialogue intérieur qui court perpétuellement en moi, une fontaine aux jets ... gracieux ! Et tant pis pour l'image laborieuse de l'artisan méritant qui cisèle son texte en tirant la langue. En plus, il m'arrive même d'écrire en regardant la télé, au téléphone, et surtout dans les espaces publics. Je capte le mouvement, l'ondulation subtile de l'humeur générale et l'air du temps. Ça ne doit pas sembler pesant ou difficile sinon, ça me lasse et ça manque de fraîcheur. Je ne devrais pas livrer à l'exposition publique mes petites recettes de fabrication, surtout pour dire qu'écrire - et avec talent - m'est bien l'activité la plus commune et la plus aisée, plus encore que de faire la vaisselle ou changer le lit. Pensez donc, un lit de 1,60x2,10, un bateau lavoir avec des draps qui n'en finissent pas et des housses de couette comme une tente de camping. Il me faut bien une demi-heure pour tout changer, et la lessive, étendre, repasser, plier ... Pfff, non, écrire est bien plus simple, commode, gratifiant et drôle. Le vrai secret : être au plus près de soi ! La sincérité donne du talent, une sorte de blanc seing vers la vérité, celle dont nous détenons notre part.

Je me suis mis, par jeu, par coquetterie, à habiller ces évidences de quelques belles notions lettreuses : "devoir de vérité foucaldien", autofiction, etc; de pose(s) littéraire(s) (Thomas Mann, François Mauriac et/ou Hervé Guibert) mais mon travail est bien plus simple. Il suffit d'écrire, d'en avoir envie, ne pas chercher à s'économiser ... J'ai donné dans l'avarice de moi-même par honte, à croire qu'il n'était pas respectable d'écrire avec aisance et, même, rapidité. Je me souviens du conseil d'une vieille autrice après ma première publication; j'avais soumis à sa lecture un petit roman qui lui faisait suite. "Il faut prendre le temps de la réflexion" ou je ne sais quelle billevesée de cette même facture. Jalousie ? Conformisme ? Les deux ?! Qu'importe. Je témoigne de mon temps mieux que n'importe qui d'autres, de bas en haut, de la bouillasse humaine bavarde trimballée dans les transports publics aux antichambres du pouvoir. Je passe partout, c'est normal, c'est mon travail. Un auteur - prolixe ou laborieux - est la conscience de son époque, un miroir au teint plus ou moins clair, un reflet mobile qui glisse parfois sur la surface la plus incongrue et j'en passe et de meilleures métaphores.

Je me souviens aussi des auteurs qui nous étaient offerts en vénération au lycée (oui, lycée, je pense à mon public français pour qui un "gymnase" n'évoque rien d'autre qu'une palestre). Un vieux poète alcoolique, borné et amer nous rabâchait dans sa demi-ivresse la biographie de monuments lourdingues de la littérature tourmentée et sérieuse, d'antiques trucs mal vissés sur leur socle que n'importe quel jeune homme décidé, chargé d'un lourd paquet et pressé de trouver un rebord pour se délester, mettait à bas sans y prendre garde. Le jeune homme, c'était moi ! Et les élucubrations vaseuses autour du minou de la dadame par des poêts vérolés m'ont toujours laissé froid. Mon enseignant imbibé n'avait pas compris mon allergie aux félidés et nourrissait une certaine jalousie (encore !) à mon endroit, persuadé qu'il était que j'avais séduit et consommé toutes les filles de la classe. En ce temps-là, ma littérature était nue, je n'avais pas l'usage d'un habillage, je ne me projetais pas dans un modèle. J'étais trop occupé à vivre des thèmes romanesques. Puis j'ai versé dans une certaine parcimonie de ma plume; voilà qui est passé, par bonheur. Entre mes laharperies, une pièce que je suis en train de placer, Le Concile de pigeons, la prochaine sortie de La Dignité, je renoue avec la prodigalité naturelle de ma source.


samedi, avril 12, 2008

Die Heimreise


Il est revenu, comme on revient toujours ... Je l'avais attendu des semaines, j'ai toujours pensé qu'un jour je le trouverais derrière ma porte, à attendre, il était mon prince charmant. Il n'est pas revenu physiquement, il m'a juste demandé une autorisation d'apparaître parmi mes liens msn puis il s'est signalé. Il pense encore à moi. "Wenn du wieder single wirst, melde dich einfach. Ich nehme dich zurück". Quel mufle ai-je pensé. Lui, c'est "Traumprinz", une aventure autrichienne qui m'a mené à Vienne et qui aurait dû m'y retenir. C'était avant ... les événements, comment le dire autrement avec tact et discrétion. Pour mes lecteurs fidèles, ils sauront que je parle du petit village de C. où vécut ... Savez-vous que Brasillach parle de Mme de Staël en l'appelant aussi la grosse ! J'espère avoir autant de talent que cet auteur mais mieux finir que lui. Quoique j'aie toujours pensé que la bonne littérature menait à la prison ou à l'hôpital psychiatrique.

Il y a par la fenêtre ce printemps de suie et de bourrasques, quelque chose d'aussi beau que des cheveux gris sur une jeune tête. J'aime cette saison équivoque, anachronique et sans référant; elle laisse le loisir de la réflexion. Elle laisse le temps de s'accoutumer à la vulgarité de la belle saison. Et on a l'air moins bête dans l'indécision. Je serai l'auteur qui donne de la saveur à tous vos instants de rien, au temps dit perdu, aux attentes vaines, aux creux de la vie, attente d'ascenseur, manoeuvre de parcage, file à la caisse. Impossible de nous priver de ce temps résiduel, impossible de l'aménager, de le contrôler : il reste imprévisible. Je suis l'auteur de ce qui n'a apparemment ni sens ni intérêt. Je laisse les jolis combats d'avant-garde et les sujets d'actualité aux gentilles scriboullonnes qui flattent plus la fibre fantasmatique des marchands de soupe que l'esprit des lecteurs. Il y a aussi les mille précautions que les agités "sérieux" de la plume prennent, leur caution morale pour nous parler de leur banale banalité ... berk, des histoires de famille (quand j'entends ce mot, je sors mon revolver), avec mioches et clebs ... Je préfère de loin ma saison équivoque et mon mufle charmant, pardon, mon prince - mufle - charmant.

Si j'étais à Berlin, Vienne ou Barcelone ... Qui a dit "et bien vas-y, on ne te retient pas ..." Je pourrais me raconter de jolies histoires de bonne vie un livre à la main, l'un de ces auteurs si proches de nous, début du XXème, vous savez, avant la seconde chose mondiale, le grand malaise et les solutions qui n'en sont pas. Je ne ferais que fuir. "La Dignité", mon essai autofictif, est terminé depuis plusieurs mois, prêt à la publication, sortie en octobre, et Laharpe n'a pas besoin de beaucoup voyager (les "Mémoires d'un Révolutionnaire"). Je ne sais pas si l'Etat de Vaud est pressé de lire ce travail qu'il a financé, la bourse 2007 à l'écriture. Et sans oublier mon chantier de Gayromandie ni Cr. qui n'apprécie guère mes "fugues".

samedi, mars 29, 2008

Installation


On va se raconter des histoires, jouer à « comme si », le « pain quotidien » de l’auteur. Et je décide que, pour une semaine, je retourne chez moi, ce lieu mi-mythique, mi-passé, une conjonction habile entre des paramètres temporels et géographiques, une équation d’une grande élégance et d’une subjectivité chantournée, ornementée, quasi écrasée sous le poids de la symbolique qu’elle-même suscite. Chez moi, « comme si » on était à Berlin, le défilé familier du paysage sur les lignes du S 5, 7 ou 75, direction Ahrensfeld, Wartenberg ou Strausberger nord ; les trois s’arrêtent à Nölderplatz, ma station. Je promène évidemment un Mauriac dans mon sac, « Le Mystère Frontenec » dans une vieille édition de poche aux pages fusée, un exemplaire qui a vu du pays puisque j’en fis l’acquisition dans une bouquinerie de Barcelone. Dans ces conditions, je rejoins forcément mon vrai séjour. Il s’agit d’un monde très privé et jonché de brasseries, de point de chute particulier, du Kaufland de Lichtenberg, de ce steh-café près des anciens bureaux de la Stasi, la boulangerie Wenzel à la Frankfurter et le Bério dans le kitz gay de Nollendorf.
On va faire comme si c’était un début de printemps timide mais plein d’espoir, avec les jours qui s’étirent et ce ciel fabuleux que l’on ne voit qu’à Berlin. Il y aurait la première journée, le transit en « trolley volant », arrivée à Schönefeld, un train quelconque pour Ostbahnhof. Il y aurait eu le froid perçant de l’appartement vide, la commande électronique du chauffage et sa manipulation compliquée, des courses et une sorte d’attente de une à deux heures dans un mauvais sommeil frissonnant avant d’aller traditionnellement dîner au Yoggi Snack avec Ch. Il y aurait eu le vrai premier jour, quelques flâneries, le Ku’Damm puis une tasse de thé dans un bon établissement de tradition, près du château de Bellevue, puis une nouvelle nuit sur ce divan si familier à présent, puis un lendemain, et le silence de l’appartement parce que Ch. aurait dû partir en excursion administrative. Cette ville sait si bien occuper ses citoyens en les envoyant au diable vau vert chercher des formulaires à faire tamponner trente kilomètres plus loin.
Il faudrait alors se rappeler qu’on a tout de même des choses à faire, un article sur une pièce de théâtre, un rapport d’activité, un ordre du jour à proposer et réfléchir à sa mise, à la promenade de l’après-midi, peut-être encore une tartine de teewurst avant de sortir, et arranger le divan dans sa mise « journée » ; Ch. ne va pas tarder de rentrer de ses visites administratives. Le temps prend une autre forme, à Berlin. Il y est plus rond et plus dense et, donc, plus court. Il est difficile de le manœuvrer parce qu’il roule entraîné par son propre poids dans le sens de la déclivité, la logique de l’instant … Comme si on y était.

vendredi, mars 21, 2008

L'Adoration


Et si ce n'était pas le bon moment ? Il y a ces instants qui tombent justes, la vénération du Saint Sacrement hier soir, par exemple, dans la pénombre de l'église Saint-Joseph, sa chapelle fleurie pour l'occasion, un soeur veillant le ciboire ... J'ai aimé les quelques minutes de trajet de mon domicile à l'église, dans la nuit froide. Je me suis souvenu de nombreuses nuits froides traversées pour courir après ... des chimères, satisfactions orgueilleuses inabouties. Il n'est pas, aujourd'hui, question d'être vertueux mais de mieux placer son orgueil !
Ce ne serait jamais le bon moment de prendre la plume, de raconter des "histoires" et surtout pas de la littérature, pas de celle qui regarde un brin d'herbe ou scrute sans relâche le panorama unique d'une fenêtre. Il faudrait avancer des théories et d'autres billevesées, s'inquiéter du niveau lexical de son lectorat potentiel ! Et passer à côté de la mystique du verbe, de cette invraisemblable force qui crée et recrée à dessein des univers jusque dans leurs moindres détails. Voilà un orgueil bien investi, rentable, un supplément de vie offert au lecteur, à l'auteur aussi, son vécu démultiplié et grandi.
Je garde étonnement la nostalgie de situations parfaitement authentiques mais en rien vraies ... des lectures à un moment et un lieu donné. Le petit monde bourgeois et finissant de Mauriac va de pair avec Berlin, la bonne vie de la grande capitale, ses parcs, l'appartement de Ch., les larges brasseries sur les boulevards commerçants et le U-Bahn aux stations d'avant-guerre. Je ne vais, du reste, pas tarder à y retourner, j'ai besoin de cette réalité-là, de la perspective sur Alex depuis la cafétéria du Kaufhof Galeria, de la Frankfurter Allee, des vielles avenues défoncées de Kreuzberg; je dois me livrer à cette adoration-là.

samedi, mars 01, 2008

Carnet de bord


Rien en commun entre écrire face à la fenêtre, sur la table ronde en vieux design seventies' ou assis au clavier de l'ordinateur fixe, face à un mur, sur la petite chaise de tek moulé. Rien en commun, non plus, entre s'agiter dans ses jours, s'émietter entre mille activités, et simplement s'asseoir et écrire, peser de tout son poids dans cette écriture du presque rien, n'attraper que la queue des jours finalement. Le projet total, embrasser tout le champ du possible aussi sûrement que mon regard embrasse le petit lac, le Jura et des Alpes mourantes tient de l'utopie. Je ne peux que me recroqueviller sur le confetti de réel que mes sens et ma raison ont pu arracher au gouffre de l'oubli.

Je ne parle pas du gouffre du temps ... Mieux vaut oublier les images terrifiantes et considérer cette non-matière filante et tangible comme un océan de possible, la petite coque de nos vies qu'un coup de tabac a arraché à ses amarres un matin de tempête ... Et pourtant, elle flotte, confiante, car elle finira bien par atteindre un rivage. Tantôt échappant à un contre-courant, tantôt prisonnière d'un flux calme et impératif ... Ah ! la métaphore est une bouée dans nos vies confuses. Depuis hier, depuis le début du message, il s'est passé une messe à Saint-Joseph, la confection d'un repas, la projection de "Schwarze Schaffe" au Zinéma, un verre à l'Entrée, la rencontre de quelques tristes ayatollahs de la scène gay lausannoise, le départ matinal de Cr., un lever au ralenti et un petit-déjeuner néo-allemand qui arrive à peine à calmer mon impatience à rentrer dans ma chère Berlin ... Je suis un Prussien francophone. Comment voulez-vous parmi toute cette bouillie tenter de tenir un stylo droit, faire avancer l'oeuvre ...

Demain, je n'irai pas au fitness, je n'ai pas envie d'entendre le récit du médiocre week-end des blaireaux m'as-tu-vu qui fréquentent l'établissement. On pourrait me rétorquer que je crains de trop y reconnaître le mien !? oui, d'une certaine manière. Il est clair que je ne mène pas l'existence qu'exige mon métier d'écrivain.

mercredi, février 27, 2008

La règle du jeu


Il a fallu ... il a fallu essuyer l'indignité de ce bouge, oh ce lieu où l'on est sensé ... s'amuser ! Je tairai le nom de l'endroit, par amitié pour son propriétaire. La médiocrité suinte de partout et la vanité est comme une poussière qui tombe des vieilles tentures. Bienvenu sur la toute petite "scène" lausannoise, avec ses jeunes divas trop maquillées, ses icônes défraîchies et cokées, sa fausse bonne humeur et sa compromission ... Je me suis laissé traîner dans cet endroit l'autre soir par Cr. Quel supplice ! Quel double supplice ! A la fois pour les oreilles et pour l'esprit. Je n'arrive pas à comprendre le goût qu'on les jeunes tantes à se rouler dans l'indignité et la demi-mesure, dans la toxicomanie mondaine, le narcissisme et la vanité ! Il y a comme un hiatus. On ne peut jouer les reines en se comportant comme une souillon. Je n'ai rien contre ces deux catégories gay, je les ai fréquentées avec un égal bonheur. J'ai toutefois plus de peine avec la bêtise crasse de ces "fillettes".

Autre lieu, autre indignité. Dans l'espace étroit du sauna du club de fitness que je fréquente, il a fallu supporter la conversation de "blaireaux" d'un modèle canon, du genre qui vend des téléphones portables, des voitures de grosse cylindrée ou faisant partie du nombreux personnel d'une gérance immobilière. Des garçons actifs qui n'étouffent pas sous le poids moral de leur activité professionnelle, encore jeunes (pour quelques années), d'un physique plus ou moins avenant, des hommes dynamiques qui, selon les "saintes évangiles" publicitaires, sont la crème de notre société ploutocratique fourvoyée. J'ai donc eu droit durant plus de cinq minutes au déballage affligeant de leur vie absconse. Le but en est "un max de fun", c'est à dire "se mettre la tête en dedans le vendredi et le samedi soir, "se tirer une rondelle" (je crois qu'il s'agit là d'activités sexuelles avec un individu de sexe féminin d'un âge et d'un aspect physique acceptable) et encombrer les pistes de ski en hiver et les plages en été. En semaine, ils "travaillent", regardent les sport à la télé et entretiennent leur physique à drague ... Ils ne sont pas d'une fréquentation désagréable, ce sont des garçons d'un naturel plutôt sympathique au premier abord ... Lorsque l'un d'entre eux a adressé un "au revoir, bonne soirée" à la cantonade, je n'ai pas été capable de lui répondre. C'était au-dessus de mes forces. Il eût fallu que je pusse lui dire le fond de ma pensée.

Soit, j'ai pratiqué et pratique encore ces vanités, je donne volontiers dans cet forme d'orgueil. Je ne fait du fitness que par vice, et je ne fréquentais les lieux gays que pour chasser, me mettre en scène ... Mais j'en ai toutefois conscience, tout cela n'est qu'un état momentané, la compromission d'un peu de boue sur les chaussures pour avoir coupé à travers champs; ce n'est pas pour autant que je vais entrer jusque dans ma chambre à coucher sans m'être déchaussé. On joue à ceci ou cela dans l'espace publique, on se donne un rôle et quelques bonnes répliques et, par fausse maladresse, un se découvre un peu derrière le masque. Peut-être que mes jeunes tantes et mes marchands de fadaises jouissent d'une véritable intériorité parmi la vie pathétique qu'ils étalent impudiquement. Je le leur souhaite. Mais quand apprendront-ils la règle d'or du grand jeu de dupes de la vie en société, quand apprendront-ils la dignité !