vendredi, octobre 21, 2011

1984/Chess




Un voyage, une ville anglophone à une dizaine d'heures de vol, downtown, l'agitation, des grattes-ciel, de l'ennui aussi ... Passons. Un magnifique musée des Beaux-Arts mais, surtout, un retour sur mes rêves adolescents et mes projections de vie urbaine, de modernité, d'avenir en costumes croisés pastel. Et la vie nocturne, entre dandy et mauvais garçon à écumer boîtes et bars. Ma pauvre petite Lausanne, et même Paris. Si j'avais pu connaître alors ma Berlin ! Quoqu'elle m'eût paru quelque peu trop crasseuse, pas assez glam', toc, chic, plastic, vinyl, Jean-Paul Gaultier, sexy, mondaine.



Dans cette grande ville anglo-saxonne, le temps d'une représentation, la comédie musicale "Chess", tout m'est revenu. Je me suis souvenu alors du confort d'un monde bi-polaire et fort simple, de l'évidence de la jeunesse, de la connotation positive de l'avenir et toutes les belles promesses dont tout le monde était encore bercé à la fin des eighties'. "Chess" mêlait une intrigue amoureuse tarabiscotée, des questions d'honneur mal-placé, les dernières passes d'arme de la guerre froide et une certaine vision de la compétition. Je m'y perds un peu. Et, comme tout le monde, je retiens le tube de cette production "One night in Bangcock" de Murray Head.



Durant toute la représentation, j'avais dans les narines les notes du parfum "Jazz", d'Yves Saint Laurent et comme un arrière-goût de "avant c'était mieux". Il m'a fallu attendre le final et la standing ovation pour qu'une lumineuse pensée me traverse l'esprit, à la limite du sophisme. Partant du fait qu'avant c'était mieux et que "Chess" est actuellement produite, on ne peut qu'en déduire un iatus. Soit ce n'était pas "avant", soit ce n'était pas "mieux". "Mieux" ne pouvant s'exprimer que postérieurement à un état antécédent et la comédie musicale étant à l'affiche en ce moment, il s'agit alors de "maintenant" qui devrait être mieux que l'époque de la création de "Chess" ! Toutefois, il serait hardi de dévaloriser la version d'origine par rapport à sa réadaptation, donc "maintenant, c'est bien", cqfd, même si je n'ai plus ni seize, ni dix-huit, ni vingt ans !

samedi, octobre 08, 2011

Nous sommes tous des "Princesses".



Pierre Yves Lador, grand auteur vaudois qui m'honore de son amitié, lors de la présentation de son dernier roman, L'Enquête immobile, aux éditions Olivier Morattel, en plus d'une plaisante dédicace m'a offert quelques volumes du comte Eduard von Keyserling. Je me suis donc plongé dans l'Enquête immobile, que je réserve à ma lecture domestique (je lui réserve aussi mon prochain billet). Dans mes promenades ou le train, je lis l'un ou l'autre des Keyserling. Difficile de ne pas être touché par la délicate douleur de ces pages, par cette mélancolie illuminée. Je pense tout particulièrement à "Princesses", tout le carcan délicatement contraignant des conventions, de "ce qu'il faut faire pour tenir sa place" sous un ciel merveilleux, immense, parmi les lambris de belles demeures. Du "bonheur" d'être malheureux dans la soie ...


Keyserling ne nous raconte pas des histoires compassées de princesses d'antan; il nous parle de notre existence et de tout ce que nous acceptons par convenance et qui nous éloigne de notre bonheur. Soit, on nous raconte que l'on "construit" sa vie ... cela fait beaucoup de guillemets, autant de voiles pudiques sur les mensonges que l'on se force à accepter. Où est passé le franc soleil de nos vies, le rire et la liberté ? Ne vaudrait-il pas mieux sombrer dans un authentique malheur, comme Job, plutôt que de devoir boire à petites lampées une coupe de fiel mêlée de beaucoup de sirop, pour faire passer le goût. Au final, on en vient à haïr le sirop.


Les usages - dévoyés - nous tuent plus sûrement que les traits de nos ennemis. Et notre souffle est gaspillé en formules creuses, en paroles vaines ... Keyserling ou le crépuscule des princesses, une belle métaphore de l'état actuel auquel les tenants de la culture (je ne pense pas ici à ceux qui s'affichent dans les pages people de la presse tout venant mais à ceux qui nourrissent le coeur, les sens et la tête de leur public), donc l'état auquel les tenants de la culture et les gens éduqués sont réduits : une faillite annoncée ...


Il faudrait ... tant de choses mais la saison est trop avancée et le soleil décline à l'horizon. Nous allons donc mourir poliment.

dimanche, août 21, 2011

Lieber Deutschland





De Constance à Münich, chère Allemagne, si diverse, pays de Cocagne dans lequel je séjourne avec tant de plaisir. J'ai assisté à une fort belle messe à la Dreifaltigkeit Kirche de Constance, un vendredi à midi. J'ai aussi passé de belles soirée, à travailler à la terrasse de cafés, le Wessenberg, et un autre établissement, derrière Sankt Stefan. On écrit bien dans cette atmosphère, de jolies promenades aussi.



J'avance dans la lecture passionnante du Dr. Faustus, de Thomas Mann, évidemment. Six cents pages sur l'essence de la nature allemande, sur la volonté de cette grande nation à "percer" parmi les nations du monde. C'est aussi un essai sur la douleur, la mélancolie, le sacerdoce de la création. Face au marasme économique et identitaire de l'Europe Unie, l'Allemagne représente un modèle, voire même le salut de cette Europe, comme elle le fut du temps du Saint Empire romain germanique.



On me rétorquerait que l'Allemagne est aussi à la traîne, déficit budgétaire, chômage, etc. mais les solutions qu'elle peut nous apporter ne sont pas d'ordre économique. Ce sont des réponses culturelles aux questions que la crise a soulevées. Il est impératif de commencer par se plonger dans l'oeuvre de Thomas Mann.

jeudi, juillet 21, 2011

Une autre cité hanséatique



Deux jours à Stralsund, sur la Baltique, en compagnie du "Dr. Faustus" de Thomas Mann, un petit crochet balnéaire au milieu de mon séjour berlinois. J'y ai découvert deux merveilleuses églises gothiques de briques, d'immenses édifice qui évoquent une atmosphère très "Caspar David Friedrich". Depuis ma chambre d'hôtel, j'ai une merveilleuse vue sur l'une d'elles, St Marien. De plus, les protestants d'ici laissent leurs églises pleines d'images de saints, de papes, d'évêques; et la vierge aussi, entourée de saint Pierre et saint Jean, courronnée par le Père et le Fils (St. Marien, retable du maître autel, voir photo), jusqu'à une petite chapelle lattérale de St Nicolai (l'autre des des deux) proposant au fidèle de brûler un cierge en l'honner de la Mère de Dieu, avec prière assortie. Lorsque je me suis enquis de la pratique religieuse des réformés de ce coin d'Allemagne, on m'a raconté la très jolie histoire des fidèles qui, en 1525, ont caché les images de saints, de Vierges, tout ce qui eût été voué à la destruction anti-papiste et l'ont ramené petit à petit une fois la vague protestante retombée. Et le guide de conclure que, d'ici cinquante ans, on en aura fini avec ces histoires de division !

Ce soir, j'ai assisté à un concert d'orgue (un instrument géant du mi-XIXème, le plus grand en Allemagne construit par Buchholz) à St Nicolai. J'ai trouvé dans cette église ma quatrième merveille du monde (après les Jardins Boboli , le Taj Mahal et le Zwinger Palast, dans leur ordre chronologique de découverte). Les Stralsunder ont veillé sur ce lieu de culte génération après génération et ses tours les ont protégés. Entre ses murs, on sent, physiquement, la présence de la foi, d'un grand respect pour ses mystères et d'une infinie pureté. J'ai connu un épisode extatique durant l'interprétation d'un canon, op. 56, 4 de Schummann.

Un dernier mot sur ma visite à l'Alte Nationalgalerie, à Berlin. En ce moment y est présentée la collection du banquier Wagener (1782-1861), une collection marquée du sceau du romantisme allemand. Des Schinkel, des Friedrich, la découverte de l'école de Düsseldorf, et d'un outsider : Frédéric Frégevize (un peintre genevois entre Sablet et Calame). Et un tout dernier mot sur le ravissant parc du château de Friedrichsfelde, le château et le Tierpark.



mardi, juillet 12, 2011

Berlin, le temps qui passe et moi




Comme à chaque été, je suis retourné chez moi, à Berlin. Toutefois, je ne goûte plus un certain est, envahi de stupides hordes de touristes, de l'abruti en chlapettes incapable d'aligner trois mots en allemand. C'est peut-être un effet de l'âge, je trouve Friedrichshain, Mitte et Prenzlauerberg d'une crasse physique et morale poisseuse. Ajoutez à cela l'enfer d'une certaine jeunesse décervelée, sale et pauvre ... et intolérante. Ces masses touristiques - néanmoins jamais fauchées pour la bière en litrons - ont réussi à chasser les vrais poivrots et clodos des arrondissements susmentionnés. Je me suis donc réfugié à Charlottenbourg-Wilmersdorf. Je fais quelques incursions au nord de Schöneberg (surtout pas Nollendorf) et assiste à la messe à Sankt-Edwige. Je me rends avec plaisir à Lichtenberg aussi; bref, partout où l'on ne voit pas de troupeaux vacanciers.

Accessoirement, je lis "Maurice à la poule"; Zschokke a tout compris de la paresse dans laquelle tout individu s'enfonce lorsqu'il s'installe dans cette ville. Comme le dit l'adage : "vous n'avez pas de formation, pas de travail, pas d'envie, pas d'idées, venez donc à Berlin !" Et tout finit par (s') échouer sur les trottoirs de cette capitale construite sur du sable.

dimanche, mai 15, 2011

B ... Barcelone ... Besançon




Petit retour sur mon séjour à Barcelone, sur mes véritables motivations dans ce voyage. J'y suis retourné pour Mauri, le restaurant-salon de thé au coin de la ramblas de Catalunya et carrer de Provença, fondé en 1929. J'y suis allé déjeuné, sous ses plafonds peints et ses boiseries Art Nouveau, j'y ai retrouvé ses pâtisseries tout aussi chantournées. J'ai pris le menu, avec entrée, plat et dessert, et le vin de la maison dont on vous apporte une bouteille. Le prix est le même que l'on boive un, deux, trois, quatre verres ... Et la boutique Muji n'était pas loin, y racheter l'un de ces petits calepins au format d'un passeport. Je suis aussi allé revoir quelques bonnes toiles des mes "impressionnistes" catalans, Rusiñol et Casas au MNAC. Finalement, je ne m'échape pas de mon univers de vieille fille ...
Je ne sors pas de mes villes en B. non plus. Le week-end passé, nous sommes allés à Besançon avec Cy, la belle architecture de Vauban, exactement l'atmosphère de "bonne ville" que j'affectionne tant. Un bon musée des Beaux-Arts et de l'archéologie, la messe à Saint-Pierre et nous avons même trouvé un établissement gay, très province, avec un jeune serveur court vêtu qui se dandinait sur le bar.
Je ne voyage pas par goût de l'exotisme, je collectionne des épisodes de ma vie idéale et surannée, une existence protégée par le rempart des bons auteurs. J'emmènerai du Crevel et du Thomas Mann lors de mon prochain séjour berlinois.

mercredi, avril 27, 2011

Les trop riches heures de Barcelone



Quelques jours à Barcelone, ville que je connais bien et que j'apprécie ... appréciais. L'insolente santé économique de la communauté autonome de Catalogne parmi une Espagne exsangue a refermé Barça sur un certain complexe de supériorité. La grande cité, sainte capitale de la culture catalane, n'a plus qu'elle-même comme modèle. Elle en devient idiote et commence à sentir moralement le moisi. Le musée d'Art contemporain n'offre plus que deux de ses trois étages à la visite, dont l'un est consacré aux collections (d'artistes locaux) que possède l'institution. Et les autorités municipales ont quasi éradiqué tous les signes restant de la guerre civile. Des chantiers chic et sans fin ceinturent la ville qui n'en finit pas de s'alourdir de frisottis architecturaux réhabilités selon une esthétique ripolino-disneyique. C'est tout juste si l'on a pas forcé les vieilles gagneuses de Raval de subir lifting et liposuccion.


Le touriste est contraint au rôle de crétin de touriste que l'on fait poireauter devant le tas de nouilles trop cuites de la Sagrada Familia ... Heureusement, il reste de vrais gens, ceux qui n'ont jamais fréquenté le musée d'Art contemporain ni ne prennent la pose sur la plage artificielle de San Sebastian, de ceux qui assistent à la messe de San Augustin ou qui épluchent des légumes devant leur porte, parmi les rues basses de la Barcelonette.

samedi, avril 23, 2011

Vendredi Saint



Célébration du Vendredi Saint à l'abbaye de Saint-Maurice où je reçus la confirmation dans la chapelle des Martyrs il y a une quinzaine d'années. J'y suis allé avec Cy. puis nous avons dîné à Martigny. Etonnant Valais si proche et pourtant ... étranger. La place centrale de Martigny ne ressemble à aucune place vaudoise, ni bernoise, fribourgeoise ou neuchâteloise. L'architecture, l'urbanisme, une certaine saveur de l'air marquent une différence notable. Jusqu'à une caissière qui devisait avec un client en patois ! Ce n'est ni plus, ni moins, c'est autre, dépaysant.

J'ai passé le dimanche des Rameaux à Bâle, j'y ai ressenti moins "d'exotisme". Nos cartes, nos frontières et autres délimitations se mettent à mentir ou répondent à des logiques obsolètes. Je n'en reviens toujours pas d'un voyage à Vienne sans avoir à aucun moment produit une pièce d'identité officielle ! Inutile d'ajouter que je me sens moins "autre" à Vienne ou Bâle qu'à Martigny.

Pâques nous apportera-t-il la promesse d'une moins grande distance avec le Ciel ?! Du moment que j'avance d'ici à la fin des vacances dans "Un après-midi d'été couvert", ce roman sur le thème de la déréliction me pèse, il m'use et réveille plus d'un abandon en moi.

vendredi, avril 15, 2011

Hôtel Balmoral


Non, je n'ai pas quitté le navire ! que mes lecteurs de C., petit village vaudois où vécut Mme de S. se rassurent et les autres aussi. Je n'ai pas le don d'ubiquité et me suis retrouvé dès début mars dans les cartons. J'ai déménagé. Berlin ? Bordeaux ? Barcelone ? Zürich ? non, je suis juste passé du quartier de Prélaz à sous-gare. Moi qui n'ai de cesse d'aller nuit après nuit en songe d'un hôtel à l'autre, je me suis installé à l'hôtel Balmoral, à l'ex-hôtel Balmoral, un bel édifice du début du XXème siècle reconvertit en immeuble d'habitation.

Ce n'était pas qu'un déménagement; j'ai tourné une page. J'ai produit tant de textes aux Clochetons, tant de récits ... Le lieu était épuisé. La dernière fois que j'y suis passé, état des lieux manqué, le propriétaire s'est fait excuser, il y avait un air de piano qui descendait dans la cage d'escaliers, des exercices relativement adroits, une variation passant du classique au jazzy. J'ai observé avec étonnement les murs, nus, les pièces vides, sordides à la limite, devenues si étroites. J'étais incapable de reconnaître mon ancien logement.

A l'hôtel Balmoral, j'occupe la moitié du dernier étage de l'aile gauche, trois fenêtres en façade et une sur le côté. Un cabinet, une chambre, un immense séjour - la cuisine en dépendance - et la salle de bain au bout d'un large couloir, une véritable antichambre carrelée avec goût. J'ai la vue plein ouest, une rangée de bâtiments Art Déco tardifs en vis-à-vis. La nuit, pas un bruit, à part la sonnerie bien timbrée de l'horloge tous les quarts d'heure qui roule sous les trois mètres de plafond stuqué.

mardi, mars 01, 2011

Je suis venu vous dire ...

Je reviens, non en bloggeur capricieux en manque de reconnaissance mais en auteur responsable, prêt à assumer le regard qu'il porte sur la cité et ceux que l'on y rencontre. François Mauriac, Julien Green et Thomas Mann n'ont pas fait autrement. Mes lecteurs comprendront le parallèle, mes détracteurs ... Oh! je ne suis pas encore assez installé pour en avoir.

Il se trouve que je passe mes vacances à Lausanne; je traverse la ville, je lis la presse, scrute les façades comme un touriste. Je cherche les correspondances de transport public, essaie de débusquer une rue ou l'autre; l'exercice est amusant. De plus, j'ai mille courses à faire, qui m'entraînent de Prilly à Lutry, et jusque dans l'improbable chemin du Trabandan. Aujourd'hui, j'ai traversé des perspectives, des avenues, des boulevards au charme discret, au prestige encore plus discret. C'est une vie qui s'y déploie et dont j'avais oublié l'expression si particulière, comme une vieille connaissance qui n'a pas si mal tourné. Je n'ai pas si mal vieilli non plus. Reprendre là où on en était resté.


Je suis resté interdit par le traitement accordé, dans la presse, à un événement tragi-comique, les coups de feu gratuit d'un homme sur une représentante de la police par simple détestation. Le tireur a, soit, un problème mais, plus globalement, notre société a un problème ! Comment la force publique en est arrivée à être détestée au point qu'un quidam, de sang froid, cherche à blesser l'un de ses membres. Je m'interroge parmi l'étrange lumière de ce jour, de brume, d'or et d'argent. Je m'interroge dans la séduction de ce printemps à venir.

vendredi, décembre 31, 2010

5-4-3-2-1 Ignition

Bilan 2010, exercice classique dont les chefs d'Etat se sortent avec plus ou moins de bonheur, d'Adolf Oggi et son sapin à Jacques Chirac et son horloge à voeux ... Allons-y, cher lecteur, pour ce passage en revue de l'année écoulée. Je vais procéder de manière thématique plutôt que chronologique.

Commençons par les voyages, d'un week-end ou plus. J'ai bien passé cinq ou six semaines à Berlin ... mais ce n'est pas du voyage, j'y suis chez moi. Dans ma chère Allemagne, j'ai renforcé mon attachement au Bodenseekreis. Avec Cy, nous avons séjourné à Constance, Friedrichshafen, Saint-Gall, Bregenz. Cette région à cheval sur trois frontières est pleine de charme. On y mène une vie plaisante, discrète, confortable et aimable. Nous avons poussé un peu plus loin à Stuttgart, une belle cité commerciale, sa gare monumentale d'un style un rien fasciste, la grande avenue bordée de commerces, le château, son petit parc, le Kunstmuseum et cette bonne vie opulente qui s'offre à chaque terrasse, dans chaque café, dans les rues, les places. Je suis aussi allé "redécouvrir" Münich en solitaire (j'y suis passé il y a plus de quinze ans), la ville de l'adolescence de Thomas Mann, de ses premiers succès. On y trouve de beaux cafés. Je retiens particulièrement le Hermann, à l'étage, en face de l'hôtel de ville, et le Puck, près de la neue Pinakothek. J'ai aussi découvert Malte avec Cy, un pauvre caillou recouvert de vieilles briques où l'on fait payer les catholiques pour visiter les églises. Le tourisme fait vivre l'île et la tuera certainement ... Autre destination touristique, la côte dalmate en Croatie. Je garde depuis que nous y sommes allés quelques impressions, quelques images de Hvar, sur l'île du même nom, et le fabuleux palais de Dioclétien à Split, les quais, la villa Mestrovic. Nous avons encore passé quelques jours à Lyon et Zürich.
En matière d'art, j'ai fort goûté une belle exposition Vallotton au salon du livre de Genève, particulièrement un "Paysage, soleil couchant" de 1919, un horizon de feu, d'or, de turquoise, de rose, beauté indescriptible de la mélancolie du couchant, arbres et bosquets, et les promesses de l'enfance. Beau à pleurer. Il y a aussi ma visite de la Neue Pinakothek, pas envie de citer une toile en particulier. Tout comme le Staatmuseum de Stuttgart. De belles institutions.

Question littérature, 2010 sera l'année de ma rencontre avec Julien Green, Léviathan, Adrienne Mesurat, son journal ... Quel choc ! J'ai lu Adrienne en pleine canicule berlinoise et j'en suis resté frappé, interdit. J'ai terminé l'année sur la lecture des Buddenbrook, un nouveau choc. J'ai approfondi ma relation à François Mauriac, Un Adolescent d'autrefois, Le Baiser aux lépreux et une bonne biographie que je n'ai pas terminée.
Quant à ma "production", j'ai fait publier Les Âmes galantes en mai et, fin novembre, les Mémoires d'un révolutionnaire. J'ai surtout mis la dernière main à La nouvelle Fuite à Varennes. J'attends les propositions de correction de mon éditeur. J'ai aussi achevé la rédaction de deux brefs textes qui m'ont beaucoup tenu à coeur, Slideshow (impubliable car fondamentalement scandaleux et amoral) et Tous les Etats de la mélancolie bourgeoise, un petit essai pertinent un rien fielleux.

Je n'ai manqué qu'une ou deux messes dominicales mais aucun des grands rendez-vous liturgiques de l'année. Je suis allé d'un paroisse à l'autre, toujours dans le regret de ce que j'avais connu à Saint-Joseph. En 2012, je compte me rapprocher de la paroisse Saint-André, y retrouver l'abbé Pittet.

Un dernier mot, de cinéma; il y a eu la révélation esthétique et artistique d'un Single man de Tom Ford. Je n'entrerais pas dans le détail, je vous laisse regarder dans les billets de cette année. Un coup de projecteur sur Io sono l'amore, de Luca Guadagnino, une tragédie wagnérienne dans un Milan post-mussolinien. Tilda Swinton y est sublime.

Et quant à ce blog ? Stop ou encore ? Mon éditeur et les journalistes me forcent la main. On m'a collé une étiquette de blogueur. Je voulais mettre un terme à cette aventure; vais-je revenir sur ma décision ?

jeudi, décembre 30, 2010

6. "Le Nom des gens"


Un film, un film français, une friandise, un bonbon acidulé, une perle, un petit rien d'une élégance incongrue de Michel Leclerc. Il m'est souvenu ma période française, quand je n'avais d'yeux que pour Paris et le "miracle mitterrandien". C'était il y a longtemps ... C'était quand j'avais vingt ans. Tout le monde était persuadé que les matins clairs commenceraient à se lever sur la Ville Lumière, sur la France.

"Le Nom des gens" donne envie de voter socialiste, de croire au modèle républicain, au joyeux métissage black-blanc-beur autour d'un coup de rouge. Bahia Benmahmoud (Sara Forestier) est une jeune fille délurée, touchante et désinhibée. Un peu folle ... Arthur Martin (Jacques Gamblin) est son parfait contraire et comme tout le monde le sait, les contraires s'attirent. Le scénario est un habile prétexte à une galerie de portraits et une collection de situations cocasses. Bahia nue dans le métro - elle a oublié de passer un vêtement - reluquée par un musulman traditionaliste (ça, aussi, se voit à la tenue). Bahia ne trouve qu'à lui répondre "bon, ben ça suffit, t'as jamais vu une femme à poil ?".

En gros, "les origines, on s'en fout" et quelque soit le tragique du parcours de chacun, ce n'est pas une raison pour se faire la tête, la guerre, se détester. Il y aura toujours une table à laquelle s'asseoir, un repas à partager, une bouteille à ouvrir ... La belle fraternité ! que je n'ai jamais rencontrée ni au POP (j'ai été membre de ce parti), ni dans le milieu gay (j'ai aussi fréquenté cette chapelle-là) mais que je retrouve à chaque fois que je fréquente "notre sainte mère l'Eglise" ! La messe est bien le seul instant, le seul lieu (la manifestation spatio-temporelle de la communauté catholique) où l'on ne m'a pas fait sentir que j'étais soit trop ceci, soit pas assez cela !

P.S. Avec Cy, mon homme, nous avons assisté à une très belle veillée de Noël à Saint-André.

vendredi, décembre 17, 2010

7. Tony, Thomas, Christian et les autres


Tony, Thomas, Christian et les autres ... Buddenbrook évidemment ! En ce momement, en ce temps de l'Avent, je partage mon temps de loisir entre la promotion des "Mémoires d'un révolutionnaire", la lecture du Pentateuque (Genèse, Exode, Lévitique, Livre des nombres, Deutéronome) et les Buddenbrook, effets du hasard. Ce sont deux lectures que j'ai longtemps repoussées. Les deux sont "impressionnantes". L'Ancien Testament brille de l'éclat baroque d'un or ancien et les Buddenbrook, un récit familial d'un veine quasi biblique, quelle peinture édifiante et sensible !

Je retrouve à travers le personnage du sénateur Thomas Buddenbrook toute la démission d'une nature insatisfaite et hésitante, un trait contre lequel je passe beaucoup de temps à me défendre, tout comme le sus-désigné personnage. Il y a aussi la notion du masque ... Au risque de déplaire et de me faire chapitrer par quelque autorité, je préfère paraître toujours au plus près de moi. Je pourrais encore évoquer l'hypersensibilité de Christian, la dignité de Tony, ses à prioris enfantins et sa patience face aux contradictions de la vie. Je suis les Buddenbrook.

J'ai coutume de dire en interview que j'aurais aimé jouer les Thomas Mann mais que, ne provenant pas d'un milieu suffisamment bourgeois, je me suis rabattu sur Thomas Bernahrd ! Derrière le bon mot, je conserve toutefois la nostalgie de cette bonne vie allemande qui m'attire tant et m'appelle depuis ma rencontre avec Berlin.

dimanche, décembre 05, 2010

8. Chez les Buddenbrook

Enfant, je me rappelle avoir été fasciné par une série télévisée, l'histoire d'une famille allemande au XIXème siècle. Je n'entrais pas encore dans les méandres et les enjeux du récit mais j'en gardai une sorte de connaissance intuitive, une collection d'impressions, de sensations très prenantes. Adolescent, mon père m'emmenait parfois en voiture au collège de l'Elysée - j'ai fait la "primsup" puis une année de "rac" au collège de l'Elysée. Nous passions devant un bon bâtiment très "dix-neuvième-siéclard" que je surnommais la "Buddenbrookshaus" ...

Lorsque, simultanément à Berlin, je connus Thomas Mann, il me souvint la fameuse série télé. Je ne fis pas immédiatement le lien; je ne connaissais rien de l'oeuvre de l'intéressé. Depuis, j'ai lu du Heinrich, du Klaus, des biographies, du Golo, du Erika et, enfin, du Thomas ! Les Buddenbrook, déclin d'une famille. Ce récit n'a rien de monstrueux, le genre de pavé-pensum que l'on traîne des mois durant. Je suis entré dans le récit comme je suivrais mes histoires de famille (élargie). C'est avec un certain effroi que je découvre que des principes bourgeois surannés guident encore tant les moeurs contemporaines. Je ne parle pas de tempérance, de retenue, de bonne vie mais de ce souci panique du "qu'en dira-t-on". Le couple est le lieu de la réalisation sociale et de l'accession à un certain niveau matériel, y compris le couple gay ... surtout le couple gay ! Aujourd'hui, Antonie Buddenbrook serait un jeune homme passant d'un mauvais pacs à l'autre.

vendredi, novembre 26, 2010

9. Laharpe, héros méconnu

Laharpe ou l'histoire d'un homme insoumis, insurgé, un peu orgueilleux et parfois de mauvaise foi ... Laharpe ou le héros méconnu. J'ai passé ses "pantoufles" et ai rédigé ses confessions en "je", un constat de fin de vie qu'il aurait rédigé fin 1837, début 1838. Je laisse le soin à mes lecteurs de se faire une idée, lire les "Mémoires d'un révolutionnaire". Ils peuvent aller glâner des informations sur le site et la page "facebook" des éditions Morattel.
Le travail de promotion a cela d'étrange qu'il faut se remettre en phase avec le texte, un texte "accouché", le travail serait terminé. Je relis l'un ou l'autre passage des "Mémoires ..." et me surprend à le ... découvrir. Le texte est sorti de moi, il vit sa vie et je le lis comme je lirai n'importe quel texte qui ne serait pas de moi. Les "Mémoires ..." ont été relus, corrigés, mis en forme et imprimé, tant d'autres les ont portés; à présent, ils sont aux lecteurs.

Agréable interview vendredi matin, sur Couleur 3, menée par Catherine Fattebert. Les trottoirs de la Sallaz étaient encore un peu enneigés, une belle lumière rase, un temps d'Avent ... Le rendez-vous n'avait rien d'inquiétant. Je me suis demandé si je percevais le paysage différemment, à présent que je le perçois avec les yeux d'un auteur "reconnu". Mes précédentes sorties ont toutes été si discrètes que j'avais à peine l'impression à mes propres yeux d'être écrivain !

jeudi, novembre 18, 2010

10. Potiche et autres nids à poussière


On n'en finit pas de vivre avec son passé ... L'autre jour, je suis allé voir "Potiche", le dernier film de François Ozon, avec Catherine Deneuve. Je suis allé le voir pour la grande Catherine, un peu trop étroitement sanglée dans sa gaine, le souffle court, la réplique parfois hésitante, grand paquebot du cinéma français ... une légende toujours sur le point de prendre l'eau de partout mais ça flotte encore.

J'y ai retrouvé une esthétique, un charme propre à mon enfance, le chic du skaï crème, les couleurs acidulées et un ton, une vision du monde qui confine à la non-vision ... Ah ! le charme d'antan, quand on pouvait cloper, forniquer et polluer sans arrière-pensée. On jouait à la vie en laissant l'avenir régler les vrais problèmes.

Je vous écris - évidemment - planté derrière la télévision. Et je regarde une émission sur la pop et les stars des années quatre-vingts, du "cheni" fluo qui a aussi mal vieilli que ma madone de plastic phosphorescent achetée par correspondance chez Védia, mon premier objet de piété ! De la bimbloterie à laquelle je ... nous restons tous attachés. On ne peut tout de même jeter de pareilles choses, ce serait se couper un bout de l'âme.

D'une certaine manière, les "Mémoires d'un révolutionnaire", les confessions de mon Laharpe tiennent du même fétichisme passéiste, le kitsch en moins. La promotion de mon dernier roman a déjà commencé, vernissage le 23 novembre de 18h30 à 21h30 au café le Sycomore à Lausanne, 31 rue de l'Ale. Olivier Morattel est un éditeur très actif et efficace. Il vient de la finance, il sait vendre "le produit" et j'aime cela. Il a ma totale confiance. Petit rappel de la teneur de mon dernier roman dans mon prochain billet.

vendredi, octobre 29, 2010

11. On ne change pas ...


... une équipe qui gagne surtout quand elle perd ! Je vais donc encore parler de Berlin - où je me trouve - je vais encore évoquer Mauriac, Green, Thomas Mann et Bernhard et mon catholicisme, je vais "tirer" un message de plus afin d'honorer ma promesse comme un époux honore son épouse après vingt ans d'épousailles et de routine. Je baille ... non, je ne suis pas fatigué, je m'ennuie, voici un mot que lâchait Lucien Guitry lorsqu'il baillait en public. Je le sortais aux aspirantes infirmières dont j'avais la charge, des élèves d'une école de soins infirmiers (une école privée et pathétique dont la direction est frappée d'alcoolisme) mais les demoiselles manquaient d'humour et ont répété au seul membre non-alcoolisé de la direction que je m'ennuyais. C'était une dame qui ne supportait les hommes qu'émasculés et/ou alcooliques ... ça laisse songeur et qui, de nos jours, connaît encore Lucien Guitry. Bref. Je peux me perdre rêveusement dans la contemplation de la vue (voir illustration) que m'offre la vaste baie vitrée de l'appartement que j'ai loué pour ce séjour, un grand appartement décoré avec goût dans lequel je flotte au-dessus de la ville qui s'offre à moi sur près de trois-cents degrés.

A propos de Mauriac, mea culpa, il me semble que j'avais insinué une légère vacherie quant à l'origine de son succès, ce dernier coïncidant avec son mariage; l'élue était une demoiselle Lafon, demoiselle dont le père aurait été un auteur reconnu et primé en ce temps. J'avais pourtant lu la chose. En fait, le beau-père de Mauriac était banquier et le Lafon auteur et primé était gay, aussi peu assumé que Mauriac dont il était un ami proche (ne me demandez rien quant au niveau de proximité).

Autre vacherie. J'ai, dans un essai intitulé "Tous les états de la Mélancolie bourgeoise", taillé quelques costumes à L.B., cinéaste romand reconnu. Il s'était complaisamment étalé dans une sorte d'article hommage à un grand auteur romand fraîchement décédé dans lequel il alignait mensonge sur cliché. J'ai lu dimanche dernier une chronique de sa main et ai hurlé de rire. Cet homme a du talent et je sais l'apprécier. Qu'on se le dise et le répète lorsque mon essai sortira.

Pour le reste, ça attendra demain, je suis fatigué pour l'instant...

samedi, août 28, 2010

12. De la pudeur selon Mauriac


François Mauriac avait une pratique de la pudeur ... à la limite de l'hypocrisie. Il était gay, passionnément attaché à la perfection de la jeunesse, à la beauté masculine. Il passa sa propre jeunesse à papillonner autour de Cocteau et de Lucien Daudet. Toutefois, il ne se départit jamais de sa foi catholique ... Jean-Luc Barré, dans le premier volet de la biographie qu'il lui consacre, expose avec habileté la double influence qui régit l'intimité de l'auteur.


Je n'arrivais pas, jusqu'à il y a peu, à me faire une "religion" à propos de la discrétion mauriacienne. L'a-t-il fait ou pas ? Je pense que oui, une fois au moins oui, preuve à l'appui. Aurait-il dû assumer ? Oui, trois fois oui et qu'importe si une tripotée de vieilles filles racornies de partout en eussent fait une attaque. Nous avons tous le devoir d'assumer ce que nous sommes et encore plus particulièrement lorsque nous faisons partie de la grande famille des intellectuels. Julien Green ne renia rien de sa jeunesse et n'en perdit pas pour autant la foi. Le Seigneur nous aime tel qu'il nous fit : libres et très différents les uns des autres.


Après une récente conversation avec une connaissance, je compris la délicate position du Mauriac privé face au Mauriac public, l'auteur reconnu. Cette connaissance, que je n'avais pas revu depuis avant les vacances s'enquit de ce que j'avais fait ces derniers temps, mes voyages, etc. A brûle-pourpoint, il me lança "je viens de me taper une jeunette de vingt-deux ans sur la plage d'Epesses" et de rendre précisément compte de sa rencontre, avec tous les détails. Nous n'étions pas au chapitre des confidences égrillardes. Je subis poliment ce récit et repensai à Mauriac, le discret Mauriac qui tenait la jeunesse, la beauté, l'attirance sexuelle en trop haute estime pour les salir par des allusions grossières qui n'auraient eu, pour seul but, que de vaniteusement faire valoir son auteur. Pour preuve, le séducteur dut tout de même s'enquérir de l'âge de son gibier ...




vendredi, juillet 09, 2010

13. Emma, Julien, Adrienne et les autres

Vous ai-je déjà parlé des bruits de la nuit alors que, à Morges, dans un quartier périphérique de Morges, un quartier populaire, à la lisière de villages cossus, dans mon lit, la fenêtre grande ouverte sur les parfums et les sons de cette campagne alentour je lisais "Madame Bovary" et le "Rouge et le noir". C'était l'été, j'avais ... quatorze ou quinze ans et je lisais en me forçant un peu ces "grands" romans. Quelques beaux passages mais, particulièrement avec "Madame Bovary", une compréhension intuitive de l'ennui et de la pusillanimité de cette femme. Julien, à l'époque, me parlait bien plus ! Que de fois, alors que je tentais de séduire maladroitement un garçon, je pratiquai sur un mode Sorel. "quand l'heure pleine sonnera, je lui prendrai la main".

Jamais je ne fus un bon "chasseur". Soit l'on plaît, soit l'on ne plaît pas ... et pour ce genre de choses, les finasseries ne sont pas de mises, on sait très bien de quelle façon ça se finira. J'aurais quarante ans le 20 juillet et, de mon adolescence, je ne retiens pas quelques boulimies sensuelles ou d'inoubliables "foirées", je garde le souvenir exact d'Emma, de Julien, il me souvient un été avec la vaste saga de Dumas (de son nègre plutôt), de "Joseph Balsamo" au "Collier de la reine". Je me souviens aussi du premier roman que j'écrivis, un roman historique ! qui, de dépit, finit à la poubelle. J'avais écrit ce texte pour les 700 ans de la commune de Morges. Je livrai un manuscrit, le jury lui préféra et de loin de jolis travaux besogneux. On ne me remercia pas même de l'effort.

Ce soir, je suis à Berlin, Schöneberg, quartier gay. Il n'est pas tard pour Berlin mais j'ai préféré profiter du calme exceptionnel de mon logement, un "obergeschoss" au-dessus d'un bordel où des filles qui ne savent pas marcher avec des talons trop hauts ramènent le client racolé dans la rue. J'entends la rumeur de conversations lointaines, la circulation comme le flux d'une rivière, le vrombissement des bus, "Ersatzverkehr", les U-Bahn s'arrêtent tout de même trois-quatre heures durant la nuit. Je perçois aussi de jeunes gens turcs et la scansion saccadée de leur allemand, ils sortent peut-être du bordel. Je retrouve avant tout la nuit et ses miracles, une nuit pareille à celles que je connaissais à quatorze-quinze ans. Il y a un roman posé près de moi, un texte que je dévore dans les transports, à la plage, au parc, au lit, "Adrienne Mesurat" de Julien Green. Tout le poids de l'ennui et de l'enfermement se retrouve chez cette jeune fille, une vie à passer à côté de la vie ...

Je me persuadai longtemp d'être passé à côté de la vie, je ne vis sincèrement pas passer les vingt-cinq dernières années. Il y a bien ce corps plus aussi fringant que je le souhaiterais, son usure, ses paresses alors que je serais libre de faire la tournée de tous les pince-fesses gay du coin, et il y en a mais le charme discret de la littérature et cette nuit, à mille kilomètres et plus de vingt ans de celles que je connus à Morges, cette nuit me retient, lire encore quelques pages d' "Adrienne Mesurat".

dimanche, juin 06, 2010

14. Carrie et moi


Je n'ai jamais cessé de balancer entre Carrie Bradschaw et ... Thomas Bernhard ! Cela tient d'un grand écart magistral. Rajoutez à cela mon catholicisme, mes "difficultés" à vivre simplement une relation de couple, quelques fantômes dans le placard, la crise de la quarantaine et les facéties de Cy; je tiens là le strory-board le plus "branque" d'un improbable épisode de Sex and the City joué sous exta. J'avais prévu un autre petit billet charmant sous le chiffre 14, un mot à propos de ma Pentecôte, à Münich, Thomas Mann, ma chère Allemagne wilhelminienne et deux ou trois considérations moroses de fond mais je sors à peine du cinéma avec Cy (pour ceux qui tomberaient sur ce blog par hasard, Cy est un garçon, mon compagnon depuis bientôt trois ans et, oui, je suis gay).

Nous avons passé un formidable moment avec Carrie, Samantha, Charlotte et Miranda, Sex and the City 2, des histoires, une histoire belle comme la vie et je me suis souvenu pourquoi j'avais déjà traversé tant de crises avec Cy, pourquoi cela valait la peine, et je me suis aussi souvenu que, lorsque j'ai commencé ce blog, j'avais un voeu, très simple et très compliqué à la fois. Je voulais d'un mari ... un garçon qui m'aimerait. Cet après-midi, j'ai pu me dire ce que j'ai su dès le premier instant : c'est lui, c'est Cy et qu'importe si parfois il ne me comprend pas, je ne suis pas toujours facile à suivre. Je ne vais pas devenir un auteur sirupeux enrubanné de rose bonbon, je ne vais pas quitter mon "réalisme désabusé" mais je vais tâcher de me souvenir à chaque fois que je serai trop acerbe de cette après-midi au cinéma.

Encore deux mots de ce film, son intelligence, la qualité de sa photographie, des images belles comme une relation idéale, un mariage gay de conte de fée, une promenade sur la plage dans une atmosphère à la Shérazade, juste retrouver un peu du plaisir que j'avais à vous écrire depuis mon vieil appartement, la fenêtre ouverte à la belle saison, le bruissement de la nuit, ou depuis mon lit, de lourds flocons s'écrasant sous le faisceau orangé des réverbères de l'avenue de Morges en hiver ...


P.S. Le précédent billet n°14 deviendra le billet n°13 et sera posté fin juin, ce sera notre Pentecôte différée.