Femme devant une salamandre, Félix Vallotton, 1900 |
Fringe, le goût du
mystère, la voie vers d’autres possibilités et un chouia de physique
quantique ? Les Yeux jaunes des
Crocodiles ou le genre légèrement post-mauriacien de Catherine Pancol –
le film éponyme est projeté en ce moment dans les salles romandes ?
Excellents sujets dont je vous entretiendrai bientôt mais un troisième les
surpasse, Le dernier des Weynfeldt de
Thomas Suter.
Les circonstances de la rencontre sont idéales : j’ai
acheté ce texte d’occasion, lors de mon dernier séjour berlinois, dans l’une de
mes librairies favorites, la Bücherhalle sur
la Hauptstrasse, avec son petit rayon de littérature française et en français.
Le livre m’a interpellé par sa couverture, La
Salamandre, Félix Vallotton, une femme nue de dos devant une … salamandre,
l’un de ces poêles mi-bricolos mi-modernistes que l’on encastrait dans les
cheminées au début du XXème.
Le roman s’ouvre par une scène dramatique, une action au
débotté, une femme tente de se suicider en se jetant par la fenêtre, le balcon,
un appartement cossu. Bref flashback, scène suivante, très urbaine, feutrée,
chic, un bar, un homme, son ennui et sa rencontre avec une aventurière
occasionnelle en fin de carrière. L’homme est courtier en art ; il
travaille pour s’occuper auprès d’une très grande maison de vente. Il fait
partie de cette caste vénérable des millionnaires discrets, bien nés, encore
mieux élevés. L’intrigue, les aléas de la vie des personnages, la finalité du
texte importent peu. Martin Suter raconte discrètement sa ville, un certain
milieu, typiquement zurichois. Le lecteur est introduit aux us et coutumes
d’une race en voie de disparition : éducation, pondération, culture,
sobriété, constance. Suter soupèse le poids du temps, étudie la viscosité de
son écoulement, fait montre d’un petit genre post-mannien.
Il y aura bien quelques rebondissements, un vague
retournement, rien de très théâtral, juste ce qu’il faut pour déguiser un
manifeste en roman de gare de qualité supérieure. Zürich tient le premier rôle,
tout en retenue ; les différents personnages l’animent d’une vie aimable,
un peu surannée, douce-amère à la façon d’un cocktail exclusif. Dans ce roman,
les pauvres vont au restaurant ou partent à Majorque, prévoient de passer quelques
mois aux îles Marquise. On escroque, on trompe, on méprise, on tire de la coke
mais toujours d’une manière très civile, très policée. Jamais d’éclats, ou l’on
prend ça pour un dérangement passager, un coup de sang vite oublié.
Suter raconte cette ville ou le triomphe de la fausse
simplicité mâtinée d’une assurance bonhomme devant les contradictions de la
vie. J’y retrouve la Zürich dont je me suis discrètement épris à vingt ans. Ce
ne sont pas les mêmes points de chute mais j’y reconnais ce que j’ai pu vivre
chez Sprüngli, Teuscher, à l’Odéon, au Karl der Grosse, au Café Schober, au
Jardin Chinois, au Museum Bellerive, et en d’autres lieux plus ou moins
publics. J’y reconnais les prémices de ma germanophilie.
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