L’insatiable Lador nous confesse sa boulimie, sa voracité
dans son dernier opus, « Confession d’un repenti », sorte de vaste
inventaire d’un menu perpétuel et gargantuesque. Tout serait dit, entre deux
mille-feuilles, un baba et autre cochonnerie sucrée. Je ne suis pas très
dessert, pas très petite pièce chichiteuse à la mousse de je ne sais trop quoi
vendu quasi le prix d’un plat du jour. Et l’ascétique Pierre-Yves se dévoile en
avale-royaume, gobant (berk, berk, berk) des saladiers de … glace (j’ai aussi
horreur de la glace), sans parler de quelque frometon baveux (je ne suis non
plus pas très fromage qui fouette) qu’il a englouti auparavant et, sommet de
l’horreur, il bâfre encore de la bonbonnaille (là, il faut que je prenne un motilium).
Il faut vraiment que la confession fût puissante, talentueuse et brillante pour
que je parvinsse à lire jusqu’à la dernière ligne.
Lador a-t-il forcé le trait ? Peut-être, comme souvent
dans l’autofiction, et la bonne. L’auteur est contraint de prendre la pose et
d’une manière stéréotypée. Quel âge a-t-il ? Celui de ses artères ! Il est
donc encore dans la fleur de l’âge. Il estime toutefois être sorti de l’âge des
excès. Et il les confesse tous ! Il les survole dans un catalogue
exhaustif et pointu. Il a décidé d’être discret quant au sexe. Pierre-Yves
Rabelais, Gargantua Lador, en parfait gentleman, aime trop les femmes pour les
compter parmi les plats se succédant à sa table infinie. La sensualité n’appartient
pas au registre boulimique, métaphore d’un monde contemporain auquel l’auteur a
souscrit avant de le confesser. Il est des domaines dans lesquels PYL ne s’est
pas laissé séduire par la tarentelle effrénée du temps comme il va. L’époque,
du reste, ne jouit plus ! elle consomme, bâfre, s’empâte et finit par se
faire vomir, anorexie. Entre le souci de son image, les soldes, le flot de
l’information et la nécessité de savoir ce qu’il faut penser, l’époque n’a plus
le temps de faire l’amour, et elle n’est pas celle que nous croyons.
« Confession d’un repenti » ne tient pas du regard
rétrospectif jeté par un vieux sage désabusé sur la déroute des temps, du genre
« avant c’était mieux ». Lador se contente de glisser un « avant
c’était meilleur » et de s’interroger sur la production de masse et sur les
effets de l’âge aussi. Il n’a pas vu son temps passer, il le mesure à ses
capacités digestives. Touchant, précieux, écœurant, le livre nous raconte,
mieux que Ramuz et Chessex ne l’ont jamais fait. Par « nous », j’entends
les Vaudois et les Romands par extension. Lador est toujours dans la course
sans n’avoir rien sacrifié aux modes. Il réalise l’équilibre subtil entre
mémoire et expérience contemporaine. Lador mange un carac, explique ce qui l’a
mené à le manger et évoque bien soixante ans de souvenir de carac.
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