Après le billet plein de couleurs d’André Ouerdnik, je
n’aurais plus grand-chose à ajouter à la peinture si vivante de ces belles
journées. Elles gardent pour moi les reflets d’un tableau familier et inédit.
Mes lecteurs savent que je suis … Morgien, que je l’ai été jusqu’à passé
vingt-cinq ans. Dans mes autofictions de jeunesse, je n’ai pas été tendre avec
ma ville natale, lorsque, par exemple, dans « Appel d’Air », je l’affublais du sobriquet ironique de
« New Versailles ». A l’époque, Morges semblait être sortie d’un
scénario de Chabrol, avec ses vieilles élites finissantes, son industrie
fleurissante, ses rues populaires aux façades affaissées, comme un air d’avant-guerre.
J’habitais dans le logement familial, là où vit encore ma mère, avenue de la
Vogéaz, un vilain préfabriqué flanqué d’un toit pyramidal ridicule, comme un
chapeau trop petit sur une trop grosse tête plate. J’ai quitté Morges pour
Lausanne, pour ce qu’elle était alors …
Mai 2013, avec Cyril, nous avons emménagé rue Louis de
Savoie ; un étrange tricotage de déconvenues locatives et de hasards nous
y a menés. Cela avait commencé par un songe, dont je me suis éveillé plein de
confiance et de joie. Fin janvier, j’avais rêvé de cet étrange appartement dans
lequel on entrait sous les combles, fait de trois ou quatre niveaux, d’une vue
sur le lac et d’un sentiment de paix profonde, le bateau revenu au port.
Description faite à Cyril, il me montre une annonce immobilière sur internet
(la recherche d’appartements représente son sport favori). Effectivement,
l’attique photographié sous des angles torturés pouvait ressembler à ce que
j’avais vu en rêve. Après quelques atermoiements et autres hésitations, quelques
délais et retard, une proposition de date d’entrée de bail quasi indécente, au
15 mai je suis redevenu Morgien. J’en étais parti pauvre, inquiet et
amer ; j’y suis revenu accompagné et apaisé, et même reconnu pour mon
travail d’auteur, l’invitation au Livre sur les quais.
Il faisait beau ces journées de septembre, il faisait doux
sur les quais, juste sous mes fenêtres. J’ai pu mettre un visage sur la
personne de plus de l’un de mes lecteurs. Et il y avait André, Olivier et
Pierre ; il y avait Stéphane, Pierre-Yves et un autre Pierre ; il y
avait Nuria aussi (nous avons grandi dans le même quartier). Il y avait la
littérature, une plaisante indolence et le sentiment d’avoir retrouvé … ce dont
je rêvais à quinze ans, quand je travaillais à quelque roman perdu face au lac,
assis sur un banc, près du bassin d’Hercule, à l’entrée du Parc de
l’Indépendance.
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