Objectivement,
ça ne se mesure pas. Pas de test pour ce genre de choses, par d’échelle, de
tabelles après l’emploi d’un révélateur x, y ou z. Je pourrais dire « qu’il
ne va pas bien », « qu’il reste allongé, abandonné à de sombres
rêveries », « en proie à de sourdes craintes un petit chien contre
lui » mais ce « lui », c’est moi, le type qui a vécu de drôles
de choses, l’auteur qui sait que ce qui ressemble à un délire va bien au-delà
de la simple fantaisie. Par moment, ça colle bien, tout a l’air normal, pour
trente secondes, une minute puis ça se met à cloquer et je dois me battre pour
ne pas passer à la troisième personne du singulier. Je suis ballotté au gré de
petits mouvements intérieurs crainte-ennui-crainte-amorce de
terreur-crainte-ennui-paix-ennui-etc. Cette nui, je suis retourné « de l’autre
côté », je ne sais pas s’il s’agissait d’un transit ou d’une « simple »
possession. J’étais membre d’une famille recomposée, un immense appartement, à
la campagne, un rez avec jardin. Je suis un adolescent de 13-14 ans accueilli
par cette famille, très à l’aise. Ils ont une fille qui vit avec son ami dans
une sorte de studio attenant, il y a les jumelles métisses qui ont leur chambre
et moi, qui occupe une chambre avec sa propre salle de bain, de l’autre côté,
vue sur le lac mais je trouve la campagne bien plus belle. Mes « parents »
occupent la chambre la moins confortable, au bout d’un couloir, murs violets ou
cerise et de grandes taches d’humidité. Je suis choqué qu’ils soient si mal
logés ; ils semblent touchés et répondent que la chambre est saine
toutefois. Je n’y vois rien de métaphysique ou allégorique. La géographie de
cette campagne m’était inconnue, l’espoir qu’Oméga existe encore/à nouveau ?
On est dans un schéma quantique, d’où les choix x/y et non x et y ou x ou y. Je suis face à un catalogue de
possibles indifférenciés. J’étais bien dans ce rêve, en totale adéquation avec
mon personnage et, surtout, le bonheur de cette campagne ; le chien d’un
voisin est même venu me lécher la main. Je pouvais ressentir le paysage, le
vivre, le goûter bien mieux que ma réalité présente qui se dérobe en saynètes
grotesques et délavées, dans une répétition dénuée de sens. On va dire que j’ai
accepté une mission, d’un genre particulier. Sous couvert de divertissement –
un roman uchronique fantasque – je dois raconter Oméga afin de préparer sa
révélation … son dévoilement. Si je mène bien bravement ma mission avec succès,
j’aurai le droit de retourner dans ma vie, celle de mon personnage en l’occurrence.
Je me
souviens clairement des paroles de l’autre bellâtre déguisé en intello de
gauche avec quelques envies de faire carrière derrière la tête. C’était une
conférence pédagogique au cours de laquelle était discuté le programme d’un
support de cours. J’ai dû avancer un truc du genre « l’interprétation de l’histoire
est une question de point de vue … » et l’autre nouille de se rengorger
parce que mon propos était dénué de pédigrée, qu’il n’y avait du reste pas
assez de références dans le support de cours en question, le chapitre évoqué,
certainement un texte de mon cru. Point de salut hors la note de bas de page !
J’eusse dû lui gerber dessus, pratiquement, lui rendre physiquement la monnaie
de sa pièce virtuelle. Impossible de lui dire « écoute, Dugenou, je viens
d’une autre possibilité, j’ai testé grandeur nature la notion de point de vue
et vous, là, en Alpha, avec vos petites disputes mesquines et vos courtes
visées (je n’ai pas dit p’tites bites), vous êtes coincés dans l’interprétation
la plus merdique que vous puissiez faire de la situation ». Non, vraiment,
impossible.
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