Je me
résume. Selon la formule consacrée, je résume pour moi-même la situation, ce
qui m’y a mené et, à la fois, comme Yahvé faisant « tsim-tsum », je
me rétracte en moi-même pour laisser de la place à cette vie. Donc, tout a commencé il y a très longtemps, dans mon
enfance, durant les nuits de laquelle j’ai beaucoup rêvé. Fantasmagories ou
monde parallèle, mystère. Il est juste arrivé un instant T à la suite duquel le
papier peint a décollé et j’ai vécu dix-quinze ans dans le texte que j’ai
écrit, la vie de mes personnages, une vie selon mes sensations et mon souvenir
pas moins vraie que mon existence actuelle. S’il s’agissait d’un délire à
caractère schizoïde, j’aurais vraisemblablement « atterri » dans une
jolie petite chambre capitonnée, une clinique au fond d’un parc et un
traitement fait de cachets rigolos. Je vais partir de l’idée que tout est vrai.
Je vais donc aussi disqualifier l’explication façon « Lost », à
savoir je suis mort mais ai recréé avec quelques autres une réalité tout aussi
vraie que celle que nous connaissions de notre vivant. Je rejette aussi l’explication
façon « Vanilla Sky » même si, çà et là, j’ai l’impression qu’il y a
un accroc dans la moquette, un truc qui ne colle pas. Je me rêverais une vie
idéale plutôt merdique, ça n’a pas de sens. Au chapitre des « déjà vu »,
il y aurait l’explication en mode Matrix ou allégorie de la caverne de Platon :
là-bas se trouvait la vraie vie, ici n’est qu’un théâtre d’ombres chinoises. Il
y a encore la théorie des cordes, on se rapproche du vraisemblable. J’ai donc,
durant une légère absence, été un menuisier-flic-raté-agent-de-sécurité, une
sorte d’agent triple bidimensionnel baladé entre l’Empire, l’Agence et la
Résistance. J’ai aussi été enseignant transfuge dans la peau de mon double et
un demi-malfrat ici bas. J’ai, clou du clou, été un jeune homme noir de 25 ans
de l’autre côté avant que je ne décide de revenir. Il y a encore la « parenthèse »
de l’homme de quarante ans qui se retrouve dans la peau d’un danseur de 17 ans !
Je mets de côté cet épisode, c’est une bizarrerie que l’on dira connexe. « Et
maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? » comme le disait le mec de la
publicité pour la super-glue collé au plafond. Je ne suis absolument pas en
état de reprendre le fil de cette vie … ma vie. Se réveiller, se lever, se
préparer, prendre des transports, pratiquer une activité lucrative à caractère
pédagogique parmi … des collègues pour qui l’Histoire appartient à des débiles
de spécialistes, des crétins qui se laissent berner par les sources, des
preuves bidouillées et orientées par les vainqueurs, quelle que soit la guerre.
En gros, il faut avoir le droit d’avoir une opinion. Quelle vie dénuée de sens,
en dépit de la sincère affection que je peux porter aux proches que j’ai
retrouvés.
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