Elisabeth Moss alias June |
Depuis
combien de temps ne s’est-on plus parlé ? vraiment parlé ? Ça doit remonter aux Clochetons, mon
vieil appartement, la vue sur le lac, l’été étouffant, les murs jaunis mais
cette flamme, ce quelque chose que j’avais avec toi, mon lecteur … Je ne sais
plus exactement depuis combien de temps nous nous rencontrons sur ce blog, sur le
monde de Frevall. C’était hier, avant-hier mais si je fixe mon reflet, je ne
suis pas sûr de me reconnaître. J’en ai partagé des crises avec toi. La fin de
mon histoire viennoise, mon cauchemar dans le bled d’homophobes chez Mme de S.,
etc. Des joies aussi. Je ne sais pas pourquoi j’ai cessé de te parler ? Je
ne voulais pas t’embarrasser, entre la gêne et l’orgueil. Et pour te dire
quoi ? Le doute, la fatigue, l’usure, l’ennui et les ors passés de la
jeunesse ! Des regrets peut-être, aussi, et le mal-être, comme une tache
de beurre sur le pantalon, bien imprégnée, une auréole plus large à chaque
tentative de nettoyage. Et tu vas encore t’inquiéter, et je devrais te rassurer
… On se connaît depuis assez longtemps pour que je t’avoue que je me suis déjà
senti mieux.
Dans le
même registre, je n’arrive plus à te parler avec autant de franchise de ce qui
me touche, vraiment. Cela fait plus d’une année que j’ai commencé à visionner
la série « La servante écarlate », une production Hulu, le site de
vidéo à la demande, dans un genre Netflix hybridé avec « Bad Robot »,
la société de production de Fringe,
Person of interest, Westworld, etc. Bref, du lourd, du divertissement pour
la forme et des questions fondamentales dans le fond. Le pitch se résume en
quelques mots : dans un proche avenir, les Etats-Unis, frappés comme tous
les pays de l’hémisphère nord d’une chute de la natalité, basculent dans la
guerre civile et la mise-en-place d’un nouvel ordre basé sur une interprétation
rigoriste et dictatoriale de la bible. Les femmes fécondes dont on juge les mœurs
discutables sont réduites à l’état de servante, méticuleusement violée de
manière rituelle par des commandants alors que leurs épouses, sur le lit
conjugal, maintiennent les bras des servantes. Ces Messieurs peuvent besogner
leur servante cravaté et le pantalon juste entrouvert. On est au niveau zéro de
l’érotisme.
Sur trois
saisons, bientôt une quatrième, on suit June, une servante, au prise avec le
système, le désir de vivre, tout de même, en dépit du fait qu’elle est séparée
de son mari qui a réussi à fuir et qu’elle est aussi séparée de sa fille,
placée dans une autre famille. Rajoutons à ce système que les femmes ont l’interdiction
de lire et de travailler en dehors de leur foyer. Le viol rituel est issu d’une
scène biblique, Sarah donnant sa servante égyptienne Agar à son époux, Abraham,
afin qu’il connaisse la joie d’une descendance. « … et elle enfanta sur
ses genoux ». Toute la folie sectaire des évangélistes et leur peu de jugeote
dans l’interprétation des textes de l’Ancien Testament !
Ce monde n’est
pas si éloigné et nous sommes tous des servantes écarlates, quel que soit notre
sexe. Dans un tel système, le « violeur » n’est pas moins abusé que
sa « victime ». Et si le commandant n’honore pas son esclave sexuelle
durant sa période de fécondité, il s’expose à une condamnation. Je ne vais pas
refaire ici tout le scénario mais les auteurs ont habilement liés intégrisme
évangéliste, intégrisme écologiste et morale patriarcale afin d’imaginer cette
société hyper fliquée, hiérarchisée et persuadée non seulement d’être dans le
juste mais de détenir la SAINTETÉ.
Je n’étais
déjà pas au mieux avec moi-même quand j’ai commencé à regarder cette série, je
crains que les trois saisons n’aient pas contribué à une amélioration
quelconque. L’ombre du dictat de la bienpensance couvre déjà nos écrits, nos
pensées, nos échanges et la presse. Un effroyable rouleau-compresseur « bienveillant »
venu aplatir toutes nos différences est déjà en train de nous broyer les jambes
et nous n’aurions pas même le droit de hurler – ça n’entre pas dans les schémas
de la communication non-violente. Je viens de terminer le dernier épisode de la
saison 3, je ne peux, mon lecteur, que t’enjoindre de visionner à ton tour
cette série. Je n’ai pas les mots pour t’expliquer l’urgence et la nécessité à
prendre conscience du danger qui rôde. Tu trouveras donc, pour ton édification,
les trois saisons en question sur un célèbre site de streaming basé dans les
îles Tonga ( .to)
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