Grand boulevard varsovien |
Varsovie ou la ville qui ne dort pas, ou peu ! J’y ai
vu un fitness ouvert 24h sur 24 et les grandes enseignes du commerce de détail,
les supermarchés ferment tous leurs portes entre 21 et 22h, selon le jour de la
semaine, même le dimanche pour certains. Toute cette activité se distribue dans
un rayon de 500 mètres autour du Palais de la culture et de la science. Ces
commerces ont du reste réinvesti les grands édifices de la période communiste
triomphante dans ce nouveau centre, profitant d’espaces grandioses. Il ne faut
pas manquer non plus d’emprunter l’élégant boulevard Nowy Swiat, bordé de beaux
hôtels particuliers du début du XIXème siècle dont les rez-de-chaussée sont
occupés aujourd’hui par des cafés, des boutiques, une atmosphère très urbaine
chic juste ce qu’il faut, une promenade recherchée qui emmène le chaland
jusqu’au décor de théâtre de la vieille ville reconstituée. Joli tour de force
à l’usage du touriste ou de l’édification des foules afin de témoigner de la
pugnacité du peuple polonais face aux vicissitudes de l’histoire. Le résultat
n’est pas trop moche mais cela sent néanmoins l’artifice, du disneyland
socialiste. La Pologne a si peur de perdre son histoire que le moindre machin
d’avant 45 est considéré comme sainte relique. Les autorités sont allées
jusqu’à repêcher des bouts de balustrade en fonte provenant d’un pont du début
du XXème siècle sur la Vistule, pont détruit durant la guerre, et à exposer la
chose comme la huitième merveille du monde dans la cour d’un ministère
quelconque. Cette phobie de la perte historique a dicté l’interdiction de
l’exportation de tout objet antérieur à 1945 même s’il n’est pas d’origine
polonaise ! Du coup, pas de brocante et un marché juteux à prendre pour
les petits malins qui pourront toujours exporter les tonnes de cochonneries
branlantes et ébréchées qui encombrent nos caves et nos greniers pour aller les
revendre en Pologne à prix d’or. Cet embargo sur les exportations de presque antiques
a certainement un effet désastreux sur la connaissance de la peinture polonaise
à l’étranger. La fin du XIXème et le début du XXème ont connu une pléthore
d’artistes de talent dont le nom reste inconnu sorti du cercle culturel
slavo-polonais. Je vous en ferai un autre billet, un de ces prochains jours,
mais je dois évoquer ici la rétrospectives du sublime Alexander Gierymski
(1850-1901). A
Paysage par Gierymski |
travers son œuvre brille le génie d’une belle nation, de
l’étoffe de l’Allemagne wilhelminienne, de la France de Napoléon III ou de
l’Autriche de la Sécession. Gierymski a peint son pays, Münich, Venise, Paris
avec le goût et la sensibilité innée des hommes de sa génération, dans ce style
subtil et cosmopolite du postimpressionnisme. Il y a du von Max dans les faux-jours,
du Cuno Amiet dans l’émotion des paysages, un rien de Vallotton fauve dans
certaines marines. Il souffle surtout le génie polonais dans sa forme la plus
universelle, la moins folklorique. Je suis resté bien vingt minutes devant un
paysage … polonais, un chemin, une allée de tilleuls et un ciel fabuleux,
émouvant comme dans un Nolde. Gierymski sait aussi peindre la lumière
italienne, et la brume parisienne, et la rue varsovienne, et ce monde de
l’avant catastrophe, la fausse route prise en 14 qui, paradoxalement, va rendre
un territoire à la Pologne mais la priver d’une réelle intégration. La Pologne
de Gierymski nous raconte un pays européen, une nation, une petite histoire
faite d’anecdotes, de la couleur des trottoirs, de la foule des cafés et de belles
personnes.
Gare de Jablonowo Pormorskie, dans la région de Brodnica |
Gdansk était devenue en 1918 une ville indépendante sous son
nom allemand, Danzig, privant le pays d’infrastructures vitales sur la
Baltique. Gdynia, tout à côté, village de pécheurs à l’origine, deviendra le
premier port de commerce polonais. Je logeais près d’une très belle plage,
Gdynia Orlowo, quelques hôtels, une zone balnéaire en plein boum, un centre
commercial plutôt luxe. La commune s’étend sur plusieurs sites dont une vaste
section dans un style moderniste, le tout relié par de nombreux trains
régionaux. Ne pas oublier la très chic et balnéaire Sopot ni Gdansk, son
indépendance d’esprit, une magie « dresdoise » à la nuit tombée (en
plein jours la ville fait de même un petit peu trop « disneyland »
historico-socialiste). Toute cette côte est très fréquentée par une clientèle
polonaise. Il y a cette langueur des lieux de vacances aimés, la promenade le
long de la plage, une bonne sœur en habit qui fait des pâtés de sable avec une
petite fille, le vieux monsieur qui vend des framboises et des mûres, dans des
barquettes qu’il a fabriquées à partir de cartons recyclés. Il y a aussi la
douceur des Polonais envers les oiseaux et tous les animaux. Ils disposent des
bols d’eau dans les jardins publics pour les pigeons, ils grondent les enfants
qui les effraient ; les enfants sont du reste très bien élevés. Il faut
que j’ajoute encore l’amour des Polonais pour le cinéma, il y a des salles dans
toutes les villes et beaucoup de librairies. Peuple lettré, autant amateur de
poésie que de vodka ! Mais cette langue ! du chinois en dépit de son
alphabet latin agrémentés de mille petits signes étranges. Impossible de donner
le nom du joli café dans lequel vous vous êtes arrêté ou de citer un peintre.
Je pourrais encore vous écrire mille lignes sur Brodnica, le mariage auquel
j’étais invité, les hôtels, les lignes de train, Poznan et son allure, le grand
art des tatoueurs polonais (en comparaison, les tatoués de Suisse romande ont
l’air grossièrement gribouillés). Nous en resterons là, vous retrouverez le
reste dans les romans à venir et de nouveaux billets en direct de Pologne où je
compte retourner.
1 commentaire:
Merci pour ce superbe article. Nous étions en Pologne en juin 2014 mais dans le sud-ouest et ressentons exactement les mêmes impressions que vous. Nous avons adore ce pays et ses habitants. T nous espérons pouvoir y retourner,
Bien à vous.
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