Dans l'attente de la publication mi-août de "Canicule parano", voici le tout début de ce roman d'atmosphère et d'introspection.
Le décor : Berlin, en juillet, un dimanche après-midi; la canicule écrase la ville depuis plus de dix jours. La nuit n'apporte ni repos, ni fraîcheur. Maxence n'a pour seul but, au cours de cette dernière journée qu'il passe à Berlin, de se rendre à un rendez-vous pris avec une amie. Il va traverser la ville d'Est en Ouest et passer en revue sa vie, un peu à la manière de Meursault (L'Etranger). Maxence apparaît étranger à lui-même.
Roedeliusplatz, Berlin |
Peu avant de se retrouver assis sur la parvis
d’une église, alors qu’il voulait se rendre au centre ville – pour peu que
Berlin en possède un – Maxence a préféré éviter la gare et a pris une parallèle
à la Weitling qui l’a mené aux « sources » de la Frankfurterallee.
C’est un décor figé et très berlinois de grands boulevards wilhelminiens au
charme usé avec d’immenses trottoirs déserts qu’animent de rares kneipe.
Quelques lignes de tram serpentent entre les pavés disjoints vers d’improbables
destinations. Il y a toujours un carrefour qui laisse espérer une ouverture sur
une avenue fréquentée et connue mais la perspective s’ouvre sur un nouveau
défilé d’immeubles austères ou bariolés par suite d’une réhabilitation
hystérique post-réunificatoire. Peu
de bruits. Très peu de passants. Pas de touristes. L’après-midi est lourde. Un
ou une après-midi ? Un après-midi évoque mieux la grâce perdue de ce qui
fut un quartier recherché, une sorte de banlieue cossue de la Berlin impériale.
Lichtenberg retrouva la cote dans l’après-guerre, y logeaient les camarades
fonctionnaires de la sûreté d’État et leurs alliés : beaux-frères
méritants, cousins recommandables, aïeux patelins. Ils y vivent encore de
l’aide sociale. La majorité d’entre eux n’a pu retrouver d’emploi après la
réunification. Ils vivotent dans la mélancolie des temps passés et voient avec
résignation arriver de nouveaux habitants, des « Schwaben» comme ils
disent avec un rien de mépris, une clientèle que les loyers prohibitifs de
Prenzlauerberg ont fini par rejeter ici, parmi une population à la réputation
raciste et arriérée. Maxence a hésité à monter dans un tram vide qui,
nonchalamment, s’était échoué au bord du trottoir. Il a hésité à se lancer dans
une promenade « aventureuse » et découvrir une rue, une place qu’il
ne connaissait pas encore et qui lui aurait parlé. Toutefois, il s’est souvenu
de l’ex-Glaubenskirche dont il a commencé à rechercher les toits pointus des
deux tours accolées, sur une place en
partie bordée par les bureaux déserts de l’ex-sécurité d’État.
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