dimanche, août 10, 2014

"Crois-moi, je mens" de Nadine Richon

Entre le bagage en soute dont le poids est limité et le bagage en cabine dont le volume est limité, j’ai tout de même emporté le dernier Richon avec moi. Ce n’était, soit, pas « A la Recherche du temps perdu » à glisser dans ma valise-trolley mais chaque gramme et chaque cm2 comptent lorsque l’on part pour une semaine de croisière suivie de quelques jours dans la campagne brandebourgeoise. Mon mérite réside dans le fait que j’avais déjà goûté aux 4/5 de « Crois-moi, je mens » dont la lecture ne m’a occupé que de Morges jusqu’à Gesundbrunnen (via Genève Aéroport et Berlin Schönefeld). Je vais donc faire le reste du voyage avec un livre consommé. Il me reste jusqu’à Rostock pour en faire la critique, je réserve la semaine de croisière à la lecture/correction de «L’Affaire Julia ». « Canicule parano » ne m’appartient déjà plus, il est aux mains des imprimeurs-accoucheurs.
 
 
Tous ces menus détails d’intendance de (presque) nantis n’ont rien d’incongru en préambule de la critique de « Crois-moi … ». Nadine y évoque dans un style « Sagan faceboukien » une intrigue numérique. Deux femmes, Violette et Catherine, deux protagonistes dont la jeunesse n’est plus sur des modes différents, un mystérieux séducteur, le réseau social, un récit bien ficelé au dénouement rondement négocié, rebondissement léger et un peu de douceur aussi. Au rayon de ce qui ne m’a pas convaincu, il y a une lichette de bienpensance et son bla-bla rabâché mémère sur les bords. Je ne peux malheureusement pas entrer dans trop de détails, je risquerai de vendre la mèche. Il y a aussi un délire à propos de séries télé et quelques-unes des plus moisies, ça ne dure qu’un demi-chapitre et cela tient plus de la responsabilité de la maison d’édition qui aurait pu faire remarquer à l’auteur que l’on s’éloignait du sujet. Une très belle conclusion vient toutefois corriger cette maladresse. Dans mon assortiments de bémols, je trouve encore de l’anecdote perso sans grande importance par rapport à l’intrigue et une mise en abîme chancelante du genre « ce n’est pas moi, c’est elle », faite d’un demi « comme si ». Certains trouveront ça mignon, ça titille un peu, ça picotouille comme une langue de chat avec son sucre acidulé, de la bonbonnaille qui se veut sérieuse. L’autrice n’est-elle pas en train de nous raconter et d’avouer publiquement une tentative de turlute extra-conjugale idéalisée ? du vrai de vrai mais romancé ?! Qu’importe, Nadine a suffisamment de métier et de références  pour faire vivre ses personnages, pour déployer un univers nuancé et sensible. Je vous l’ai dit, du Sagan. La belle Mme Richon a aussi l’art de faire phosphorer son lecteur, mine de rien, sur la problématique de l’âge et de la séduction ou de la valeur intrinsèque du mariage. Elle y apporte des résolutions pleine de bon sens et d’empathie. Qu’il doit être doux de faire partie de ses proches.
 
 
Quelques belles formules, le regard nostalgique sur ce qui a été, la bascule de l’âge, l’extrême jeunesse, 45 ans, après la femme est vieille. Que Nadine se console, chez les gays on est vieux à passé 25 ans (28 car tout le monde ment sur son âge), après on est condamné à la transparence publique, thème développé autour du personnage de Violette. Catherine, la seconde protagoniste de « Crois-moi … », à défaut de retenir les ans, s’économise et prend grand soin d’elle-même au risque de ne plus vivre. Des promesses d’amour cybernétiques viennent l’entretenir dans ses chimères. Facebook, miroir aux alouettes ou réalité augmentée ? C’est selon peut conclure le lecteur, il suffit de choisir ses amis virtuels, ses connaissances, avec le même soin que ses amis physiques.
 
Prochaines critiques, promis, Louise Anne Bouchard et Jean-Yves Dubath
 
« Crois-moi, je mens », Nadine Richon, éd. Campiche

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