Entre le bagage en soute dont le poids est limité et le
bagage en cabine dont le volume est limité, j’ai tout de même emporté le
dernier Richon avec moi. Ce n’était, soit, pas « A la Recherche du temps
perdu » à glisser dans ma valise-trolley mais chaque gramme et chaque cm2
comptent lorsque l’on part pour une semaine de croisière suivie de quelques
jours dans la campagne brandebourgeoise. Mon mérite réside dans le fait que
j’avais déjà goûté aux 4/5 de « Crois-moi, je mens » dont la lecture
ne m’a occupé que de Morges jusqu’à Gesundbrunnen (via Genève Aéroport et
Berlin Schönefeld). Je vais donc faire le reste du voyage avec un livre
consommé. Il me reste jusqu’à Rostock pour en faire la critique, je réserve la
semaine de croisière à la lecture/correction de «L’Affaire Julia ».
« Canicule parano » ne m’appartient déjà plus, il est aux mains des
imprimeurs-accoucheurs.
Tous ces menus détails d’intendance de (presque) nantis
n’ont rien d’incongru en préambule de la critique de « Crois-moi … ».
Nadine y évoque dans un style « Sagan faceboukien » une intrigue
numérique. Deux femmes, Violette et Catherine, deux protagonistes dont la
jeunesse n’est plus sur des modes différents, un mystérieux séducteur, le réseau
social, un récit bien ficelé au dénouement rondement négocié, rebondissement
léger et un peu de douceur aussi. Au rayon de ce qui ne m’a pas convaincu, il y
a une lichette de bienpensance et son bla-bla rabâché mémère sur les bords. Je
ne peux malheureusement pas entrer dans trop de détails, je risquerai de vendre
la mèche. Il y a aussi un délire à propos de séries télé et quelques-unes des
plus moisies, ça ne dure qu’un demi-chapitre et cela tient plus de la
responsabilité de la maison d’édition qui aurait pu faire remarquer à l’auteur
que l’on s’éloignait du sujet. Une très belle conclusion vient toutefois
corriger cette maladresse. Dans mon assortiments de bémols, je trouve encore de
l’anecdote perso sans grande importance par rapport à l’intrigue et une mise en
abîme chancelante du genre « ce n’est pas moi, c’est elle », faite d’un
demi « comme si ». Certains trouveront ça mignon, ça titille un peu,
ça picotouille comme une langue de chat avec son sucre acidulé, de la
bonbonnaille qui se veut sérieuse. L’autrice n’est-elle pas en train de nous
raconter et d’avouer publiquement une tentative de turlute extra-conjugale
idéalisée ? du vrai de vrai mais romancé ?! Qu’importe, Nadine a
suffisamment de métier et de références pour faire vivre ses personnages, pour
déployer un univers nuancé et sensible. Je vous l’ai dit, du Sagan. La belle
Mme Richon a aussi l’art de faire phosphorer son lecteur, mine de rien, sur la
problématique de l’âge et de la séduction ou de la valeur intrinsèque du
mariage. Elle y apporte des résolutions pleine de bon sens et d’empathie. Qu’il
doit être doux de faire partie de ses proches.
Quelques belles formules, le regard nostalgique sur ce qui a
été, la bascule de l’âge, l’extrême jeunesse, 45 ans, après la femme est
vieille. Que Nadine se console, chez les gays on est vieux à passé 25 ans (28
car tout le monde ment sur son âge), après on est condamné à la transparence
publique, thème développé autour du personnage de Violette. Catherine, la
seconde protagoniste de « Crois-moi … », à défaut de retenir les ans,
s’économise et prend grand soin d’elle-même au risque de ne plus vivre. Des
promesses d’amour cybernétiques viennent l’entretenir dans ses chimères.
Facebook, miroir aux alouettes ou réalité augmentée ? C’est selon peut
conclure le lecteur, il suffit de choisir ses amis virtuels, ses connaissances,
avec le même soin que ses amis physiques.
Prochaines critiques, promis, Louise Anne Bouchard et Jean-Yves Dubath
« Crois-moi, je mens », Nadine Richon, éd.
Campiche
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