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mercredi, mai 04, 2016

"Kaamelott", la série au-delà des répliques culte

Désopilant, tordant, piquant, à mourir de rire ! Et quoi d’autres ? Extrêmement touchant, sensible, émouvant et jusqu’aux larmes. Le sentiment est toujours juste, porté de main de maître par Alexandre Astier. Je veux parler de Kaamelott, bien évidemment. 2005-2010, six saisons, du format sketch à des épisodes de trois-quarts d’heure pour la dernière livraison. La relecture de la légende arthurienne, sous des aspects décalés, à coup de dialogues haut en couleurs s’avère des plus justes, certainement plus proche de ce quelle était au XIIème siècle, la petite histoire des relations humaines dans un groupe d’individus fédérés par un projet total, idéal, la recherche du Graal !

 On commence tout en douceur, histoire de faire connaissance avec la petite bande, en vrac et dans le désordre : Arthur (Alexandre Astier) en honnête homme porté sur la turlute et néanmoins conscient de son destin ; Guenièvre (Anne Girouard) sa cruche/potiche d’épouse et néanmoins amoureuse ; Léodagan et dame Séli (Lionnel Astier et Joëlle Sévilla), les beaux-parents en couple infernal franchouille âpre aux gains, bête et méchant ; Perceval et Karadoc (Franck Pittiot et Jean-Cristophe Hembert) Laurel et Hardy médiévaux ; Yvain le beauf’ ado’ attardé (Simon Astier) ; Lancelot (Thomas Cousseau), le pur, le courageux chevalier blanc dont il faudrait toujours se méfier (trop parfait) et Merlin (Jacques Chambon) en enchanteur version Lagaffe. Il faut rajouter, au fil des livres (chaque saison représente un nouveau livre, un certain nombre de récurrences, du paysan geignard à l’inquisiteur sadique, du légionnaire romain au bandit de grand chemin, du tavernier boutiquier à l’acariâtre mère d’Arthur. Au début, à moins que vous ne soyez médiéviste, hormis Arthur, vous patinez un peu parmi les noms et les rôles, pourtant vous ne perdez rien du cocasse des situations ni du sens, de la finesse des répliques. C’est le premier effet Astier !

Après trois saisons, vous retenez que le gros dégueu qui bouffe tout le temps se nomme Karadoc et que son pote débile, fidèle et attaché à la personne du roi comme un chien stupide – stupide car il prend les « coups de pieds au cul » métaphoriques d’Arthur pour des marques d’affection se nomme Perceval. Sans oublier Bohort, la chochotte dont on n’a jamais vu la femme. Bref, après une période d’accoutumance, le plus dispersé des téléspectateurs est prêt à entrer dans le cœur-même de la légende arthurienne. D’autant plus que le jeu des acteurs est fluide, la connivence certaine. Vous aurez remarqué une forte présence de la tribu Astier à l’écran ; le père, la mère, le frère d’Alexandre « à la ville » tiennent des rôles de premier plan, la dynamique ne s’essouffle jamais. Deuxième effet Astier.

Le scénario reprend les grands thèmes de la légende arthurienne telle que portée par la tradition française et le XIXème siècle. Lorsqu’on l’observe dans le détail, la narration s’avère bien plus subtile qu’il n’y paraît, multi-référencée, frottée de légendes anglo-normandes, du style galant à la mode d’Aquitaine, de christianisme primitif. Alexandre Astier, au fil des livres, y incorpore aussi de fréquents clins d’oeil à la culture populaire  de la seconde moitié du XXème (cinéma, bande dessinée) ; il est donc en parfaite adéquation avec le folklore des récits de la table ronde, chacun accommandant les aventures arthuriennes à sa sauce, histoire de faire passer l’amertume des déceptions humaines. Troisième effet Astier.

Ce n’est pas la bonne poilade d’une série à sketchs qui m’a poussé à prendre le clavier pour évoquer Kaamelott. Soit, on rit, beaucoup, intelligemment, du premier au dernier épisode. On rit de la bêtise des uns, du grotesque de la situation des autres, de dialogues d’anthologie, d’expressions colorées et percutantes, de remarques décalées, du désespoir d’un roi maladroit mais le sentiment général est nettement plus nuancé. Au détour d’une tirade, d’une engueulade homérique, tombe une réplique d’un regret poignant, blessure intime, délicatesse froissée. Une scène de repas, le roi, ses proches, le duc d’Aquitaine, venu à Kaamelott retirer l’épée qu’Arthur a replantée dans le rocher. Dame Séli apporte le dessert, aspect étrange, Léodagan chipote, le roi de même, le duc d’Aquitaine en dépit de l’aspect peu engageant de la chose et des protestations de son hôte, se résout à manger, par politesse, et c’est bon. Dame Séli conclut contre son propre intérêt qu’elle souhaiterait que le duc retire l’épée et devienne roi, ça changerait des brutes malapprises qui l’entourent, enfin quelqu’un avec un minimum d’usage ! Le compliment, gratuit, est un cri du cœur, la petite humiliation, voir nos actes anodins toujours déconsidérés, critiqués, l’usure du reproche.


Il y a aussi la recherche éperdue d’Arthur, une éventuelle descendance, tournée des maîtresses, des coups d’un soir et sa profonde tristesse lorsqu’il apprend avoir été le père d’une petite fille, morte quelques mois après sa naissance. A froid, platement raconté, ça n’a l’air de rien, tout juste de quoi faire pleurer Margot mais imaginez Guenièvre à ses côtés, silencieuse et tellement honteuse de ne pas arriver à consoler son Arthur à qui elle pardonnera jusqu’au secret de son mariage – d’amour – romain. Les masques tombés, les déguisements retirés, la pantomime terminée, il reste le désarroi humain, la sortie de scène et le téléspectateur lambda se retrouve dépositaire d’une tragédie … de LA tragédie alors qu’il avait signé en 2005 pour une pantalonnade plutôt bien tournée.

dimanche, avril 27, 2014

"Metropolis", la bd uchronique

Alors que 2014 marque le centenaire de la déclaration de la « grande guerre », « Métropolis », une BD uchronique imagine un monde dans lequel le premier conflit mondial n’aurait jamais eu lieu. La France et l’Allemagne se serait réconciliée après la victoire allemande de 1870. Quels enjeux se cachent derrière une telle fiction ?

1935, Metropolis, l’Interland, un pays né après la guerre franco-prussienne, un conflit qui, dans l’histoire, a vu s’affirmer l’incontestable importance de l’Allemagne. Cet affrontement va nourrir, dans le même temps, un sentiment anti-allemand tenace chez les perdants. Ce sentiment poussera diplomatiquement la France dans les bras de la « perfide Albion » mais c’est une autre histoire. Revenons à Métropolis, capitale Art Déco construite de toute pièce, cœur d’un pays imaginaire, fondé dans un esprit de réconciliation entre les anciens belligérants, un empire total, central, placé sous la sainte protection du grand Charles. Non pas de Gaulle mais le « magnus », Karl der Grosse, Charlemagne, rénovateur de l’Empire d’Occident. Si réconciliation en 1870, donc pas de guerre de 14-18, ni de 39-45, et pas d’hégémonie anglo-américaine ! Un champ de possibles s’ouvre à nous. Metropolis porte la bannière du progrès au sommet de ses gratte-ciels. Elle ressemble à une New York idéale hybridée avec l’œuvre de Fritz Lang, référence en clair-obscur appuyée à son chef-d’œuvre cinématographique homonyme car tout n’est pas rose au royaume de la concorde.
Herr Dr Freud et Winston Churchill à la sauce Fritz Lang
Cet opus initial – l’éditeur nous annonce une suite, quatre tomes en tout, le second pour juin de cette année – se lit comme une cavalcade à travers une enfilade de salons, portes à double battant que l’on enfonce plus que l’on ouvre, dans une sorte de course irréelle au bord de l’hystérie. Tout à trac, Serge Lehman, le brillant et torturé scénariste, nous jette questions sur questions, possibilités uchroniques sur probabilités historiques, sans parler du multi-référencement à l’œuvre de Fritz Lang, et pour faire bonne mesure quelques grandes figures de la Belle Epoque. On en redemande avec un sentiment de vertige. Churchill devisant quant à la mauvaise direction de la politique européenne dans un bar feutré, Herr Doktor Freud tenant clinique en périphérie et un jeune premier, l’inspecteur Gabriel Faune, le tout dans un style roman graphique tendance dessin réaliste de la main de Stéphane de Caneva, couleur de Dimitris Martinos. Ceux qui ne seraient pas tombés sous le charme argueront que l’intrigue est tricotée d’une maille trop lâche, que le récit part dans tous les sens et se dilue sans avoir de véritable point de départ. « Métropolis », tome 1, témoigne avant tout de la nouvelle germanophilie française, un sentiment qui s’est insensiblement glissé dans les esprits et dont témoignent quelques paroles dans la langue de Goethe au détour de publicités télévisées, l’admiration inconditionnelle pour l’économie d’Outre-Rhin et une sympathie marquée pour Berlin. Entre les lignes, il nous est même suggéré que la France, du fait de ses vertus républicaines, aurait su guérir l’Allemagne de son pangermanisme expansionniste. Cette petite centaine de pages donne un corps à l’amitié franco-allemande et marque peut-être un changement de paradigme dans l’inconscient politique collectif.
Deutschland, je t’aime, je te hais
Petit cours d’histoire(s) allemande(s) accéléré. Les rapports entre les nations européennes et l’Allemagne sont confuses. Avant d’être, dès 1871, un pays organisé et centralisé, l’empire allemand n’est qu’une nébuleuse d’Etats sous la tutelle de la Prusse. L’identité nationale allemande émerge en réponse aux agressions de la France de Bonaparte. Dès 1815, sous l’influence entre autres de Mme de Staël, on découvre un pays en devenir, on chante la sensibilité de son peuple, la richesse de sa culture, sa littérature, ses philosophes, sa bonne chair ; bref une authentique carte postale. Et l’Allemagne reste une mosaïque complexe faite de l’inévitable Prusse, de villes indépendantes, de petits royaumes, de gros duchés, le tout rassemblé dans une Confédération Germanique présidée par l’empire autrichien. Le grand voisin s’appelait encore, jusqu’à l’avènement de Napoléon, « Saint-Empire romain germanique ». Après le passage du petit Corse dans son histoire, il a rétrogradé au titre de simple « Empire autrichien » puis « Empire austro-hongrois ». Cette Autriche-là n’est pas qu’un Etat allemand, elle fédère des peuples très divers : Slovènes, Hongrois, Tchèques, Slovaques, Polonais, Ukrainiens, Serbo-Croates, Roumains, Italiens. Il s’agit du résultat de près de six cents ans d’expansion et de fédération autour de la personne de l’empereur. L’Autriche-Hongrie fonctionnait comme une sorte d’Europe Unie avant l’heure, gérée dans un esprit conservateur mais ne cherchant pas, paradoxalement, à imposer une norme culturelle à l’ensemble. L’Autriche-Hongrie était un Etat agraire, avec quelques zones de forte industrialisation. Comparativement, les Etats allemands, contrée industrielle de la première heure, jouissaient déjà d’une économie bien plus homogène. Dès 1834, une poignée de ces États se lient avec la Prusse par un accord de libre circulation de biens et de services (Zollverein). Petit à petit, tous les États allemands vont adhérer à cet accord et ce, jusqu’en 1866, année au cours de laquelle la Prusse va rejeter la « suzeraineté » – même symbolique – de l’Autriche par une courte guerre de quelques semaines. L’Autriche et ses alliés perdent, la Confédération germanique est dissoute, est proclamée la Confédération d’Allemagne du Nord. Un biais diplomatique permet aux alliés catholiques allemands de l’Autriche de ne pas être exclus de ce nouvel ensemble. Le roi de Prusse préside cette confédération gérée par un parlement bicaméral, une chambre haute qui représente chacun des Etats (Bundesrat), et une chambre basse élue par le peuple (Reichstag) mais sans pouvoir très étendu. Le roi désigne aussi le chancelier qui est le véritable maître du pays. Suite à la guerre franco-prussienne de 1870, Bismarck, le chancelier, sauta sur le prétexte pour unifier définitivement l’Allemagne et forcer le roi de Prusse Guillaume Ier à accepter la dignité impériale. Dans l’imagerie et l’imaginaire populaires, la personne du souverain allemand sera associée au souvenir de Charlemagne, fondateur d’origine germanique du nouvel empire d’Occident, successeur des Césars (d’où le terme allemand de Kaiser pour empereur), nouveau défenseur de la civilisation européenne. Dès lors, ce vaste empire développé, vainqueur de l’invincible France, riche d’une nombreuse population, de grandes ressources naturelles et d’un haut niveau technique ne fut plus regardé comme une gentille terra incognita peuplée par de bons sauvages cultivés, où faire de bucoliques balades philosophiques ; l’Allemagne était devenue l’Allemagne, un redoutable concurrent dans la maîtrise des mers et le partage du monde.
Nouvelle culture historique
On fit tout de même bonne figure à la dernière puissance venue, on se poussa un peu, on conclut quelques mariages royaux, mêlant entre autres le sang allemand au sang britannique. Il est toutefois amusant de relever que Victoria, tout comme son prédécesseur sur le trône du Royaume-Uni, était de la maison de Hanovre. On se congratula parmi, se jalousa à savoir qui avait le plus gros yacht royal, les uniformes les plus rutilants, la cavalerie la plus nombreuses, le plus d’artillerie lourde, etc., etc. Jusqu’à ce que, enfin, on trouve le prétexte à mener une bonne guerre … antiallemande. Tout le monde connaît le déroulement du récit officiel, les méchants empires centraux défaits, et la victoire des gentils et de la démocratie, et rebelote vingt ans plus tard, et les méchants sont vraiment bien les méchants que l’on croyait, et l’Allemagne se reprend la pâtée. De Gaulle, qui en plus d’un sens politique aigu, jouit d’un sens inné de l’histoire, ne va pas tarder à tendre la main à l’Allemagne honnie, abattue, occupée mais étonnamment toujours aussi puissante économiquement. Vingt ans après le 8 mai 45, le passé c’est du passé ; quarante ans après, c’est le moment de témoigner et d’initier un vaste examen de conscience ; près de soixante-dix ans plus tard, les témoins directs étant quasi tous morts, la Seconde Guerre mondiale est entrée dans l’histoire. Que cela signifie-t-il ? Que les chercheurs, les historiens du dimanche et le citoyen lambda, tout le monde a le droit à l’interprétation sur la base de données froides, désamorcées, sur l’analyse d’épisodes et d’événements largement documentés d’où il ressort un sentiment de flou entre le bien et le mal, un rééquilibrage du partage des responsabilités. La second conflit mondiale apparaît non plus comme une conséquence d’un après 1918 mal géré mais comme un sur-événement mal maîtrisé, ou comme un contre-feu hors de contrôle. Le problème s’est noué en 14 ; la lutte contre le nazisme, le rouleau compresseur stalinien, la guerre froide et la financiarisation de l’économie n’ont fait que nous distraire dans la résolution du susmentionné problème. Metropolis, d’un coup de baguette magique et uchronique, propose une résolution théorique, presque une feuille de route pour la suite de la construction européenne, à savoir l’abandon des États-Nations au profit d’un ensemble plus vaste sans domination culturelle centrale. Cela prend des airs de … Saint Empire romain germanique revisité.

dimanche, janvier 05, 2014

Adventure Time

Jake, le chien jaune aux pouvoirs magiques, et Finn, un pré-ado malicieux, toujours coiffé d’une cagoule qui lui fait deux oreilles animales, forment le duo vedette d’Adventure Time, une série d’animation américaine. Jake et Finn ne sont pas seuls dans le monde de Ooo. Il y a la princesse Chewing-Gum, le roi des Glaces et son pingouin Gunter, le roi Liche, Marceline la jeune vampire, BMO (à prononcer Beemo) la console de jeu vivante de Finn, et tant d’autres personnages loufoques à la Hanna-Barbera, tous sortis de l’imagination du créateur de cette série à succès, Pendleton Ward, diplômé du California Institute of Art.

Au-delà des chiffres, d’un engouement exponentiel, Adventure Time séduit par son ton décalé, limite absurde et subtilement référencé. A relever, nous avons affaire à du travail soigné : neuf mois par épisode, un scénario écrit, des dessins faits mains.  On se laisse attraper le doigt sur la zapette, entre deux panneaux publicitaires et une fin d’émission rasante, et on reste collé sur Cartoon Network, ce qui est tout de même un peu honteux. La bande son est aussi léchée que le dessin, une mention particulière pour les versions françaises, très écrites, fluides et en bon adéquation avec la musique. Jake le chien jaune s’allonge, se déforme, prend la taille d’un géant, se met à voler … C’est toute la culture enfantine du spectateur adulte qui est invoquée.

Il m’est déjà venu l’envie de « révéler » mon admiration pour cette série. Dès la première fois, un samedi soir aussi, heure indue, et une belle histoire d’amitié, d’affection sincère, une histoire toute bête et touchante … Car Adventure Time touche toujours au but, droit au cœur, avec poésie, innocence et morale. Finn est une sorte de Wanderer dépourvu de la moindre once de tragique. Il est ce petit homme (au sens d’être humain) qui traverse bravement son parcours initiatique ; on appelle ça l’enfance puis, plus généralement, la vie. Finn, c’est nous. Ce soir, je franchis le pas, j’en fais un billet, après être resté frappé et ému par l’épisode « La Brume des souvenirs », un épisode musical au cours duquel Marceline la vampire aux accents de Keren Ann donne la réplique à un néo-Benjamin Biolay/Roi des Glaces au son d’un clavier et d’une boîte à rythmes un peu ringarde ou super tendance. Cet épisode place définitivement toute la série dans la catégorie des contes, et des plus précieux : les consolant.

samedi, décembre 14, 2013

"L'Onde Septimus", Blake et Mortimer


Jaloux ?
Cinquante-sept  ans après « La Marque Jaune », Blake et Mortimer se remettent sur la piste du Pr. Septimus, génie déséquilibré, précurseur et inventeur du télécéphaloscope, un appareil permettant de contrôler l’esprit humain. L’intrigue est embrouillée, faisant étroitement référence à l’œuvre imaginée par Edgar P. Jacobs (1907-1987), le père du couple … pardon, du duo blond et roux, à savoir du capitaine Blake et du savant Mortimer. Ce 22ème album n’est donc pas de la main du maître mais d’un trio de successeurs, Jean Dufaux au scénario, Antoine Aubin et Etienne Schréder au dessin. Le résultat est bluffant de fidélité.

« L’Onde Septimus » plaira aux fidèles, aux conquis d’office. Le néophyte risque d’être perdu quoique séduit par l’atmosphère atemporelle de la série, une Londres policée et fities’, où des domestiques indiens servent avec déférence des messieurs tirés à quatre épingles dans leur club. Cela fleure bon l’homosexualité refoulée, la femme apparaît dans l’intrigue comme un bouquet de glaïeuls dans un intérieur chic. On invoque sur fond d’après seconde guerre mondiale des forces surnaturelles, le génie dévoyé de savants forcément fous et des tentatives d’envahissement extra-terrestre. Une brocante !

Toutefois, l’intérêt réside dans la perpétuité d’un monde normal, selon une représentation anglo-saxonne, un monde en proie à tous les dangers (communisme, décolonisation, libération des mœurs, féminisme, homosexualité assumée, etc.). Ce monde s’auto-multiplie ou plutôt, se démultiplie puisque, dans la chronologie de la série, « L’onde Septimus » se place entre « La Marque Jaune » et « L’Affaire Francis Blake ». On peut imaginer glisser de nouveaux épisodes et « déplier » ainsi la narration. On réécrit « l’histoire » et l’enracine dans sa logique à perpétuité. Il ne reste plus aux successeurs d’Edgar P. Jacob que de faire évoluer le scénario, histoire de sortir Blake et Mortimer de la catégorie des BD réac’. Ils pourraient, peut-être, enfin imaginer un épisode ou les deux héros se déclareraient ! Et les femmes seraient peut-être autre chose que des bouquets de glaïeuls. A suivre.