Marcher
dans Berlin, le long de boulevards ensoleillés, quelques passants, de très
rares touristes parce qu’on se trouve dans un quartier chez les vrais gens,
loin des rues commerçantes, des bastringues à toutous. Marcher face au soleil,
plein Ouest, comme dans un happy-end, fondu-enchaîné avec le générique, un film
d’aventure surfilé de philosophie pratique, une belle histoire qui se termine
par l’ouverture à un autre chose doux, agréable, un sentiment proche de
l’ivresse légère que procure un verre de vin rouge. La BO ? Porter,
« Surround me with your love, surround me with your words … » Steeve
serait ce héros magnanime et anonyme capable de comprendre et consoler. Il
serait le « bras armé » de l’auteur. Il serait sans âge, c'est-à-dire
vieux, comme ces bagnoles pas assez vieilles encore pour valoir quelque chose
mais déjà sans plus de cote à l’argus. Steeve retourne en Oméga, dans
l’enfance, la jeunesse de son avatar. Combien sont-ils comme lui, à entretenir
l’existence d’Oméga par le souvenir et la répétition continuelle de saynètes
charmantes. « Hello, can you hear me ? » Reçu cinq sur cinq. Il
est le type banal par qui coïncideront Alpha et Oméga, genre solution hydrofuge
qu’il faut émulsionner énergiquement pour que cela fasse un tout. Chaque crise
sera l’occasion de faire un, en dehors. Alpha, Oméga et toutes les lettres qui
peuvent les séparer ne forment qu’un catalogue de possibles. Steeve a choisi
son scénario, minimaliste, évident, pas besoin de le définir à grand renfort de
« à la fois » et autres syntagmes contradictoires. Il a décidé qu’il
serait lui et personne d’autre. Il a, effectivement, trouvé une boîte de
pralinés, une carte dactylographiée, « Avec les compliments de
Friedhelm ». Un peu léger a-t-il pensé, à peine crédible dans le scénario,
l’auteur gazeux a dû caller dans le récit, à moins que lui, Steeve, ne soit en
train de rêver « Alpha » en possibilité séduisante de sa logique de
vie.
Rentrer,
rentrer chez soi, en ressortir et marcher, encore, dans le jour bas d’une fin
octobre. Il a dû prendre des avions, des trains … Il aimerait bien en rester
aux transports urbains, un métro par exemple, descendre dans une station du
Marais parce que, à l’instant, l’air sent Paris en automne, Paris comme elle
sentait en automne à la fin du XXème et plein d’espoirs confus, d’envies, de
désirs, la vie urbaine que Steeve aurait dû connaître et pas sa trentaine
miteuse, impécunieuse, ratatinée et aigrie. Le bruit des cafés, la clameur des
grands magasins, la saveur d’une rencontre. Voilà exactement ce que l’on doit
vivre, comme tout le monde, quand on est un type sans qualité particulière. Il
regrette même – c’est de saison – cette période avant qu’il n’y croie, aux
transits et tout le reste. La nostalgie d'antan, le bon vieux temps, meilleur,
le temps, depuis qu’on l’a tout bien reconditionné façon tranche du jambon
périmée (retaillée, remballée). Steeve va trouver sa mère, l’appartement
mi-miteux en banlieue, une certaine dignité … une indigence bien peignée depuis
que l’intéressée est à la retraite et boit plus de thé que de mauvais rouge. Et
Mirim, déménagée dans un joli service de légumineux moyens, antenne
hospitalière décentrée en banlieue verte.
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