C’est un rendez-vous radiophonique majeur de la littérature
francophone que la direction de la SSR… TSR … RTS, enfin la radio-télévision
Suisse romande, une entité qui n’a cessé de muer, muter et changer de nom sans
pour autant gagner en qualité, bref cette direction au nom du « rendement »
n’a rien trouvé de mieux que de biffer d’un trait de plume négligent ce
rendez-vous mythique de la prochaine grille des programmes. Comment peut-on,
lorsqu’on se prétend service public, grassement subventionné par des redevances
exorbitantes, ce qui signifie des impératifs de rentabilité peu contraignant,
mépriser de la sorte la chose culturelle. « Entre les lignes » est
une porte de la littérature tant romande que française. Que dis-je une porte,
un phare, une voie d’accès, une autoroute, une piste aux étoiles, la
consécration lorsque l'on est un auteur, une reconnaissance et,
souvent, une trouvaille pour les auditeurs.
Je parle pour ma paroisse, soit ; je suis déjà passé à
trois reprises dans l’émission de Jean-Marie Félix, interviewé tantôt par
Catherine Fattebert, tantôt par Christian Ciocca. Ce fut à chaque fois un
excellent moment, l’occasion d’entendre vivre le texte sous la lecture d’un acteur
professionnel. Je ne pourrais pas tous les nommer, leur voix m’est familière, je
suis aussi un auditeur « mi-assidu » de l’émission ; j’en écoute
les podcasts le matin, dans la salle de bain, durant mes nombreux séjours
étrangers. Et parfois en live, quand je n’enseigne pas. Lorsque je prends l’émission
au vol, je reconnais la voix d’un «collègue » ou, lorsque je ne connais
pas personnellement l’invité, je devine le titre de son roman en deux ou trois
échanges. Il y a aussi des auteurs qui m’énervent, j’en ai épinglé un – une en
l’occurrence – dans « Journal de la haine … »
Se priver de « Entre les lignes » est, non
seulement, une marque de mépris d’une bande de marchands de soupe envers la
littérature mais c’est aussi priver la SSRTSRTS… ou je ne sais trop quoi, le
gros bazar qui chapeaute Espace2, priver ce service dit public d’une ambassade
reconnue dans les médias internationaux de langue française. Ce n’est pas avec
le « Kiosque à musique », « Un air de famille » ou, pire, « Les
coups de cœur de l'apoplectique Alain Machintruc » que l’on va se faire une respectabilité
parmi le petit marché de l’audio-visuel francophone pléthorique. Sophisme me
dirait-on, élitisme, mépris du goût populaire, etc. Pourquoi comparer ce qui n’est
pas comparable, une émission culturelle radiophonique avec de la téloche à
neuneu ?! Ce n’est pas moi qui ai eu l’idée saugrenue de faire un gros
gloubiboulga commun avec la télévision et la radio de ce pays. Il y aurait,
paraît-il, des synergies. Je constate surtout que la radio qui est plutôt
économe se voit retirer le peu qui lui est accordé pour l’attribuer à une
télévision dispendieuse et inadaptée à son temps. Quant à mettre en balance de
la littérature et du divertissement lourdaud pour première partie de soirée le
samedi, je procède selon les nouveaux critères de compétitivité de l’audio-visuel
public suisse. Si « Entre les lignes » ne pousse pas à la vente de juteuses
plages publicitaires, cette émission génère néanmoins du prestige et la
reconnaissance unanime d’un milieu culturel peu enclin à la louange. Regardez
donc la liste des invités, vous y trouverez de grands noms des Lettres
parisiennes. Et croyez bien que personne ne se fait trop prier pour répondre « présent »
à une invitation de Jean-Marie Félix.
Messieurs de la RTSSRTS, du truc, du chose, le machin qui
gère les sommes indécentes versées pour notre redevance-rançon, histoire d’avoir
le droit de regarder Arte, Planète, France5, parfois M6, 3Sat, TV5 Monde,
ZDF, Das Erste et d’écouter France Culture et France Info quand on n’écoute pas
Espace 2 ou Vertigo et les infos sur La Première; Messieurs, donc, il n’est pas
trop tard pour faire marche arrière et maintenir une émission qui vous rapporte
bien plus que des recettes (publicité, redevance), une émission qui vous
apporte le respect !
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