« Et tu l’aimes sa scansion ? Tu l’aimes ce
ton ? tu l’aimes ce verbe en mine de rien ? » Semble dire
lascivement Jean-Yves à son lecteur, son petit genre post-godardien, Nouvelle
Vague continue, un récit que l’on attrape comme, par exemple, « Le
Mépris » en cours de diffusion, très tard à la télé, sans trop savoir ce
que c’est dans un premier temps et « remettant » peu à peu l’intrigue
au fil des dialogues. Elégance particulière et nonchalante de l’intellectuel
sans faux-col … de l’homme d’esprit plutôt … de l’homme de goût … de quelqu’un
qui porte son histoire, sensibilité et souvenances.
Peut-on parler de « Nouvelle Vague » allemande ?
Fassbinder et l’évocation par une bande de copains de son œuvre, « Effi
Briest », adaptation du roman de Fontane, quoique je trouve « Frau
Jenny Treibel » plus abouti. Fassbinder et ses références naturalistes,
Maupassant, Flaubert ; Fassbinder et son hommage à Rhomer ;
Fassbinder et sa liberté, sa disparition prématurée, comme une vie inaboutie,
la partie que l’on refait sans cesse entre potes, et chacun a le droit de
donner son avis, le lecteur aussi, le néophyte, une conversation de bistrot
avec ses répliques décousues et l’intuition, en-dessous, débusquer une vérité
ultime. Il ne faut pas mépriser les conversations de bistrot. « Tomber sur
un film », en cours de diffusion ne retire rien à sa charge émotionnelle.
« Qu’il y a de bruit là autour, cependant est-ce que
nous possédons Dieu, est-ce que nous ne possédons pas Dieu ? » Et j’ai
vingt ans, dix-huit ans même : je lis en mode intuitif, quelques souvenirs
en anticipation. « La Causerie Fassbinder » est une expérience d’un
autre genre qui tantôt me renvoie au souvenir pré-adolescent de Paris, la France,
la culture vues d’ici, un phare dans la nuit et complète mes références de « Teilzeit
Berliner » actuel. Je ne retire aucune vérité du roman de Jean-Yves Dubath ;
mieux ! J’en retire une esthétique, une émotion, en revenir encore une
fois au film attrapé au vol sur un écran de télé, si possible tube cathodique,
l’image n’est pas plus belle, elle a plus de relief, plus de vérité. Et l’on
devine une grande œuvre, ne pas regretter ce que l’on a manqué, ce que l’on va
manquer, on en pressent l’existence et ça suffit. Circonstances étonnantes, une
chambre d’hôtel à Dehli, une tourista en rémission, un voyage avec Homais, son
avatar, je n’avais pas vingt ans, Flaubert est parmi nous, une visite du Fort Rouge
et sa p… de colonne de ferraille qui ne rouille pas mais est tout de même
rouillée mais je préfèrerai poursuivre dans ce film, quelle merveille. C’était « Blade
runner », je l’appris bien plus tard.
« Qu’il y a de bruit … », oui, vraiment mais cela
n’empêche toutefois pas d’entendre, de se souvenir, d’apprendre, de se laisser
toucher et de regretter deux ou trois petites choses parce qu’on n’a plus vingt
ans et que Fassbinder est parti trop tôt. Se demander s’il ne serait pas plus
sage d’allumer une clope, en re-fumer une, comme au bon vieux temps et marcher
sous la pluie, une ville, une rencontre, quelque chose de sexuel, forcément …
ce qui n’exclut pas l’amour ou Dieu mais pas de conviction, parce que la vie
est trop fragile pour supporter un tel … sentiment. L’œuvre est trop fragile
pour supporter le poids d’une narration. La fragilité d’une conversation, une
conversation de bistrot peut-être, une brasserie en demi-jour, une table tout
du moins, des amis, des verres à moitié vides, ou pleins, et ce verbe,
hypnotique, vertigineux, faire parties des amis de Jean-Yves.
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