Je reviens d’un bref séjour à Berlin où il m’a été donné de
vivre un peu de cette bonne vie allemande proclamée par Thomas Mann. Mme von J.,
la mère de mon amie Li., m’avait invité à fêter avec sa famille et quelques
amis son anniversaire. Pour l’occasion, les beaux-parents de Jo. (fils de Mme
von J. et frère de Li.) ont mis à disposition une maison de plaisance qu’ils possèdent
du côté de Potsdam. L’édifice serait digne de Schinkel, une bâtisse élégante et
noble surplombant un jardin en pente douce au coin de deux rues résidentielles.
Les haies sont taillées de telle sorte que les convives, depuis le péristyle du
grand salon, puissent contempler la perspective sur Potsdam. De la route, la
maison trône si noblement que, lorsque Li. la désigna au chauffeur de taxi, il
en resta interdit, ne sachant s’il devait aller par la gauche ou par la droite
pour nous déposer à la porte du logis.
Il y a soit le décorum, les usages, la particule mais,
surtout la chaleur d’un monde où l’on sait se maîtriser sans pour autant
éteindre sa personnalité. Chaque invité était attachant à sa façon, sous son
meilleur jour du fait de l’occasion, une galerie de personnages à la Fontane.
Dans la conversation, le menu, le décor brillait ce génie modeste propre au
monde allemand. Ni paillettes ni excès, Mme von J., nom prestigieux, femme
lettrée à l’esprit malicieux recevait simplement à l’occasion de ses
quatre-vingts ans les parents, les amis, les alliés et l’on m’a fait l’honneur
de me compter un peu parmi ces trois catégories.
Retour sur Berlin, une tasse de thé chez Li., la messe de
18h30 à Sankt Ludwig, le père Joseph la célébrait. Un dîner léger, toujours
chez Li., l’appartement de la Hohenzollenstrasse (voir « Canicule parano »)
un verre de bon schnaps et nous avons encore discuté de quelques points de
traduction. Cette précieuse amie, fatiguée de m’entendre soupirer après le
marché allemand, a décidé de travailler à la traduction de « Tous les
États de la mélancolie bourgeoise ». Vous n’imaginez pas à quel point je
trouve mon texte meilleur en allemand. Je suis rentré vers les 22h à la pension
Austriana, sur la Pariserstrasse, un établissement que seuls les fans de
Derrick peuvent apprécier : j’ai l’impression d’avoir dormi dans un
épisode la série !
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