Berlin, un café, se dire des choses ... |
On aimerait se réinventer tous
les jours, se renouveler sans cesse, et avec talent. On aimerait, de l’intérieur,
jouir de ce sentiment confortable de « rénovation », une sorte de
travail cosmétique qui devrait vous laisser plus beau, plus propre, plus sage,
plus heureux et vous permettrait de retrouver la ligne de vingt ans. Comme si …
- ah ! tous les « comme si … » de nos existences – comme si l’on
remarquait les murs défraîchis du hall et que, hop, on se décidait à faire
repeindre et installer de jolies appliques par la même occasion, et réaménager
le salon dans la foulée, faire d’une situation contraignante une opportunité. A
chaque fois que j’ai pris « les difficultés de la vie » sur ce ton-là
je n’ai fait que désespérément me mentir et me suis retrouvé parmi le sordide
de la douleur, des maux sans raison qui finissent par … disparaître après m’avoir
laissé ravagé et plus malheureux qu’avant leur survenue. Au milieu de cette
débandade, j’ai appris à me consoler avec ce que je trouvais, de restaurer un
tant soit peu mon image auprès de moi-même : un rien de donjuanisme, un
rien de jeunisme, l’orgueil d’un corps travaillé, à raison de séances de fitness
de plus en plus longues et nombreuses, jusqu’au prochain « pépin »,
encore plus sérieux, plus incompréhensible, plus entravant que le précédent.
Peut-être moins grave aussi, mais l’usure et la peur rendent plus sensible,
plus douillet, geignard … Et il faudra encore souffrir, se mentir, rebondir une
énième fois pour avoir l’immense privilège de poursuivre une vie de moins en
moins satisfaisante, et avec le sourire s’il vous plaît ! Il en faudra de
la mauvaise foi, des séances de shoping, de cinéma, de bons romans et des expositions
de peinture pour surmonter cette nouvelle « épreuve ». Il y a les
brefs épisodes de rémission, quand le trouble s’en est allé et que règne enfin la paix sur votre intériorité ravagée.
Vous vous dites que ce n’est pas grave, c’est terminé, un encouragement intime
aussi vain que de ramasser un vase roulé
par terre, intact étonnement, parmi votre appartement mis à sac. Et quand vous
aurez, enfin, réussi à tout remettre en état, et mieux même, vous replongerez
pour un mot de travers de votre hiérarchie, un accident parmi vos
connaissances, un peu de jeu dans le scénario ou le suicide d’un élève.
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