Scène de "Violette", de Martin Provost |
« Et puis m… », comme le disait Katia, le travelo
du « Père Noël est une ordure ». « Vous êtes myope des yeux,
myope du cœur, myope du cul ! ». Je vous avais promis des billets
mesurés, très corrects, très comme il faut dans ce blog mais ce serait me
dédire et renier ma capacité à m’indigner. Je ne suis pas un auteur … ou plus
un auteur qui se « révolte », promo oblige, à coup de « cul,
bite, couille, nichon, etc. », et je ne serai jamais de ceux qui posent
complaisamment avec leur jeune progéniture ou leurs tatouages, qui racontent
leur alcoolisme ou leur toxicomanie, qui
affectent un style néo-célinien parce que « fuck la syntaxe ». Cette
demi-mesure à visée commerciale de la littérature me fait vomir. J’en ai pris
conscience l’autre soir, dans une salle obscure, « Violette » de Martin
Provost, ou la vie de Violette Leduc. Je connaissais cette autrice par « L’Asphyxie »,
son premier roman, autofictif, comme toute son œuvre. J’avais acheté ce titre d’occasion,
dans une librairie … du Marais, je n’étais même plus un vieil ado, le souvenir
de la lecture de ce roman se superpose à une visite du « Musée Carnavalet »,
l’une des scènes décrite dans « Tous les États de la mélancolie bourgeoise ».
« Violette », donc, une écriture cinématographique
narrative efficace, un gros travail de décors et de costume, une ligne claire
au service du récit d'une époque, illustrant la complexité des mentalités
d'alors, sans manichéisme. Une galerie de portraits aussi, Jean Genêt et sa
bringue perpétuelle, Maurice Sachs alias le scandaleux et mondain, le collabo
négligemment liquidé dans un camp par un SS, à défaut d’avoir été sommairement
jugé et exécuté par les FFI. La littérature n’a qu’une morale : la
sincérité du témoignage, la qualité du verbe ; le reste n’est que
conjecture. Les auteurs sont des gens de conviction au-delà de l’idéal social
de l’époque, tant sur un plan politique que sur celui de l’orientation
sexuelle.
Emmanuelle Devos tient certainement ici son grand RÔLE. Violette
est touchante, brouillonne, un peu faiseuse, sensuellement affamée, un rien
vénale, insoumise dans tous les cas. Et Sandrine Kiberlain nous rend la frigide
Simone de Beauvoir sympathique, un tour de force ! Le récit n’a rien d’arrangé,
d’artificiel. Le contexte politique est esquissé, on sait que l’on sort à peine
de la guerre, que ceux d’en bas sont et seront toujours les victimes, à moins
qu’un « castor » miraculeux (Simone de Beauvoir) ne vienne
reconnaître votre talent, croire en vous, vous porter à bout de bras, vous
soutenir financièrement discrètement jusqu’à ce que l’opinion publique vous
reconnaisse à son tour.
« Violette » est un film à voir impérativement, un
film qui témoigne de l'importance morale de l'autofiction, le récit de soi
comme exutoire moral des dysfonctionnements du temps. L’auteur est un prophète
laïque qui est habité par des révélations. Lorsqu’il semble intégré, il fait
son petit travail de sape, de rongeur, car il n’y a pas pire société que celle qui
se vautre dans la certitude de ses principes légitimes ; bref d’une
société persuadée d’être dans le juste. Berk.
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