vendredi, novembre 08, 2013

"Violette" le film, Violette Leduc et quelques pensés sur le statut d'auteur


Scène de "Violette", de Martin Provost
« Et puis m… », comme le disait Katia, le travelo du « Père Noël est une ordure ». « Vous êtes myope des yeux, myope du cœur, myope du cul ! ». Je vous avais promis des billets mesurés, très corrects, très comme il faut dans ce blog mais ce serait me dédire et renier ma capacité à m’indigner. Je ne suis pas un auteur … ou plus un auteur qui se « révolte », promo oblige, à coup de « cul, bite, couille, nichon, etc. », et je ne serai jamais de ceux qui posent complaisamment avec leur jeune progéniture ou leurs tatouages, qui racontent leur alcoolisme ou leur toxicomanie,  qui affectent un style néo-célinien parce que « fuck la syntaxe ». Cette demi-mesure à visée commerciale de la littérature me fait vomir. J’en ai pris conscience l’autre soir, dans une salle obscure, « Violette » de Martin Provost, ou la vie de Violette Leduc. Je connaissais cette autrice par « L’Asphyxie », son premier roman, autofictif, comme toute son œuvre. J’avais acheté ce titre d’occasion, dans une librairie … du Marais, je n’étais même plus un vieil ado, le souvenir de la lecture de ce roman se superpose à une visite du « Musée Carnavalet », l’une des scènes décrite dans « Tous les États de la mélancolie bourgeoise ».
 
« Violette », donc, une écriture cinématographique narrative efficace, un gros travail de décors et de costume, une ligne claire au service du récit d'une époque, illustrant la complexité des mentalités d'alors, sans manichéisme. Une galerie de portraits aussi, Jean Genêt et sa bringue perpétuelle, Maurice Sachs alias le scandaleux et mondain, le collabo négligemment liquidé dans un camp par un SS, à défaut d’avoir été sommairement jugé et exécuté par les FFI. La littérature n’a qu’une morale : la sincérité du témoignage, la qualité du verbe ; le reste n’est que conjecture. Les auteurs sont des gens de conviction au-delà de l’idéal social de l’époque, tant sur un plan politique que sur celui de l’orientation sexuelle.
 
Emmanuelle Devos tient certainement ici son grand RÔLE. Violette est touchante, brouillonne, un peu faiseuse, sensuellement affamée, un rien vénale, insoumise dans tous les cas. Et Sandrine Kiberlain nous rend la frigide Simone de Beauvoir sympathique, un tour de force ! Le récit n’a rien d’arrangé, d’artificiel. Le contexte politique est esquissé, on sait que l’on sort à peine de la guerre, que ceux d’en bas sont et seront toujours les victimes, à moins qu’un « castor » miraculeux (Simone de Beauvoir) ne vienne reconnaître votre talent, croire en vous, vous porter à bout de bras, vous soutenir financièrement discrètement jusqu’à ce que l’opinion publique vous reconnaisse à son tour.
 
« Violette » est un film à voir impérativement, un film qui témoigne de l'importance morale de l'autofiction, le récit de soi comme exutoire moral des dysfonctionnements du temps. L’auteur est un prophète laïque qui est habité par des révélations. Lorsqu’il semble intégré, il fait son petit travail de sape, de rongeur, car il n’y a pas pire société que celle qui se vautre dans la certitude de ses principes légitimes ; bref d’une société persuadée d’être dans le juste. Berk.

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