Cette fois-ci,
j’ai choisi la banlieue, une jolie banlieue propre sur elle, le charme d’une
banalité cossue, un hôtel confortable et clair, à cinq minutes de la gare
d’Alstetten. Je suis venu à Zürich mener ma bonne vie allemande faite de choses
communes. J’ai pris un train de banlieue, ai rejoint mon hôtel, ai préparé mes
affaires, aller au fitness, pas très loin. J’en suis sorti vers 18h30. J’ai
fait quelques courses sur la Lindenplatz ; j’ai même dîné à la cafétéria
de la Migros, fermeture à 20h en semaine.
Je suis
brièvement repassé à l’hôtel avant de prendre le tram 2, direction
Tiefenbrunnen. Je suis descendu à la Sihlstrasse, puis traverser la Limat, je
vais au cinéma, Froschstudio, voir « Ma vie avec Liberace ». Au
retour, j’ai un peu marché par les rues déjà silencieuses. Je me suis à peine
souvenu … les milles vies que j’ai traversées et que j’ai portées à Zürich.
Avec l’âge et la fatigue, le souvenir semble se pétrifier, se densifier sous
son propre poids ne laissant que peu d’éléments sensibles. J’ai repris le tram
2 sur la Bahnhofstrasse, direction Farbhof. J’ai regardé défiler les rues,
rappelant quelques faits à ma mémoire, comme le motif d’une tapisserie. Sans
plus. Je crois que Zürich a perdu la bataille, ma préférence va résolument à
Bâle.
Zürich est trop
chic, trop apprêtée, trop poseuse. Je n’ai plus la force de me mettre en scène.
Au fitness, j’ai été frappé par l’attitude des garçons, tous si préoccupés de
leur personne, se regardant sans cesse dans le miroir, comme s’ils cherchaient
à se séduire eux-mêmes. A Lausanne, à Morges ou Genève, cette attitude a cour
aussi mais pas avec le même sérieux, la même tension, ni la même durée. A
Zürich, dans ce fitness de banlieue, même les garçons quelconques sont
« travaillés » (épilés, solariumés, parfaitement coiffés, tatoués et
portent tous des baskets neuves de marque). J’avais déjà remarqué ce trait
zurichois, mais dans le centre, pas dans une zone semi-industrielle où les
kebabs se disputent le trottoir avec des ateliers de design.
Etrange atmosphère
discrètement opulente, confortable et oppressante. Je pense à Fritz Zorn,
évidemment, je goûte au silence parfait de la nuit. J’ai rouvert l’un des
stores, observer un bel arbre au dehors, depuis mon lit. Il y a encore dix ans
de cela, je louais des chambrettes dans le centre, avec salle de bain et
toilettes sur le palier. Je fréquentais le T&M, le bar Pigalle et une
dernière bière à l’Odéon. Je vivais chichement et j’écrivais de l’autofiction
avec feu. C’était bien à Zürich. Je dois faire un effort pour ajuster des
sensations à ces évocations. Mon sang s’est peut-être refroidi, je n’ai plus la
chaleur nécessaire afin d’animer cette ville.
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