Cour intérieure, 9 W 120 str, NY |
Il est à relever
que j’ai voyagé avec des compagnons aux goûts plus … « communs » que
les miens ; mon séjour eût peut-être été différent avec d’autres.
New-York, donc, en dépit de mes préventions à l’encontre des Etats-Unis et de
la culture anglo-saxonne. Huit heures d'un vol agréable, atterrissage à 20h20, attente à la douane, les questions décousues d'un officier de l'immigration puis un taxi sauvage pour la 120ème ouest, au croisement de Lenox.
Une maison de trois étages, en briques rouges, un perron au sommet d’une volée
d’escaliers. Tout le segment de rue est du même style, réminiscence de la bonne
vie bourgeoise d’avant la crise de 29. La nuit est étonnamment silencieuse.
Lenox avenue a été rebaptisée Malcolm X boulevard.
Dans la lumière
du lendemain, une lumière atlantique, à la « Hopper », se détachent
de belles architectures sur un ciel ultra-bleu. South Harlem a des airs de
capitale européenne à la fois faillie et au début d’un renouveau. Six rues plus bas, Central Park, ses
promenades, bassins et fiacres, ses réverbères Art-Nouveau. Toute la ville,
tout Manhattan s’organise autour du parc, un territoire au milieu du
territoire. Au Nord, c’est un terrain de jeux familial, bon enfant, des
messieurs un peu endimanchés avec leur chien et leur épouse, ces deux derniers
en surcharge pondérale ; au Sud, c’est une sorte de féérie cinématographique
dans laquelle chaque promeneur est figurant, voire l’acteur principal. Le
touriste à appareil photo qui crépite de flashs tient de la faune locale
particulière. On touche ici à l’un des éléments marquants de NY, son aspect
artificiel, voire « bidon ».
Encore quelques
belles images. Le thé au Waldorf-Astoria, le palace new-yorkais par
excellence ; la soirée d’opéra au Met, « A Midsummer night’s
dream » de Britten ; quatre heures de visites au Metropolitan Museum,
un portrait de jeune homme du Bronzino ; Bloomingdales et sa boutique
de Noël; Macy’s ; « Le Fantôme de l’Opéra » au Majestic Theater ;
un cosmopolitan au bar panoramique et tournant du Marriott Marquis, 48ème
étage. Et toujours cette lumière dorée. Un charme qui opère jusqu’au-dessus de
Woodburry Common, une mini cité de hangars déguisée en village balnéaire façon
Hampton. Une heure de bus du centre ville pour tomber dans ce piège où
consommer est la seule activité. Le cœur du problème.
New York est une
féérie et une forfaiture. Du carton-pâte, des toiles peintes grossières parmi
lesquelles gigotent d’assez mauvais acteurs. Ces gens ont de gros problèmes
avec eux-mêmes en dépit de leur « coolitude ». Etrange peuple qui a
si peur des « cabinets », cuvette surbaissée et porte anecdotique.
Impossible, comme dans le reste des États-Unis, d’avoir la moindre intimité
dans les toilettes des lieux publics. Les New-Yorkais ont un souci d’eux-mêmes
quasi névrotiques. Toute la population est obsédée par sa ligne, les autorités
s’en soucient aussi. On ne vous sert que du sans-sucre allégé et sans sel. Je
soupçonne même l’industrie agro-alimentaire locale de rajouter de la fibre
alimentaire dans tout et n’importe quoi. Une femme, que j’avais dans mon champ
de vision, Dunkin Donut, et qui vidait quatre à cinq sachets de sucre dans son
mug de café s’est sentie visée et s’est mise à vociférer à mon endroit qu’elle
aimait le sucre et alors !
A New York, il
n’y a que des procédures et surtout pas de libre arbitre. On suit les règles sans
se poser de question parce que ces règles ont été édictées par une autorité
supérieure donc indiscutable. On est aimable, parce que c’est commerçant et,
derrière le sourire forcé, la fatigue, l’ennui, ne surtout rien laisser
paraître, comme un portier, dans les toilettes du Pierre, en train de dormir
debout qui, lorsqu’il s’aperçoit de ma présence, se ressaisit, affiche un franc
sourire et me salue en me demandant comment je vais. Merci, je vais plutôt bien
et souvent, rapport à la fibre alimentaire, j’y ai même laissé deux kilos et
suis fatigué de manger non-stop afin de répondre à ma sensation de faim. Je
m’étonne moi-même d’avoir autant d’appétit dans cette ville vénale à vomir.
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