Dans son dernier roman, Quentin Mouron pousse un cri d’amour
à l’adresse de Proust, des Belles Lettres et de la littérature romande. Il ne
livre pas la chose platement mais la distille à travers le personnage d’un éditeur
genevois en vue, Morel, un homme désabusé et aigri. Certains y ont vu matière à
polémique. Toutefois, Mouron, avant d’épingler les cénacles culturels, la
presse, les journalistes parle avant tout de lui-même. Par le réquisitoire
acéré qu’il prononce contre ce milieu honni, il se condamne en tant que membre
à part entière et confesse ses fautes à ses lecteurs. Par ses macérations
métaphoriques répétées (je parle de la pratique religieuse et pas d’un cornichon au fond de
son bocal), il semble expier l’artificialité de la position d’auteur,
la vanité de faire partie de l’élite culturelle, un attachement chauvin à un
terroir, l’impuissance de l’écriture face au malheur, au mal. Mouron a l’amertume
des grands sensibles. Il veut à la fois jeter le masque et, en dépit de cette inconvenance, être
aimé, d’une manière encore plus vraie que les pauvres personnages de sa « Combustion
humaine », qui s’envoient parmi et à travers les réseaux sociaux des « cœurs »
et des « licornes ». Il est intéressant de relever que ce dernier
motif, symbole de pureté, revient de manière plus que régulière ; l’auteur
en fait même une fixation.
Quentin a-t-il commis quelques maladresses dans ce texte ?
Si je vous dis non, vous ne me croirez pas arguant que nous nous connaissons,
que nous avons publié et publierons peut-être encore dans la même maison. Qu'importe. Ainsi qu’il le dit, en Suisse romande, tout le milieu littéraire
se connaît. En outre, de par sa jeunesse et son talent, notre auteur a une très
belle marge de progression devant lui. Son troisième roman est certainement le
plus achevé. Derrière sa confession-condamnation, l’auteur mène une réflexion
et une analyse très fine de l’impact de facebook et twitter qu’il contrebalance
par une observation naturaliste de la rue genevoise. On rit beaucoup, d’un
rire mauvais, ce qui en rajoute à l’envie de poursuivre la lecture de ce court
roman.
Quentin Mouron a désormais choisi la voie difficile et pierreuse
d’une littérature typiquement romande. Fini les espaces canado-étatsuniens !
En ne situant pas son intrigue dans une bonne ville francophone quelconque mais
en la plaçant sur les rives du Léman et le reste de la Romandie, notre auteur témoigne
ainsi de sa volonté d’appartenance. Il cite des noms, des lieux, des
circonstances tout à fait réels afin de mieux s’enraciner. Il reprend la figure
du prophète local, rôle tenu par Chessex en son temps.
Une phrase du texte me semble résumer l’esprit du tout : « La véritable solitude, c’est de ne plus être cher à personne. »
"La Combustion humaine", par Quentin Mouron, chez Olivier Morattel éditeur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire