Marine Vacth |
Si je savais me vendre … Si j’avais encore cet à-propos
badin … Poser, parler de soi en mine de rien, juste l’air de ne pas y toucher,
et glisser les fausses questions ingénues, « que vais-je mettre pour la
table ronde ? » ou « vais-je offrir un exemplaire à Mme la
conseillère, un petit mot sur le vif, à l’occasion de la soirée
officielle », et les séances de dédicaces, et le dîner des auteurs, et
vite lire le texte de X, le roman de Y, le dernier succès de Z, bof. Je vais en
profiter pour acheter le dernier Lador, Chambranles
et embrasures, cher Pierre-Yves, cher ami à la faconde baroque, et planquer
l’objet avant qu’il ne disparaisse, comme tous mes Lador, en promenade de-ci,
de-là à travers la bibliothèque des amis. Pour la table ronde, je vais mettre
mon pantalon rose, Ralph L***, acheté à Copenhague, du Ralph L***, ça fait
toujours fils de famille bien avec lui-même, exactement le propos de mon essai –
« Tous les États de la mélancolie bourgeoise » au cas où vous l’auriez
oublié – et j’irai échanger quelques mots avec Mme la conseillère et M. le
syndic, on se connaît, d’il y a vieux temps.
Je ne sais pas me vendre, je sais toutefois reconnaître un
bon film, « Jeune et Jolie » de François Ozon. Le propos semble
banal. Une jeune fille, très belle, vend ses faveurs. Son commerce est
découvert alors que l’un de ses clients meurt auprès d’elle. Déjà vu. Mais
Ozon, le petit récit sous-jacent, une façon de partager l’intimité de ses
personnages, des êtres d’exception. Isabelle, incarnée par la sublime Marine
Vacth, ou la jeunesse d’une déesse. On retrouve presque entre Isabelle et son
frère Victor (Fantin Ravat) la complicité de Paul et Élisabeth, les héros de
Cocteau dans ses « Enfants terribles ». Isabelle découverte se révèle
à ses proches, dans toute la puissance de sa jeunesse, de son non-conformisme,
de sa beauté, de sa sagesse sibylline, sorte de Diane impudique. Charlotte
Rampling dans le rôle d’Alice, la veuve du client décédé, vient parachever le
film, un rôle de dix minutes, mais une présence qui va bien au-delà.
Pourquoi Isabelle se prostitue-t-elle ? Pour l’argent ?
Par goût du sexe ? Par effronterie ? Par indépendance ultime !
Elle s’appartient et sait se vendre, elle, au meilleur prix. Elle a la vie
devant elle, et ne se presse pas de répondre aux questions propres à son âge.
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