dimanche, mai 25, 2014

"Confession d'un repenti"

L’insatiable Lador nous confesse sa boulimie, sa voracité dans son dernier opus, « Confession d’un repenti », sorte de vaste inventaire d’un menu perpétuel et gargantuesque. Tout serait dit, entre deux mille-feuilles, un baba et autre cochonnerie sucrée. Je ne suis pas très dessert, pas très petite pièce chichiteuse à la mousse de je ne sais trop quoi vendu quasi le prix d’un plat du jour. Et l’ascétique Pierre-Yves se dévoile en avale-royaume, gobant (berk, berk, berk) des saladiers de … glace (j’ai aussi horreur de la glace), sans parler de quelque frometon baveux (je ne suis non plus pas très fromage qui fouette) qu’il a englouti auparavant et, sommet de l’horreur, il bâfre encore de la bonbonnaille (là, il faut que je prenne un motilium). Il faut vraiment que la confession fût puissante, talentueuse et brillante pour que je parvinsse à lire jusqu’à la dernière ligne.

Lador a-t-il forcé le trait ? Peut-être, comme souvent dans l’autofiction, et la bonne. L’auteur est contraint de prendre la pose et d’une manière stéréotypée. Quel âge a-t-il ? Celui de ses artères ! Il est donc encore dans la fleur de l’âge. Il estime toutefois être sorti de l’âge des excès. Et il les confesse tous ! Il les survole dans un catalogue exhaustif et pointu. Il a décidé d’être discret quant au sexe. Pierre-Yves Rabelais, Gargantua Lador, en parfait gentleman, aime trop les femmes pour les compter parmi les plats se succédant à sa table infinie. La sensualité n’appartient pas au registre boulimique, métaphore d’un monde contemporain auquel l’auteur a souscrit avant de le confesser. Il est des domaines dans lesquels PYL ne s’est pas laissé séduire par la tarentelle effrénée du temps comme il va. L’époque, du reste, ne jouit plus ! elle consomme, bâfre, s’empâte et finit par se faire vomir, anorexie. Entre le souci de son image, les soldes, le flot de l’information et la nécessité de savoir ce qu’il faut penser, l’époque n’a plus le temps de faire l’amour, et elle n’est pas celle que nous croyons.


« Confession d’un repenti » ne tient pas du regard rétrospectif jeté par un vieux sage désabusé sur la déroute des temps, du genre « avant c’était mieux ». Lador se contente de glisser un « avant c’était meilleur » et de s’interroger sur la production de masse et sur les effets de l’âge aussi. Il n’a pas vu son temps passer, il le mesure à ses capacités digestives. Touchant, précieux, écœurant, le livre nous raconte, mieux que Ramuz et Chessex ne l’ont jamais fait. Par « nous », j’entends les Vaudois et les Romands par extension. Lador est toujours dans la course sans n’avoir rien sacrifié aux modes. Il réalise l’équilibre subtil entre mémoire et expérience contemporaine. Lador mange un carac, explique ce qui l’a mené à le manger et évoque bien soixante ans de souvenir de carac. 

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