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dimanche, novembre 23, 2014

Cinéma Bellevaux, extrait du "Cahier vert"

Hier soir, le 22 novembre

Pourquoi partir alors que la brume, une brume d’automne, magique, piquante, enveloppante dans la jeunesse de la nuit … Je suis descendu du 3, à son terminus, Bellevaux, une soirée dédicace, les nouvelles publications de l’un de mes éditeurs. J’y vais pour m’occuper. Cy. tape le carton après une fondue avec ses amies du théâtre. Le « vernissage » se déroule dans un cinéma indépendant, je ne retrouve plus le chemin, j’aurais envie de me perdre pour une heure dans ce cadre familier et étranger à présent mais cette nuit dont la texture est tressée de légendes, de contes, de merveilles dans les hauts beurk de la ville où les bâtiments portent d’étranges noms, où je découvre des cafés, des tea-rooms et, même, une épicerie merveilleuse ouverte en soirée. A peine dix minutes plus tard, je retrouve le cinéma, Stéphane qui entre quasi en même temps que moi, chargé du grignotage du cocktail ; j’aimerais encore marcher dans le petit bout de conte que je me tricote, encore une bonne demi-heure, mais j’y suis et Maude, Alexandre, André ; et le maître de céans, Julien ? Serge ? Je ne connais pas son nom, je bois quelques verres et l’interroge sur la « résurrection » du cinéma. Il vend bien son projet, je vais devenir membre de l’association de soutien, 30.- de cotisation annuelle, trois fois riens pour une bonne action et je trouve mon interlocuteur sympathique ; il a la taille serrée dans un blouson style perfecto de toile noire, la main fine, les traits délicats, le teint diaphane. Olivier est arrivé avec Jean-Luc. Olivier est descendu de La Tchaux. Les auteurs présentent leur texte. Plein de jeunes gens, jeunes filles dans la salle ; je n’ai pourtant pas tant bu, je les trouve tous beaux. Peut-être un effet des granules homéopathiques que j’ai prises en chemin, Gelsemium, histoire de me préparer à l’intervention de lundi matin, des histoires de sinus, narcose complète, etc. J’aurais encore moins de liberté de manœuvre qu’en une semaine de croisière de blaireaux de luxe avec le risque de me retrouver mort, aveugle ou con ! dans un état qui compliquera radicalement la poursuite de ce cahier vert.

            Je parle un peu clubs pointus, son électronique et Berlin avec Thibault. Auparavant, nous parlions de Foenkinos avec Olivier et Maude, je partirai après avoir parlé de séduction et de lieux de pratiques sexuelles gays avec André et cette charmante jeune fille dont je ne me rappelle pas le nom mais le visage. Un garçon brun, yeux bruns, barbe brune lui caresse la cuisse. Je me tiens arc-bouté entre les dossiers de deux rangées de sièges, un genou sur un accoudoir. Le garçon brun a un regard pétillant. Comme ils sont tous jeunes ! Je me décide enfin à partir. Julien ? Serge ? le jeune homme au perfecto m’interpelle par mon prénom, me tend ma carte de membre de l’association de soutien du cinéma sur le pas de la porte. Je compte revenir. Dehors, je retrouve le charme singulier de cette nuit, j’attrape le 8 au vol, une clientèle d’usagers populaire, variée, métissée selon l’expression consacrée. Dans le demi-jour du bus, des brillants étincelaient délicatement aux oreilles d’un jeune père, sa fille dans un pousse-pousse devant lui ; elle porte aussi de petites boucles d’oreille. La mère est assise un peu plus loin, ses grands yeux sombres sourient. Dans le cinéma, la lumière était basse aussi ; elle brillait de la même intimité que cette nuit. Je n’avais rien préparé de ce voyage. Je me suis décidé à faire un saut, rencontrer des amis, des connaissances, mes éditeurs. Je suis monté dans le 3 au sortir de la gare et, alors que le trolleybus roulait vers sa destination, je me suis replongé dans ma lecture, un inédit de Gracq, « Les Terres du couchant », un voyage aussi, une quête sans appel à l’extrémité paradoxale d’un royaume trop vieux, et des monts, des vallées, des forêts, des rencontres aussi. Faudrait-il choisir entre Bögli (je parlais de la voyageuse et autrice suisse Lina Bögli au début  de ce chapitre), Gracq ou blaireaux de luxe comme entre les voyagistes truc, chose et bidule ? Le plus amusant, je m’étais promis, sur le chemin du cinéma Bellevaux, de réfléchir pour moi-même à la ville où je voudrais m’installer, d’ici cinq ans, une petite idée, pas forcément Berlin mais, ravi par cette nuit de sobre merveille, cela m’est sorti de l’esprit. Je me déciderai demain matin. 

lundi, avril 21, 2014

Chronique familiale


La ferme Vallotton, à Valdosta, Georigie
Un parent américain était de passage en Suisse romande durant la semaine sainte. Ce « cousin », un Vallotton des Etats-Unis, m’a annoncé son arrivée via un réseau social. Malheureusement, j’étais à Berlin dès l’avant-veille de son atterrissage. Tout au long de cette semaine, de messages en messages, j’ai suivi ses péripéties et me suis reconnecté avec certains de mes parents vaudois perdus de vue. J’ai de plus conseillé à Jerry, mon « cousin » d’Outre-Atlantique, la visite de Vallorbe, notre berceau familial. Jerry est à la recherche de « the right line », à savoir la branche suisse dont il est issu. C’est ici que l’histoire prend un tour … historique. Je pensais que les Vallotton des Etats-Unis étaient débarqués au début du vingtième siècle, parmi les cohortes de va-nu-pieds  venus chercher une meilleure vie loin du vieux continent. Que nenni ! Jerry m’a raconté l’histoire de trois frères Vallotton arrivés sur le nouveau continent en … 1732, dans l’Amérique d’avant les États-Unis. On trouve surtout la trace de Jeremiah Oliver Vallotton, marié à Elizabeth Landry, dont les fils se sont battus contre les Anglais durant la guerre d’Indépendance. Ces Vallotton se sont établis à New York puis Savannah. La société historique de Géorgie cite James Vallotton, né en 1753, mort en 1805, elle possède même une corne à poudre marquée à son nom. Elle garde aussi le souvenir de son frère David, mort à fond de cale d’un vaisseau britannique durant la guerre d’Indépendance.

Jerry vit en Californie mais il y a dans tous les Etats-Unis des centaines d’autres Vallotton, conservant pieusement le souvenir du Pays de Vaud, de leurs origines, collectant tous les renseignements possibles à propos de l’histoire de la terre de leurs Ancêtres. Cette ouverture américaine, le Sud, la Géorgie, Savannah me renvoie à l’univers de Julien Green, à une certaine lumière, un art de vivre suranné. J’ai fini par rencontrer Jerry, juste avant son départ pour l’aéroport, samedi de Pâques, 7h, à son hôtel, Yverdon, parce qu’il n’avait pas trouvé à se loger à Vallorbe. J’ai rencontré un homme charmant et chaleureux, riche de tout ce qu’il avait vu en Suisse, prenant des notes, et encore plus heureux d’avoir rencontré ses « cousins ». Il a fait de moi, incidemment, le membre d’une tribu internationale, pour ne pas dire universelle. Il a même réenchanté mes origines. 

jeudi, mai 23, 2013

Coming home


Vue du port militaire de Morges. Je le vois
depuis nos fenêtres
Paris me manque, Saint-Eustache, les Halles, celles que j’ai connues avec leurs terrasses fleuries, pyramide inversée. Barcelone me manque, la promenade sur le front de mer, jusqu’à la « Playa Tchernobyl », la messe à San Augustin et un café à la pâtisserie en face, ou un « bocadillo con jamon cerano », et le café Mauri sur la rambla de Catalunya. Berlin me manque, les cafés de l’Akazienstrasse, le cinéma Odéon, le café Atalante à Steglitz. Et Bordeau me manque, et Montpellier, et Stuttgart, Quimper, Bruxelles, Soleure …
 Je suis de retour, de retour à Morges, chez moi. Nous avons déménagé il y a une semaine avec Cy. Je retrouve petit à petit tous les paysages de mon enfance, et des habitudes qui ont forgé mon goût pour mes mille villégiatures. Ce dimanche, je suis allé assister à la messe de 18h30, à la Longeraie, le quartier de Préllionnaz où j’ai grandi. A l’époque, la chapelle était tout le temps close et je n’étais pas encore baptisé.
 Parmi cette révolution quasi copernicienne, les cartons, les mille tracas domestiques, j’en ai perdu de vue mon dernier, « Tous les Etats de la mélancolie bourgeoise » et son vernissage le jeudi 30 mai, avec les quatre autres auteurs des pamphlets Hélice Hélas 2013.
 … il se fait tard, rompons ici, prenez note de notre rendez-vous, au café le Sycomore, rue des Terreaux, à Lausanne, dès 18h, le 30 mai. Il y aura des lectures et une belle compagnie.

mercredi, avril 24, 2013

Pas grand chose / Alex Beaupain

Alex Beaupain
« Quel malheur de parler français ! » Regard interrogateur de Cy, déclaration vérité sur une route de campagne, une heure du matin passé et Alex Beaupain sur France Inter. Il est tard, après une longue semaine, mais je suis sincère et sens sur moi le sortilège mélancolique de cette culture française (la culture suit la langue) qui n’en finit pas de s’éteindre dans les tous derniers éclats de la mitterrandie, un ultime sursaut universaliste.

Tous les transits à potron-minet ne m’offriront jamais la moindre possibilité de fuite ; Berlin même ne me libérera jamais du joug du français, de cette langue admirable et triste que je maîtrise avec aisance, élégance et passéisme. Je sais que violenter la grammaire ne sert de rien, réaction désespérée de jeunes auteurs, chiens fous littéraires qui tirent rageusement sur leur chaîne. Et la voix douce, légèrement dissonante, le ton affecté d’Alex Beaupain qui me racontent mon exil intérieur. Jamais je ne partagerais la jeunesse de la culture allemande, sa vitalité ni le succès bon-enfant des sociétés anglo-saxonnes, cette manière de s’offrir au monde et de le bouffer avec appétit.

Quel malheur de parler français, d’être pris dans les filets d’un certain état d’esprit, une logique dont j’essaie de me défaire depuis dix ans, depuis ma rencontre avec Berlin. Autant se le dire : aucune échappatoire n’est possible. Au mieux, je serai juste un naufragé que l’onde renverra sur les côtes de cette culture au charme si délicat, photos jaunies, clichés doucereux et proustiens, thé, madeleines, Art Nouveau, après-midis fleuries. Et des larmes sucrées …