Sincèrement,
il est des plus embarrassés. Il pourrait juste « s’en foutre »,
laisser pisser, etc. mais cette vie dans la double monarchie le touche, les
petits riens, les « petites gens », expression que l’on employait
avec un peu de paternalisme mais de l’affection aussi. Il sait que tout va
basculer, et une seconde fois en 39, et l’incrédulité, et l’hédonisme finiront
de tout lessiver dans les années 60. Il est nu, dans son cabinet de travail, le
jour perce faiblement à travers le brocard de lourds rideaux. Il est nu parce
que, dans son lit, sommeille une maîtresse, pas sa cousine mais une autre
femme, très portée sur le sexe, la sensualité, une nymphomane ou, plus
exactement, une hystérique selon la dénomination freudienne. Ce serait un cas à
étudier, intéressant mais Stéphane n’a pas la science suffisante, dans ce
domaine du moins. Il sent qu’Ulrich est un intellectuel de haut vol, une calure
qui se cache, qui s’est peut-être absentée de lui-même, volontairement. Du
coup, il est pleinement Ulrich. Partant de l’idée que Stéphane souffre de
troubles mentaux, il serait donc capable d’états auto-hypnotiques à caractère
thérapeutique, des sortes de fugues d’instinct. Dans cet état qui va nommer
« état Oméga » en opposition à un état de veille standard dit
« état Alpha », son esprit serait capable soit de 1.divaguer,
2.voyager dans le temps ou 3. Voyager dans des dimensions parallèles. Dans les deux
derniers cas, cela supposerait un passage par l’antichambre de l’inconscient
collectif, inconscient organisé de manière chronologique et/ou
thérapeutique ? Quant à la divagation, il s’agit peut-être d’une forme de
transit en mode « random », comme le défilement d’images sur un écran
à partir d’un fichier, ou le choix de morceaux de musique. Le hasard n’existant
pas, cette « divagation » représenterait un motif à décrypter soit à
l’aide de la … poésie !
Ulrich entend du bruit, il devine le
froissement d’étoffes, le pas de pieds nus sur le plancher. Il ne veut pas être
impoli, il va rejoindre sa maîtresse, Bonadea, l’aider à agrafer sa robe, lui
relever les cheveux alors qu’elle ajustera son col. A moins qu’il ne refasse
l’amour, Ulrich n’en sait rien, c’est une question d’épiderme, de stimuli
olfactifs, l’esprit ni la volonté n’ont grand-chose à y faire. Il retourne à sa
chambre et la trouve vide. Bonadea est certainement partie vexée, ou honteuse,
ou … C’est une femme à multiples facettes, une troupe de comédiennes à elle
seule. Ulrich s’attend toujours à découvrir un nouveau rôle. Il pense à ses
seize ans, il pense à la Grèce, il pense « et si le soleil ne se couchait
pas … plus ». Il a une image en tête, une corniche de pierre blanche, une
console peut-être, un élément architectural de style classique sur fond de ciel
bleu, ultra bleu. L’Ulrich d’origine lui fait tourner le regard vers un bronze,
posé sur une commode, un sujet antique, une copie, un jeune homme dans un goût
pédérastique, certainement un objet à la mode qu’un ensemblier décorateur mal
inspiré aura posé là suite à la livraison d’une chambre à coucher complète,
cadeau de la maison, et l’Ulrich d’origine se sera amusé du mauvais goût de son
fournisseur à chaque fois que son regard sera tombé sur … la chose ! Un
peu de bonne humeur gratuite. A relever l’excellente qualité de la literie. On
ne peut pas avoir tout faux sur tout. Machin-chose-Ulrich en était là de ses
pensées quand la sonnerie à la porte l’a rappelé à son état de parfaite nudité !
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