Sa
couverture est minable, ou totalement branque. Heureusement qu’ils ne sont pas
trop dégourdis dans les parages sinon il aurait été percé à jour après quelques
semaines. Il préférait sa précédente identité de « marchand d’art ».
Il en connaît tout de même un rayon sur le sujet, à présent. Et il trouvait ça
un rien plus chic que « flic retraité », et pourquoi pas les
pieds plats, tant qu’on y est ! Il est devenu un peu snob, ma foi, avec le
temps, une certaine conscience de soi et comme l’envie d’arranger son image. Il
a repris l’appartement du type gazeux et de son conjoint, et les tableaux, les
tapis, la vaisselle, le décor de vieille fille, et les petits chiens sont en
pension, pour un bon mois ; pour le reste, c’est une sous-location, deux
ans, on verra pour la suite. En haut lieu, au plus haut, on a voulu compenser
les menus désagréments causés par l’état de collaborateur externe informel et
non-consentant du type … gazeux de ce fait. On en a fait un élu du parlement et
conseiller spécial auprès du département fédéral des affaires étrangères. Il a
pris le mandat au vol, vient-ensuite. En ce moment, il est en vacances, avec
son homme, une croisière, peut-être gay, histoire qu’ils se détendent un peu en
couple … ou se retendent à plusieurs, question de point de vue. Stéphane vient
de rentrer de Berlin, l’un des petits chiens, le mâle, inspecte son bagage, la
petite femelle pour fêter son retour lui montre comme elle danse bien, une
vraie petite ballerine les pattes avant relevées dans un ovale gracile
au-dessus de sa tête, et elle tournoie. Stéphane ne sait jamais trop s’il doit
croire tout ce qu’il voit. Le petit mâle lui apporte un mot, dans sa gueule, le
responsable local des services « impériaux » qui s’est occupé de les
garder, arroser les plantes. Il souligne en PS que la petite Jade est très
douée pour la danse. Stéphane se dit qu’il n’a pas survécu pour rien, ç’aurait
été dommage de quitter ce monde sans avoir été le témoin des talents
chorégraphiques d’une femelle chihuahua ! Et comme il est bon publique, et
qu’il les aime bien, ces deux agents canins d’un genre particulier, il a
applaudi Jade. Lou’, le mâle, a fait les saluts.
Le séjour
ou la serre abrite des succulentes et d’autres variétés arborescentes dont les
feuillages s’écartent au passage de Stéphane qui se laisse tomber sur le
canapé. Il défera les bagages plus tard, à moins qu’il ne trouve ses affaires
retournées seules dans les tiroirs, sur les rayonnages et dans la penderie.
Son modèle,
son idéal était plus eigthies’, plus jazzy, plus « sexy ». Il se
serait bien vu en Remington Steel, la très belle gueule de Pierce Brosnan, sa
taille étroite de fille, les costumes toujours élégants, des brushings
impeccables et la répartie assortie. Et les voitures, des cabriolets, les
décors, de la moquette beige, partout. Son truc n’a rien à voir avec les belles
bacantes de François-Joseph. Stéphane a toujours nourri son « rêve
américain », un ailleurs où tout est possible, sur le papier du moins. Il
en était resté à une scène façon Sissi revival, un bastringue très officiel où
l’assistance recouverte de passementerie à rideaux attendait l’entrée de l’empereur,
un trône, la salle du trône, et tout un palais en faux vieux « à l’identique »
autour. C’était à Berlin. Il y avait … cette femme. Il se souvient de la jeune
fille qu’elle fut, il ne s’appelait pas encore Stéphane, il était encore
normal. Ça lui a tout de même fait quelque chose de la voir ; on lui a
expliqué qu’ils avaient eu une histoire, du très sérieux. On ne lui a rien dit d’autres.
Ça ne changerait
rien à la situation, de toute manière. Ça ne ferait que lui compliquer la
vie et l’alourdir de quelques regrets supplémentaires.
1 commentaire:
Que de rêves et images passantes, des situations romanti-réalistes avec une approche frisant de vécus mélangés de la couleur des songes. Bravo
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