Anne, Jules, Vivonne, Bibiche et Louis, évidemment Louis, et
Olympe, Mme de la Fayette aussi et tant d’autres, la jeune cour de Louis, le
quatorzième, un souverain pour lequel je n’avais pas de vénération
particulière. Il y a aussi l’auteur, Jean-François Kervéan, rencontré lors du « Livre
sur les quais » à Morges. Christophe Girard – auteur brillant, ma
prochaine critique, et maire du IVème arrondissement – tenait ab-so-lu-ment à
me le présenter. Le monsieur était sagement assis à un bout de table, un peu
embarrassé de lui-même, dans le voisinage très, trop proche d’auteurs à gros
succès. Christophe a fait les présentations, Kervéan m’a tendu la main, avant
tout soulagé de voir en Christophe un visage connu.
Un verre de vin à la maison, dans l’attente du dîner des
auteurs, nous avons fait un échange et quel bonheur d’avoir rencontré un auteur
aussi subtil. Le roman est tout à son image. Le lecteur rencontre les
différents protagonistes avec une sorte d’évidence cordiale. Les présentations
ont été faites et nous voilà dans l’intimité du tout jeune Louis, sa chienne
Friponne, sa gouvernante, une halte impromptue. Nous n’allons pas suivre le roi
soleil dans tous les aléas de son grand règne ; Jean-François Kervéan nous
ouvre aux secrets d’une jeunesse, d’un cœur, une rencontre et une liaison avec
Bibiche, la farouche et voluptueuse Marie Mancini, nièce du cardinal Mazarin.
Sont offertes au lecteur les minutes de la relation d’un don
Juan compulsif avec sa première maîtresse et quoi d’autre ? Kervéan brosse
le portrait d’un homme libre, loin de la pompe royale, béton prise rapide.
Louis-Dieudonné dans toute sa vérité historique devient … un ami, tout du moins
l’un de ses personnages que l’on est impatient de retrouver. La vérité de
l’homme ne nous est pas livrée par un auteur ou un historien mais par l’âme-même
de feu le grand souverain, d’où le titre, « Animarex », version latin
de cuisine. Le texte prend la forme d’une confidence entre cette âme – qui
vampirise l’auteur dont elle fait son nègre – et le lecteur. La trame narrative
supporte un tissage complexe, va et vient du XVIIème au XXIème siècle, le
Marais en décors commun, surpiqûre de quelques anecdotes colorées, la petite
histoire de « l’Hôtel de la Semence ». L’étoffe du roman est doublée
du taffetas léger, motif moiré, le récit de la réalisation du livre ; on
suit l’auteur, mise en scène, mise en abîme, effet miroir façon galerie des
glaces limite schizophrénique.
Ce n’est pas un livre de plus sur Louis XIV, un truc docte
et pompeux. Il se trouve que la relation contrariée, douloureuse dont il est
question, était celle qu’un jeune souverain a partagée avec la nièce impétueuse
de son « premier ministre ». Cela définit un cadre, un certain nombre
de contraintes, un motif imposé mais la langue de Kervéan est alerte, son
esprit pétille dans la description vivante de petits riens : détail des
menus, nom des animaux domestiques, surnoms divers et des lieux, des situations
authentiques car racontées par Mme de la Fayette, par des épistolaires et
autres chroniqueurs d’occasion. En cette année jubilaire de la mort du Roy, si
vous n’êtes pas abonnés aux romans historiques mais avez envie de lire quelque
chose sur le grand règne, votre ouvrage sera « Animarex » de
Jean-François Kervéan.
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