On parle si souvent de roman de la maturité ou de texte coup
de poing ou … que sais-je. « La nouvelle fuite à Varennes » est si
loin de ce genre de qualificatif ; elle connaîtra certainement peu de presse car c’est un roman honteux. Pensez
donc, de l’édition « participative » ! Cela veut dire que j’ai
payé le papier et l’encre, que j’ai fourni la couverture, une œuvre que Jacques
Bonnard a spécialement réalisée pour l’occasion. Le livre existe, sous l’isbn
979-10-203-0678-4 ; il est référencé et même distribué par Hachette, pour
pas cher, 16,50 euros en France, je ne sais pas pour combien en Suisse. Avec ce
titre, et un autre publié il y a bien des années, j’existe sur Amazon et,
peut-être, même à la FNAC des Halles, Paris.
L’histoire n’est pas facile, pas vendeuse, trendy, bandante,
main stream. Je m’en f… Je raconte le récit de la névrose quotidienne des
laborieux romands, secteur tertiaire, l’administration genevoise en
particulier. Mon héros, une héroïne, une femme anonyme de plus de cinquante
ans, célibataire, sans histoire, sans famille, banale. Ni violée, ni assassine,
ni vamp, ni philosophe à temps partiel entre les rayons d’une supérette, ni
salope divine faisant des trucs pas possibles avec de la courgette bio et
locale. C’est une femme qui a sa culture pour elle. Et de la décence. De la
dignité. J’ai passé beaucoup de temps à l’observer, de loin, ne pas interférer
dans sa vie, ne rien déranger, le monde est déjà bien assez bordélique. J’ai pu
prendre la mesure de sa détermination.
Il n’y a pas que cette femme, il y a « la grande
Adélaïde », l’aïeule parfaite, la femme de toutes les situations, passées à
travers deux guerres, de Vienne à Zürich, via Berlin et pas mal de
souffrances, dominées. Adélaïde, une sorte d’ « Angélique marquise des
anges » k und k. Elle, je l’envie, j’envie sa résolution mais je lui
préfère une certaine femme de plus de cinquante ans, en jupe écossaise. Je l’ai
filée à travers Genève, je l’ai suivie jusqu’à Constance, puis Berlin, elle m’a
même traîné à Dresde. Elle m’a appris à regarder … vivre la peinture, communier
avec la toile, vivre l’émotion de l’artiste. Je ne connais pas son nom. Nous
n’avons pas été présentés … mais elle fait partie de ma vie.
Je vous la raconte un peu, depuis le salon d’été et je me
souviens de ses premiers pas à travers mon manuscrit. J’écoute ce que
j’écoutais alors, Casserol Band, Under
sailor, le batteur du groupe était l’un de mes élèves. Je pourrais vous remplir
cinq billets à propos de cette musique, confidentielle, tant de talent, un rien
de naïveté, pas vraiment le son qui encombre les ondes. Je pourrais vous
raconter un retour de Constance en train, Cy. endormi contre moi, c’était une
belle journée d’hiver glaciale et transparente ; je pourrais vous raconter
les mois passés à rédiger ce texte, le bonheur à sentir grandir cette réalité, ce petit
morceau du monde et les rebuffades, les camouflets, la petite histoire d’un
texte que j’ai fini par porter et en accoucher seul. Je ne connais même pas le
nom de mon héroïne, je n’ai jamais osé l’aborder, ne pas troubler cette femme
tout en mine de rien et pourtant ! Elle m’est presque devenue une parente
selon le schéma improbable des familles croisées, recomposées.
Je la revois, sereine, heureuse, quelques amies autour
d’elle, une réception à la Villa Mon-Repos, au milieu du parc ; les extras
lui font du plat en dépit de ses cinquante ans et plus. Elle y répond avec ce
qu’il faut de coquetterie. Elle est vraiment heureuse. Elle a su surmonter
toutes les « contradictions de la vie » comme son aïeule par
alliance, la grande Adélaïde.
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