mardi, novembre 11, 2014

"La Lueur bleue" de Stéphane Bovon

L’œuvre de Stéphane Bovon est du pain béni pour le critique littéraire : une bonne quinzaine d’angles d’attaque s’offre à lui afin d’entrer dans le texte, en l’occurrence dans « La Lueur bleue », second opus de la saga « Gérimont ». Bovon fonde un genre nouveau, une sorte d’ « Ecole de Savièse » littéraire tendance ironique kitsch. L’univers de Gérimont peut être regardé comme une caricature de notre quotidien et le but de la caricature est de rendre les défauts à gros traits, de nous révéler nos manquements à la manière des révélations du fou du roi.

Bovon ou l’ethnographe de notre Romandie future fouille dans notre inconscient de latins mêlés et met en scène nos disparités. Il invente une géographie post-cataclysmique, une société à la Huxley dont il nous a expliqué la logique dans « Gérimont », texte fondateur de la suite en devenir (dix volumes prévus). « La Lueur bleue » débute par un enterrement dans le plus pur style pathétique protestant ennuyeux, une célébration mortelle mais prend vite un tour aventureux. Nous avions laissé Shriptar fasciné par d’étranges processions dans un pré gérimontais, autour de pierres levées, du mégalithe local. Il y sera retrouvé mort. Sa veuve, Xixa, va vouloir mener l’enquête et se rendre sur l’autre rive, à la poursuite d’une sorte de secte, des assassins de son mari et, accessoirement, à la poursuite de la vérité.

C’est ici que le scénario prend un tour à la « Indiana Jones » ; Xixa traverse mille et une épreuves : naufrage, empoisonnement, ours, faim, soif, ronces, loups, tentative de viol, crétins des Alpes. La totale ! Le trait est épais mais le suspens fonctionne, le lecteur trébuche avec l’héroïne sur les lieux communs de la quête mystérieuse assumés avec talent, humour et décalage. Bovon est un gamin lettré qui offre une bonne dose de jeunesse à son lecteur. Et ça marche ! On palpite jusqu’au dénouement érotico-mystico-improbable d’un « fight sex » très, très, très chaud. Ajouter à cela les illustrations nombreuses de la main même de l’auteur et vous obtenez une œuvre singulière que d’aucun trouverait moins percutante que le prime opus du projet. Il faut donc considérer « La Lueur bleue » dans la perspective d’une suite.


Dernier point, pas des moindres, Stéphane Bovon qui aime jouer les hurluberlus littéraires romands n’en est pas un. Son projet revêt une dimension philosophique profonde, il travaille à la perpétuation d’un esprit romand et, surtout, d’un esprit vaudois, faisant la part des choses entre toutes les influences passées et présentes qui nous traversent. Il nous promet une fresque en dix volumes, plus que huit, et je compte même, si l’auteur me le permet, lui offrir une exégèse dans un onzième volume « off ».

Aucun commentaire: