L’œuvre de Stéphane Bovon est du pain béni pour le critique
littéraire : une bonne quinzaine d’angles d’attaque s’offre à lui afin d’entrer
dans le texte, en l’occurrence dans « La Lueur bleue », second opus
de la saga « Gérimont ». Bovon fonde un genre nouveau, une sorte
d’ « Ecole de Savièse » littéraire tendance ironique kitsch.
L’univers de Gérimont peut être regardé comme une caricature de notre quotidien
et le but de la caricature est de rendre les défauts à gros traits, de nous
révéler nos manquements à la manière des révélations du fou du roi.
Bovon ou l’ethnographe de notre Romandie future fouille dans
notre inconscient de latins mêlés et met en scène nos disparités. Il invente
une géographie post-cataclysmique, une société à la Huxley dont il nous a
expliqué la logique dans « Gérimont », texte fondateur de la suite en
devenir (dix volumes prévus). « La Lueur bleue » débute par un
enterrement dans le plus pur style pathétique protestant ennuyeux, une
célébration mortelle mais prend vite un tour aventureux. Nous avions
laissé Shriptar fasciné par d’étranges processions dans un pré gérimontais,
autour de pierres levées, du mégalithe local. Il y sera retrouvé mort. Sa
veuve, Xixa, va vouloir mener l’enquête et se rendre sur l’autre rive, à la
poursuite d’une sorte de secte, des assassins de son mari et, accessoirement, à
la poursuite de la vérité.
C’est ici que le scénario prend un tour à la « Indiana
Jones » ; Xixa traverse mille et une épreuves : naufrage,
empoisonnement, ours, faim, soif, ronces, loups, tentative de viol, crétins des
Alpes. La totale ! Le trait est épais mais le suspens fonctionne, le
lecteur trébuche avec l’héroïne sur les lieux communs de la quête mystérieuse assumés
avec talent, humour et décalage. Bovon est un gamin lettré qui offre une bonne
dose de jeunesse à son lecteur. Et ça marche ! On palpite jusqu’au
dénouement érotico-mystico-improbable d’un « fight sex » très, très,
très chaud. Ajouter à cela les illustrations nombreuses de la main même de l’auteur
et vous obtenez une œuvre singulière que d’aucun trouverait moins percutante
que le prime opus du projet. Il faut donc considérer « La Lueur bleue »
dans la perspective d’une suite.
Dernier point, pas des moindres, Stéphane Bovon qui aime
jouer les hurluberlus littéraires romands n’en est pas un. Son projet revêt une
dimension philosophique profonde, il travaille à la perpétuation d’un esprit
romand et, surtout, d’un esprit vaudois, faisant la part des choses entre
toutes les influences passées et présentes qui nous traversent. Il nous promet
une fresque en dix volumes, plus que huit, et je compte même, si l’auteur me le
permet, lui offrir une exégèse dans un onzième volume « off ».
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