Nef de la cathédrale Notre Dame de Lausanne |
J’avais oublié la blondeur et le carmin des pierres de Notre
Dame de Lausanne ; j’avais oublié l’héritage catholique des temps jadis,
lorsque le Pays de Vaud et le diocèse de Lausanne vivaient sous le joug
d’autorités naturelles et bienveillantes. Jamais, je n’avais prêté attention à
la grâce et à la solidité des colonnes de la « Cathé’ », ainsi que l’appelle
de manière réductrice les protestants. Près du chœur, de part et d’autre, avant
que les travées ne viennent buter contre la voûte ogivale qui conclut la nef, il
se trouve deux colonnes corinthiennes qui évoquent des palmiers stylisés, un
petit air de Jérusalem, royaume chrétien d’orient. Lorsque, depuis la Riponne,
on se prend à regarder Notre Dame, flanquée d’un cèdre près de son parvis, on
peut se croire à Beyrouth.
Elève au gymnase voisin, je venais parfois chercher la paix
dans la cathédrale. Ses voûtes étaient sales, sa pierre morte, des graffitis
balafraient les cénotaphes, la maison était vide. Un hall de gare gothique et inutile,
sans indicateur des horaires ni train. On y rencontrait de rares touristes
hagards et des courants d’air. Le Maître était absent. Ai-je jamais été touché
par la moindre émotion religieuse en ce lieu en ce temps ? Je me faisais
l’impression d’un voyageur tentant de se protéger de l’averse sous la tôle
ondulée disjointe d’un abribus, halte très peu desservie.
Depuis 2009, l’Eglise protestante vaudoise, dans sa grande
sagesse, son esprit de partage œcuménique, son goût du dialogue, nous a autorisés
à réinvestir les lieux, à « resacraliser » Notre Dame, à y ramener le
Saint Sacrement à l’occasion de messes occasionnelles. Ce retour a coïncidé
avec une campagne de restauration des lieux. On a tenté de leur rendre leur
aspect original. Depuis, la Maison n’est plus vide ; une présence discrète
invite le visiteur au recueillement. L’autre soir, alors que j’assistais à une
Passion selon saint Jean donnée par l’Ensemble Baroque du Léman et un chœur J.S.
Bach de Lausanne, il m’a été permis de constater ce renouveau. Je n’ai
toutefois pu m’empêcher de me demander quand notre évêque serait définitivement
de retour dans la cathédrale de son diocèse.
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