Café Steinecke, à la Güntzelstrasse, dans son état originel |
Ce n'était pas un lieu très chic, ni d'une élégance très recherchée mais c'était un lieu authentique. On entrait par la boulangerie, son carrelage à damier noir et blanc, un comptoir aux verres bombées, une horloge prise dans l'étagère à pain puis la salle, avec ses petits guéridons de marbre éraflé, lourd pied de fonte, des chaises bistrots, assurément pas d'origine, des banquettes Art Déco tardif aux ressorts fatigués et les claustras canés de la vitrine, des appliques en laiton aux murs, un lustre hollandais dans le même style 30-40 et, dans une niche, un vaste portrait de femme Jungendstil, un décors de papier peint, une banquette dont les accoudoirs s'enroulaient à chaque coin de la niche. Je ne sais pas même si cet endroit se nommait "Café Steinecke" à son ouverture. Je ne sais pas de quand date ce tea-room. D'après les meubles, leur style, les aménagements, les stucs, je pense que cet établissement a ouvert ses portes durant la période de la République de Weimar. Ce lieu a survécu aux bombardements dans une ville détruite aux trois-quarts, il était porteur d'une histoire, de cette petite histoire des anonymes, la musique des rues berlinoises. Soit, les peintures étaient écaillées, des travaux s'avéraient nécessaires. Il n'y avait jamais foule mais toujours quelques clients. J'en avais même fait le théâtre d'une scène du roman que je vous ai servi sur ce blog, "Dernier Vol au départ de Tegel" et ce café Steinecke a disparu. Pire qu'une fermeture, on l'a "remis au goût du jour", c'est à dire que tout le mobilier original a disparu, les luminaires, le sol ... Tout a été refait dans ce genre cafétéria cosy et design où l'on mange de la boulangerie précuite et congelée. Peut-être que des victimes du régime nazi fréquentaient cet établissement, des victimes des bombardements aussi ? Ils sont morts à nouveau avec la transformation vulgaire et commune d'un lieu publique témoin de cette bonne vie d'avant.
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