L’auteur, afin d’exister, se doit d’être lisible. Il ne lui
suffit pas de produire du texte à caractère plus ou moins littéraire, il doit,
de plus, s’en tenir à une ligne, une posture. Il doit être aussi facilement
assimilable que n’importe quel produit de marque dans un linéaire de
supermarché. Prenons l’exemple d’un célèbre fabricant de cosmétiques qui, afin
d’habiller sa gamme de gel capillaire, s’est assez largement inspiré de
l’esthétique de Mondrian. Non pas de son œuvre mais de l’aspect général de
celle-ci : effet moderniste, technique et haut de gamme assuré. L’auteur
doit être pareil, facilement assimilable à un certain nombre de qualités,
donnant dans « le genre de … », c’est plus simple pour le marketing.
J’ai moi-même décidé de cultiver un genre, de me tenir à une
ligne, de m’associer à un archétype. Il ne s’agit pas du style d’jeune auteur rebelle
et sans syntaxe ni de celui de l’ex-noceur bogoss gay écrivain repentant à l’alpage et
revenu de la coke et des folles nuits que lui accordaient sa beauté passée. Il
ne s’agit pas plus du style romancier intello engagé en tricot difforme et conviction
écologisante à défaut des susmentionnées nuits d’ivresse et de débauche. J’inscris
mon inspiration, et donc mon œuvre, à la suite de Mauriac, Mann ou Green, trois
auteurs très catholiques et passablement gay. Ils sont surtout les témoins et
les analystes de leur époque. Ils en tirent un suc ensemencé par leurs
convictions personnelles profondes, distillé au fil d'un style impeccable.
L’archétype auquel j’adhère n’est toutefois pas … congruent.
Plus personne ne sait qui est Julien Green; quant à Mann et Mauriac, ils
vivaient leur homosexualité en un mode si mineur qu’on ne retient d’eux que le
Nobel de littérature qu’ils reçurent en 1929 pour Thomas, et 1952 pour François.
J’aurais dû rester dans une veine néo-guibertienne et chercher la trame de mes
récits dans les histoires de si peu d’intérêts du "milieu" hystérique et vain ;
j’aurais dû continuer de fréquenter les « Jungles », les
« Trixx » et quelques autres établissements ou soirées plutôt que de
fréquenter la messe, fréquentation qui ne me rend pas forcément aimable, évasif
et universellement positif. Difficile d’être lu lorsqu’on est catholique, gay
et critique.
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