Revenir sur un texte, un roman de Daniel Fazan, le très
prolixe homme de radio, l’auteur trublion dont la plume paradoxalement verdit sous
l’effet du temps. Je ne veux pas parler de Millésime ou Vacarme d’automne,
ses derniers succès moratteliens mais de Morose
foncé, un roman noir de 2007 en compagnie de qui j’avais passé de très bons
moments à Barcelone.
Quelques mots de méthode. J’associe l’auteur au lieu dans
lequel je fais la lecture la plus marquante de son œuvre. Dans cette même logique,
ceux qui me suivent depuis, Ohhh ! décembre 2005, savent que Mauriac est
un auteur … berlinois et Fontane, un auteur pullérian ; Pierre Fankhauseur,
depuis le week-end de la Pentecôte, m’est un auteur francfortois. Donc, Fazan, Barcelone
(comme Golo Mann). Logique. C’était quelques
jours durant les vacances de Pâques 2011, un hôtel près de l'hôpital universitaire,
de belles promenades en perspective et un joli pavé de plus de
deux-cent-cinquante pages pour compagnie. Je me souviens d’avoir traîné durant
quatre jours l’épais volume à travers toute la ville dans un petit cabas de
toile (il ne passait pas dans ma sacoche ; la plupart de mes sacs m’ont
été offerts par mon homme, il sont des accessoires élégants et, donc, d’une
contenance limitée). Je me souviens que, dans le feu de la lecture, au moment
du dénouement, je dînais près de l’hôtel, j’ai liché une bouteille entière d’un
vin capiteux qui en rajoutait à la densité de l’intrigue.
Le propos du roman peut se résumer par « peinture d’une
époque » avec, par-ci, par-là quelques éléments biographiques de l’auteur,
des clefs que possède le cercle élargi des connaissances (Daniel
Fazan fait partie de mon ex-belle-famille). Morose
foncé ou l’analyse du mécanisme perverti du marché de l’art contemporain,
analyse servie dans une intrigue efficace. Des personnages bien campés, à
valeur allégorique, et la voix de l’auteur, sa conversation, sa
conception de la création, des rapports interindividuels. Je ne saurais vous
raconter l’intrigue. Je crois à l’Immaculée Conception, à la Transsubstantiation,
à la manifestation de l’Esprit Saint et à tout le reste du Crédo mais pas tant
à l’intrigue telle que l’on conçoit la chose en littérature. C’est en général un
tour de passe-passe qui, en dépit de son adresse, me laisse toujours sur la
conclusion « c’est du chiqué ». Je crois aux atmosphères, au travail
de recréation du monde par l’auteur et Fazan est un orfèvre. Je sais même –
mais chuuuuut – que l’un des passages poignants de l’un de ses titres, passage
qui a tout de l’instant véridique, authentiquement vécu n’est qu’une invention ;
le magnifique Daniel me l’a confié.
Pourquoi revenir sur ce titre de 2007 ? Ce sera mon
conseil « lecture de plage/vacances » de l’été 2014. Je pense que ce
roman n’a pas eu la carrière qu’il méritait. Il s’agit d’un texte à ranger
parmi les nouveaux classiques de la littérature romande, tout comme l’œuvre de Lador,
Dubath, Verdan ou Faron. Je veux pour preuve de ce que j’avance le fait que mon
« Morose foncé » a disparu, comme la plupart de mes Lador et de mon
dernier Dubath. Je suis obligé de planquer mes romans romands que famille et
amis m’empruntent et se laissent emprunter, résultat des courses je les
retrouve une année, deux ans plus tard après un périple par monts et par vaux !
Dis voir, Daniel, tu n’en aurais pas encore un exemplaire à
me passer ?
Morose foncé, éd. Publi-Libris, 2007
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