Pour la dernière fois, j'ai pleuré Lausanne, ma Lausanne, celle qui n'est plus, la Lausanne du Nyff, du Jet-Lag, du salon de thé Manuel, de la petite Migros de la rue Marterey, la Lausanne des conférences "Connaissance du Monde", animées par feu Jacques-Edouard Berger, ma Lausanne du Théâtre municipal, dirigé par Renée Auphan, la Lausanne que je parcourais avec Grégory, où j'ai habité avec Grégoire, où j'ai étudié avec Christine, où, surtout, j'avais tant rêvé au prince charmant. J'ai pleuré ma Lausanne des salles de cinéma du Palace et de l'Athénée, ma Lausanne de l'EPA-Unip, une certaine idée du confort et de l'éducation. J'ai aussi pleuré la Lausanne du Négociant et des premières Jungles.
J'ai porté un toast à sa disparition dans la sinistre brasserie de la Paix, puisque tout autre café a disparu et que je n'ai pas réussi à me faire à la clientèle bobo des nouveaux lieux à la mode. Je suis rentré abattu par la chaleur et l'usure, la peine ... Je l'ai pleurée et c'est fini parce que j'en ai décidé ainsi. Mais je l'ai pleurée, dans la touffeur d'un début de soirée d'agonie, jeté sur mon mauvais canapé, le salon encombré de méthodes d'allemand et de brochures pédagogiques. Je ne pense pas que Thomas Mann ait pleuré Münich, peut-être la mère patrie dans son expression la plus romantique mais il avait une famille, il n'avait pas besoin du génie des lieux. Il n'écrivait pas dans les cafés mais à sa table et je me suis tant - complaisamment peut-être - aimé dans le rôle de l'auteur qui écrit et fume au café, dans sa ville, son jus. J'ai arrêté de fumer il y a cinq ans, aujourd'hui j'arrête ma Lausanne d'antan idéalisée.
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