mardi, janvier 19, 2016

"Des Geôles" de Jean-Yves Dubath


Voici le roman subversif de 2015, loin devant les gribouillis de littérateurs agités, imbibés ou non, sous influence ou non, portés sur le sexe ou juste vantards : aucun d’eux n’arrivent à la cheville de Dubath avec son « Des Geôles ». La presse est quelque peu passée à côté, les libraires un rien moins et comment atteindre son lectorat lorsqu’on n’est pas invité à faire la roue sur des plateaux de télé locale, d’autant plus lorsque l’auteur jouit d’une syntaxe exigeante et use d’un riche vocabulaire.

Il est nécessaire de goûter le verbe walsérien de notre homme, sa sensibilité à fleur de plume, cette prise de risque maximale qui consiste à se livrer, sans faux semblant, à ses lecteurs, à travers des sortes de didascalies à l’intrigue. Il y a le Dr. Raoul Aeschlimann, le criminel Albert Wasser, Mlle Rietberg, assistante sociale à la prison de S. et Mlle Juliette, une perruche, compagne du détenu – à perpète’ – Wasser. On se trouve dans le huis clos d’une prison, du milieu carcéral, du carcan social, des Grisons. Le Dr. Aeschlimann tient de l’antihéros social comme aimait les décrire Robert Walser. Le bon Raoul est, soit, médecin, longue carrière, mais sans la blouse blanche du chercheur ou du chef de clinique arrivé. On pressent que la pratique personnelle de son art l’a mené à exercer en prison. Le bon Dr. se met en marge, volontairement, par dégoût modéré du système, de ses complaisances : le cœur d’un juste, d’un pur bat dans sa poitrine.

Dubath nous laisse entrapercevoir les raisons de l’incarcération de Wasser, crime sadique à caractère sexuel, du pain béni pour les psypsys à taulards, les sociologues, les je-ne-sais-trop-quoi-o-logues, du joli monde qui exerce avec assurance et de confortables salaires. Et si le patient leur échappe : bourrez-le de calmants.  Et on passe au suivant. Et dans la bonne humeur. Toute l’horreur du gentil système nous est montrée, démontrée, cette horreur est juchée sur des hauts talons qui claquent, Mlle Rietberg, la cruche de service, avec cette bonne parole réconfortante à la bouche, le goût de la soumission helvétique, la grandeur nationale : se faire nabot face à la montagne.

Le texte réserve quelques voltes-faces spectaculaires, du grand art ! Le bonheur des petits riens, l’expérience de l’auteur, sa belle personnalité, son bon sens et son esprit critique. Surtout son esprit critique, rien de frontal, grossier, téléphoné … du gentiment corrosif.

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