Il ne
peut que confesser son impuissance. Il regarde le profil racé, « florentin »
voudrait-il dire quand bien même il ne sait trop ce qu’il entend, peut-être la
réminiscence du portrait de l’un ou l’autre Médicis … Quoiqu’il en soit,
Stéphane admire le profil florentin d’un jeune homme. Ce dernier est accompagné
par deux femmes apprêtées, trop maquillées, des chaussures aux talons trop
hauts pour assister simplement à la messe. L’une des deux femmes doit être la
mère de l’autre ainsi que du jeune homme. Son âge se décrypte plus dans son
attitude qu’il ne se lit sur son visage. Stéphane ne s’étonne pas. Il est dans
la « grande ville », là où tout a commencé. Il se tient dans les
premiers rangs de la nef d’une vilaine basilique, une mosaïque Art Déco très
tardif parmi laquelle l’enfant Jésus a quasi les traits d’un dictateur
allemand, la célèbre moustache en moins. Stéphane a dû rentrer de Munich à son
insu. La messe en procédure de réveil, il a dû faire un transit. Il est revenu
il ne sait trop comment de l’atelier de Kálmán. La jeune paysanne a dû le
pousser dans le couloir, le maître n’allait pas tarder, comme s’il n’était pas
au courant ! Il est, à présent, question de foi, la mystérieuse aide que
reçoit Oméga. Le prêtre débite une homélie grandiloquente et idiote à propos de
l’incendie réputé accidentel d’une célèbre cathédrale. Stéphane avait un peu
oublié l’affaire. S’il se résume (à savoir, s’il s’adresse à lui-même un résumé
des derniers événements et, parallèlement, du fait de cette expression boiteuse
d’une syntaxe discutable, s’il condense toute sa personne dans l’instant
présent et l’action qui l’occupe), il doit trouver des fauteurs de troubles
venus d’Oméga, des suppôts de ce pouvoir qui, là-bas, ont mené à cette autre
guerre des Balkans, la volatilisation d’un bon tiers de l’Europe. Quelque soit
le camp, il est nécessaire de conformer Alpha et Oméga en vue de la grande
Conjonction. Du côté lumineux de la force (Stéphane glousse intérieurement, il
s’imagine avec un sabre laser face à un type asthmatique une essoreuse à salade
sur la tête lui jetant dans un souffle « Je suis ton père »), bref,
du côté habsbourgeois, impérial, lumineux de la force, on veut remonter dans le
temps, éviter la dernière grosse catastrophe puis la précédente, et la
précédente, etc. Stéphane admire pour lui-même le quasi contresens de l’expression
« … puis la précédente … », ce qui précède doit être résolu après, on
touche quasi au registre de « … Dieu qui s’est fait homme… » Si
Stéphane cherchait une preuve du bienfondé de sa démarche, bingo, il aurait à l’instant
mis un doigt rhétorique dessus. Il se souvient des cartons de bananes remplis
des livres de feu son oncle alcoolique. N’y avait-il pas quelques
bandes-dessinées ? cinq-six albums d’ « Achille Talon », un
exercice de maïeutique jouissif, du sophisme de compète ! A présent, il
est clair que Stéphane doit travailler en agent infiltré, plus aucun contact. S’il
venait à poser des questions sur l’Agence, on lui dirait qu’elle n’a jamais
existé, qu’il yoyotte, ça se terminerait par un internement forcé. Les
complotistes pas frais sous le chapeau sont très à la mode cette saison.
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