Il n’arrive
même plus à se raconter des trucs, une petite broderie maison à des fins
existentielles, répondre à deux ou trois questions lancinantes, du genre qui n’appellent
aucune réponse à moins de faire un gros, un très, très gros effort d’imagination
ou d’atteindre un niveau de biture digne de la Pologne, de la Russie et des
Balkans réunis. Stéphane devait retrouver un auteur à Berlin Oméga, un auteur …
un philosophe, un prophète ! Un certain Muzil, avatar du Musil en Alpha
afin de débusquer Ulrich son héros, Viennois de la Sécession, le fameux « homme
sans qualité ». Du coup, Stéphane vit avec les deux volumes du roman
éponyme, 5000 pages en édition de poche, tout à fait le genre de chose à
laquelle il n’aurait rien pigé du temps de son sommeil. Et puisqu’il y a de la
friture sur la ligne, comme un léger brouillage au niveau du transit, et plus
encore lorsque l’on triangule, Stéphane a dû se rendre à Berlin Alpha comme le
dernier des blaireaux débarqués dans la capitale allemande en lowcost. Désigner
la situation de floue tient du truisme ! En haut lieu, on ne sait pas trop
si Ulrich a existé en Alpha ou Oméga ? Musil ou Muzil l’aurait rencontré,
connu, pratiqué d’une manière ou d’une autre et fait de lui un sujet d’étude
philosophique pour Muzil, un « simple » personnage de roman pour
Musil. Ulrich serait passé de Muzil à Musil ou l’inverse par la liaison
inconsciente directe que chacun entretien avec son double. Ulrich serait,
peut-être, un avatar de Stéphane ?! Même si ça ne marche pas comme ça, pas
à travers une si grande distance temporelle à moins que ce ne soit à mettre sur
le compte des distorsions dues à la grande conjonction ou la barrière de
Wheeler ? un trou de ver inopportun ? Stéphane s’en cogne, même s’il
investigue sur le sujet. Il veut juste vivre des choses, ressentir sur sa peau,
sous sa langue, dans ses membres et son esprit le contentement de la bonne vie
et de tout ce qui va avec. Il est persuadé que cela participe de la mission, sa
mission, son destin biologique car chacun a son utilité, ne serait-ce que cinq
minutes alors que l’on vous emprunte à votre insu un peu de votre bande
passante.
Ce soir, il
est rendu … Il a fait des choses avec son corps, il en a tiré du bien-être, de
la joie, du contentement. Il a rencontré un membre de la légation impériale,
enfin il croit avoir parlé à un type de la légation, échanger sur les dossiers
en cours, se tenir au fait de l’actualité en Oméga où il ne transite plus, ne
pendule plus comme du temps quand il était Steeve ou Steve, ou Wesley mais il
ne s’en rappelle plus. Il y retourne, parfois, comme dans le passé, à temps
perdu, au cours d’épisodes de sommeil profond et ça lui reste par fragments
dans sa phase paradoxale. Ça se met à fourmiller avec la musique, de la pop des eighties’, du jazz
ou du classique mi-dix-neuvième. Stéphane a l’impression de se dégourdir les
circonvolutions du cervelet, il croit comprendre des choses, leur évidence mais
pas un mot ne vient. Il tourne des pages mais des pages blanches et finis par s’endormir
quelque part au début du tome 2 de L’Homme
sans qualité.
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