Beauté-subjctivité,
premier billet d’une nouvelle rubrique. Ce texte a été publié dans le dernier n° du bulletin de l'Association de Sauvegarde de Morges. Je vous livre ici la version originale du texte.
Tous les
goûts sont dans la nature dit-on, surtout le mauvais ai-je l’habitude de
conclure. Blague à part, l’ASM est consciente qu’il existe des formes multiples
du beau, aussi bien dans les édifices anciens que récents. On nous accuse
souvent d’être des passéistes, accrochés à l’idée que « avant c’était
mieux ». Oui, mais non, chaque époque a ses échecs, ses maladresses, ses
ratages en matière d’architecture et d’urbanisme. Toutefois, contrairement à ce
que claironne la « sagesse populaire » qui, en l’occurrence, n’a de
sage que le nom, il existe des critères objectifs de beauté ! Je ne vais
pas revenir sur cette expérience faite avec des enfants à qui l’on présente des
photos de visages, et les enfants de classer les portraits en fonction de leur
beauté ; chacun a quasi fait le même classement. Il existe donc des
critères fixes que nous pouvons selon la situation tout de même modaliser.
Notre
notion de beauté en matière de constructions repose sur la symétrie, les
proportions et l’intégration. Il est rare que votre ASM soit confrontée à des
bâtiments VRAIMENT atroces. Il y a toujours quelque chose à sauver. Nous nous
battons avant tout pour maintenir la qualité du bâti, l’homogénéité d’un îlot,
le respect de ce qui a été érigé il y a un, deux … cinq siècles. Notre
patrimoine, nos monuments ne sont pas que des bibelots posés ça et là pour
faire joli. Aux trois critères précédemment évoqués, il faut encore ajouter la
qualité historique de la construction. Par exemple, le grenier bernois est
typiquement un édifice qui a survécu du fait de son caractère historique !
La plus belle chose que possède ce grenier que le temps n’a pas épargné :
sa charpente et sa volumétrie. On aurait pu imaginer une préservation de ces
deux éléments, à savoir reconstruire un bâtiment neuf, de la même taille, sous
la charpente ancienne. C’est presque ce qui a été fait lors de l’aménagement de
la bibliothèque. Lors de cette reconversion, on a perdu les délicates arches du
rez-de-chaussée, dommage.
Autre
exemple, afin de poser les bases de cette chronique que vous retrouverez
régulièrement dans notre bulletin, le Bâtiment Administratif Cantonal place
Saint-Louis ! Construction audacieuse, intéressante, adroite, marquée, une réussite ?
Un ratage ! L’effet dissymétrique recherché est soit intéressant, voulu,
les proportions sont bonnes mais l’intégration est détestable ; ce
bâtiment étouffe la maison Seigneux, la dégrade irrémédiablement dans son site
car on n’imagine même pas une démolition dans les trente ans à venir. L’ASM
s’était pourtant fait entendre mais nos autorités n’ont pas su/voulu relayer
nos oppositions. Tant pis. Gardons le cas du BAC comme exemple absolu de ce
qu’il ne faut pas faire, que cet échec nous aiguillonne dans nos futurs
combats.
Passons à
présent à l’étude d’un cas précis, une
construction emblématique de Morges : la tour du Moulin. Au-delà du débat
stérile genre « tous les goûts gnagnagna », votre ASM s’est battue
pour la susmentionnée construction lors de sa réfection. Nous avons sauvé ses
mosaïques ainsi que les espaces communs du rez-de-chaussée. L’ASM a défendu ce
bâtiment non pas par lubie mais en raison des qualités objectives de notre mini
gatte-ciel post-lecorbusien. Si nous revenons aux critères précédemment
énoncés, la tour du Moulin présente des façades et un plan symétriques ainsi
que des proportions agréables. Son intégration eût pu paraître discutable si
l’autoroute ne balafrait pas la ville. Le viaduc de béton massif de l’A1 marque
profondément le paysage à l’horizontale, son flux est inexorable et seul un
geste architectural vertical fort pouvait dompter cette tare. 55 mètres
surgissant parmi le bouillonnement des frondaisons alentour, la façade sud comme une page lignée, les
façades est et ouest garnies de leur célèbres mosaïques non-figuratives et la
façade nord un peu moins adroite, cela est certainement dû aux coloris
employés, un effet de rayures épaisses en gris et mauve-rose. La tour du Moulin
jouit du dégagement nécessaire afin de ne pas engoncer sa haute stature, elle
prouve que la ville existe au-delà et en dépit de l’autoroute. L’intérêt historique
de cette réalisation, notre quatrième critère, est en constant développement.
Encore 20 ans et cette tour sera parfaitement intouchable, et dans sa forme, et
dans son site. Il me faut introduise un dernier critère, celui de la qualité
des matériaux employés et de la réalisation. La tour du Moulin le remplit en
bonne partie. Pas de pierre de taille, pas de granit à gogo, de marbre en
cascade, pas de ferronnerie d’art mais ces fameuses mosaïques géantes,
réalisées à l’aide de plusieurs centaines de carreaux de faïence posés un à un
qui, je vous l’accorde, étaient en passe de se déceler. La récente restauration
a réglé le problème.
En résumé,
l’ASM se fait l’avocate de toute construction morgienne relevante répondant aux
critères esthétiques de symétrie (ou dissymétrie ludique/recherchée), de
proportions, d’intégration et aux critères complémentaires de valeur historique
et de qualité de la réalisation. Dans notre prochain bulletin, nous vous
proposerons une analyse de la rue des Charpentiers, l’une des rues les plus
remodelées du bourg historique de la ville de Morges.
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