mardi, avril 12, 2016

"Montecristo" de Martin Suter

J’avais beaucoup aimé « Le dernier des Weynfeldt », excellente peinture – sans jeu de mot – de la bonne société discrète et compassée zurichoise, une saveur bien particulière, une sorte de prolongation du « Mars » de Fritz Zorn. Erreur d’aiguillage pour ne pas dire déception avec « Montecristo », divertissement à caractère littéraire de bien 500 pages, aux éditions Bourgois pour la version française. A ce propos, la traduction doit être aussi lourde que la version originale, vous entendez presque le gros accent râpeux du züüüüritütsch, on n’est pas dans Goethe, de loin pas.

Le pitch, en deux mots, un journaleux vidéo qui nourrit quelque espoir de réalisation (du cinéma suisse, vous voyez le niveau du talent …) se trouve – Oh ! – par hasard en possession de deux billets de 100.- dont le numéro de série est identique et se retrouve – re-Oh ! – témoin d’un accident de personne dans le train Bâle-Zürich et, bingo, les deux faits auront un lien. Le protagoniste s’appelle je ne sais plus comment, il est le prototype du néo-bobo cool dans la comm’ et la culture, il en a tous les accessoires et Suter nous assomme de descriptions inutiles quant à son intérieur de bobo de base, résultat de la fréquentation intensive de broki-shops. Et, histoire de remplir les 500 pages susmentionnées, durant tout le récit, le lecteur a droit à un catalogue de binches, blondes, brunes, exotiques, etc. et comment boire cette foutue bière, sans parler du menu détaillé de tous les personnages et le tout n’apportant strictement rien à la narration. Le pompon, la rencontre du journaleux-vidéo dont j’ai oublié le nom avec une blonde charmante dans la comm’ et l’event, le couple phare zürichois par excellence. Le lecteur aura aussi droit à l’amorce de quelques scènes proto-torrides.

Evidemment, il y a une histoire de conspiration, à un très haut niveau, tout le monde y trempe, même les sept, au sommet, on touche au thriller politico-financier dont la morale est … « vouais, vouais, vouais, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes confédéraux ! » La chute n’est même pas drôle, banalement immorale, condamnable, entendue. J’ai néanmoins passé d’excellents moments avec ce titre ; j’ai, à plusieurs reprises, mouillé la chemise, suspens garanti, car le propos général est bof mais le savoir-faire de l’auteur certain. C’est ici qu’il faut rager du gâchis de tant de talent pour une visée aussi commune. J’ai passé une semaine et demie, deux semaines sur ce livre mais, au final, que m’a-t-il apporté ? Rien. Néant. Pour le même résultat, je regarde M6 en faisant mon repassage.


J’ai trouvé dans ma bonne librairie d’occasions et d’antiques de la Hauptstrasse, Schöneberg, Berlin, « Lila, Lila », un Martin Suter que je n’ai pas encore lu. Dans le U, j’ai commencé à le lire, tout de suite pris dans l’action, la description talentueuse, le mouvement du texte. Arrivé à mon logement, j’ai jeté ce volume. J’allais passer une douzaine d’heures de lecture à un divertissement sans suite alors que m’attendent le journal de Sándor Márai ou le second volume de 800 pages de « L’Homme sans qualité ». Je suis lassé que l’on confonde sans cesse littérature et divertissement (même à caractère littéraire). La littérature vous nourrit, vous appelle à une réflexion, témoigne de son temps, de problématiques universelles et vous rend plus … intelligent, éveillé et pas simplement distrait !

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