Martigny, place Centrale |
La visite s’est faite avec cordialité, Robert débarquant au milieu d’une cuisine pleine de voisins, d’enfants, de cousins, de proches et parents de la belle-famille, d’amis aussi, tout ce monde défilant en flux continu autour d’une longue table toujours dressée de verres, de vin blanc local, de café, de viande séchée et de biscuits. Les partants avertissent ceux qui ne seraient pas au courant de la venue inopinée de Robert le Berlinois. Josiane, sa mère, trône aimablement comme une madone laïque, à croire qu’elle a toujours fait partie de cette famille. Elle en connaît les moindres anecdotes, entretient les petits riens d’une piété familiale, d’une tribu ; elle avait épousé un clan avec feu Bernard Z***. Elle a, comme son fils, « fui » la Suisse à sa manière car le Valais c’est autre chose. Au-delà des différences de mentalité, d’une pratique religieuse resserrée autour d’un petit évêché, il s’agit presque d’une différence de « race ». Il suffit de marcher entre les vieilles maisons de pierre du centre historique de Martigny, quasi au pied de la montagne pour se sentir dépaysé et chercher d’instinct la frontière. Sans vous reconnaître – ou vous méconnaître – physiquement, l’autochtone valaisan sait qu’il a affaire à un non-Valaisan. Si vous faites un peu la conversation viendra la question du jeu des alliances et de la parenté, l’obtention d’une « valaisanité » d’adoption par le biais d’un cousin, d’un beau-frère ou d’une mère, dans le cas de Robert. S’il venait à évoquer ne serait-ce qu’à mi-mot son « mal », il ne se passerait pas un quart d’heure avant qu’il ne se retrouve dans une voiture, direction l’hôpital de Sion où, par l’intervention d’alliés d’amis de connaissances de parents de Pierre, Jacques ou Jean qui vous doit un service, il rencontrerait au plus vite le meilleur oncologue de la place et il serait hors de question qu’il ne rentre sans que la moitié du canton ne soit rassurée quant à son état de santé. Et il y a tant de bonne humeur autour de lui, il ne geint pas, ne se plaint pas, n’a pas l’air plus ou moins malade que lors de sa dernière visite, et c’est un froid, le Robert, un posé qu’on a jamais vu ivre, il n’est pas pareil même s’il fait partie de la famille, on ne le comprend pas très bien, peut-être que dans le Haut-Valais ils le décoderaient mieux. De son côté, Robert a fait mine de vouloir partir en fin d’après-midi, c’était une feinte afin de faire passer son départ effectif peu avant le dernier train. Il est hors de question qu’il accepte qu’on le ramène en voiture. Soit, la statistique le proclame, les Valaisans sont les meilleurs conducteurs de Suisse mais Robert a peur en voiture avec un chauffeur légèrement ivre.
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