Désolé, je n'avais pas envie de parler, je n'ai toujours pas très envie de m'exprimer, cela n'a rien d'une fausse pudeur, une fatigue peut-être ... Non, pas l'ombre d'un petit bout de dépression mais le sentiment très inconfortable de ne pas être de retour, de ne pas être parti, d'être encore à Berlin et à Vienne et de mener ici une vie ectoplasmique faite de contentions. Pas de mots, ils éventent , dispersent et compliquent tout alors que j'aimerais y voir clair.
Je n'ai aucun problème à dire "Ich liebe dich" à Philipp, lorsqu'il me demande de le serrer fort. Je regarde une photo de son petit appartement hyper-encombré, je me sens chez moi. Lorsque je pense à lui, je bande et mon coeur se gonfle comme un soufflé au four. Il y a toutefois un problème ... qui n'en est pas un devant la puissance de l'amour ... il y a beaucoup de problèmes en vérité ... la langue, l'éloignement, les projets de domicile commun, le travail ... des broutilles quand on a trouvé l'autre, l'alter ego, celui qui vous laisse dans un perpétuel état de désir et sans appétit pour les autres garçons. Et ça se sent ! Depuis que je suis rentré, j'ai droit à des déclarations enflammées et inattendues, des regards appuyés auxquels je ne sais plus quoi répondre si ce n'est la sensation de la chaleur du ventre de Philipp contre moi, de ses bras, de sa bouche.
Toutefois ... toutefois ... une petite alarme au fond de moi, très profondément enfouie ne cesse de sonner, une sorte d'appel à l'urgence incompréhensible. Vienne m'a fait une épouvantable impression. Tout y est vieux et triste ou trop doré pour être honnête. L'Autriche a inventé la psychothérapie et ce n'est pas par hasard. Sous un verni débonnaire, on sent se déchaîner la passion, violente, morbide, décadentiste. On essaie de se donner des airs progressistes, on recherche la caution de l'Aufklärung mais ces gens sont fous ! Ce pays en mine de rien est puissamment travaillé par des passions "utérines", par une hystérie ravalée. Je connais cela, j'en sors ! J'ai mis près de trente ans à me départir du "côté obscur de la force", je ne veux pas y retomber.
Toutefois ... je suis moi et cela est bien suffisant ! J'ai aimé mon séjour, je n'ai eu aucun besoin d'un plan pour m'orienter dans cette ville qui ressemble à la fois à Fribourg, Yverdon, Zürich et Bâle. Les Habsbourg étaient suisses ! Nous nous ressemblons beaucoup, Waadtland - pays de Vaud - terre d'empire, nos inconscients anciens sont liés et nous nous reconnaissons indistinctement. Je me suis suffisamment visité pour savoir trouver ma place n'importe où, hula-hup, barbatruc ! Ni masque, ni rôle : moi au pluriel ! Je réserve mon diagnositic, merci Dr. Freud.
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