dimanche, janvier 30, 2022

Spencer, de Pablo Larrain

Un biopic de plus ? de trop ? sur feu la très/trop médiatique princesse de Galles. Rien de très engageant, quoique l'affiche, cette silhouette affaissée et gracieuse à la fois, presque une position d'oraison, introspection méditative ou, plus prosaïquement, la génuflexion  d'une boulimique-anorexique devant la cuvette des chiottes. Question mythe, ça défrise le fidèle quoique l’image reste belle. Et ce sous-titre : une fable tirée d’une tragédie.

Pablo Larraín, le réalisateur, m’était inconnu, de nom du moins ; il avait déjà signé l’excellent Jackie, un autre biopic consacré à Jacqueline Kennedy née Bouvier, ex-première dame et veuve de. Le film était agréable, adroit. Sans plus. Il señor Larraín a surtout donné dans des récits sud-américano-chiliens qui, je vous l’avoue, me touchent assez peu, voire pas du tout. Avec Spencer, il entre parmi les grands, entre une photographie impeccable – un petit rien de The others – et une BO jazzy-néo-classique signée Jonny Greenwood.

Le récit commence une veille de Noël. Diana en cabriolet Porsche décapoté fonce à travers une sublime campagne britannique. La princesse de Galles est perdue. Scène surréaliste lorsqu’elle débarque au « Dutch Café » pour demander sa route. Elle doit rejoindre le reste de la famille royale à Sandringham, la résidence royale dans laquelle la reine et toute la firme se doivent de passer Noël. L’épisode se déroule en 1991.

Sandringham House a tout du palais de conte britannique : fascinant, mystérieux, un peu inquiétant, fastueux et hors du temps. Comme dans les contes, ce palais est un piège. La fantasque Diana en proie à une profonde dépression essaie tant bien que mal de faire face pour ses enfants. Elle n’a qu’une seule amie dans la place, une habilleuse qui entretient un amour secret pour sa maîtresse. Une saloperie de petit caporal très service-service à la solde de la reine lui colle le train et tente de la cadrer, pour son bien !

Diana détestait Sandringham. Elle était pourtant née et avait passé son enfance tout près de là, à Park House, maison en ruine en ce Noël 1991. Durant son séjour, elle trouve du reste l’énergie et la volonté de s’évader, retourner dans ce chez-elle abandonné, menaçant ruine, comme une métaphore de sa vie de génitrice de descendance royale au service de la firme. Et le roquet service-service sur ses talons, la gueule pleine de discours sur l’honneur etc. dont la très libre Diana n’a que faire. Quand on n’écoute que l’amour et qu’on ne connaît que la liberté …

La fable que Larraín nous a brodée est d’une esthétique vraiment impeccable, ce qui vient même renforcer la sensation d’oppression, et la musique ! le très élégant, ingénieux et jazzy Greenwood nous interdit de décoller du drame. La vie pourrait être si belle, pourtant, sans l’étiquette, les mensonges, le devoir d’obéissance aveugle à une autorité qui, finalement, méprise tout ce qui n’est pas de son sang, qui marche avec majesté – croit-elle – sur la gueule de ses larbins.

Spencer est peut-être un biopic mais aussi une métaphore de notre situation de petites marionnettes citoyennes à qui l’on demande d’obéir et de se soumettre à des exercices humiliants pour le bien de tous !? Soit, Diana n’était pas une sainte. Le marketing a très bien su rattraper l’image de la vieille, de son aîné, de la maîtresse de toujours de ce dernier. Les cabinets de conseil faits pour ça ont très bien su replâtrer la légende de la firme royale, jusqu’à quand ? Et Larraìn fait de chaque spectateur une princesse malheureuse mais irréductible à la fin. Délivrés, libérés, nous pouvons quitter la salle persuadés que nous serons les seuls capables de rompre nos chaînes.


Aucun commentaire: