mardi, octobre 17, 2017

"Léo et Louis" d'Alain Primatesta

Il est de ces romans, légers en apparence, qui se prolongent par un parfum subtil sitôt la dernière page tournée. Il s’agit en général de récits brefs, une histoire en passant, une histoire, celle du garçon d’à côté, de sa mère ou de son père … Quoique, avec « Léo et Louis » d’Alain Primatesta, les pères n’ont de loin pas le premier rôle.

Rome, une mère célibataire, son fils grand ado, une lettre, un courrier, un faire-part, on annonce le décès d’une femme, la femme d’un homme qui aurait pu, qui aurait dû être  l’époux d’une autre. L’ado, curieux, pose quelques questions, interroge et le voile sur un secret vieux de dix-huit ans se déchire. Robert Laprat, l’expéditeur du faire-part, est le père de Léo. Cette prime révélation va pousser notre jeune héros dans une sorte de billard existentiel. Il n’est pas le joueur, il est la bille, frappée par une autre bille ; il rebondit contre la bande et frappe une troisième bille qui disparaît dans une poche. Plus prosaïquement, Léo décide de partir à la rencontre de ce père inconnu, ce Robert en totale rupture et commence un périple ferroviaire italien doublé d’un second récit en échos, mise-en-abîme, un roman trouvé coincé sous un siège.

Primatesta nous promène avec délice dans cette Italie post-félinienne, parmi les aléas de la Ferrovia Statale, et l’auteur s’y connaît, c’est un grand spécialiste de la chose ferroviaire ! Il nous raconte Milan, la Stazione Centrale, le chic lombard, l’opulence, l’exubérance et la retenue de la grande ville. Il le fait dans une langue claire, une belle écriture blanche, le détail parlant, une délicatesse d’autant plus adéquate que le récit prend alors un virage, une rencontre, le jeune Léo se découvre et le lecteur alléché le découvre par la même occasion. Il n’est pas question de sensualité en vrac, déballage de nichons plus ou moins flétris ou concours de calibres, avec tout ce que l’on n’aimerait pas savoir de la pratique des boîtes à cul … Primatesta nous offre de l’érotisme, du vrai, pur et dur (prenez-le comme vous voudrez), de l’allusif encore plus électrique que dans « Les Amitiés particulières », de ce cochonnet de Peyrefitte. Il faut dire que l’époque n’est plus la même et qu’il n’est pas question de décapsulage tarifé ou de qui fait l’homme, qui fait la femme ?

Comme annoncé plus haut, le récit central fait échos à une aventure sentimentale qui, elle, se serait déroulée au début du XXème siècle, dans l’arrière-pays niçois. On croirait lire un roman de Germaine Acremant (Ces dames aux chapeaux verts) ou de Jean de la Brète (Mon oncle et mon curé), cette bonne littérature populaire de la fin du XIXème et du début du XXème, pleine d’humour, de situations piquantes, de bon sens et d’une certaine morale. Léo lit les aventures de Louis et, peut-être, un lecteur de « Léo et Louis » se sentira personnellement interpelé, reconnaîtra le motif … ou la figure pour reprendre la métaphore billardesque précédemment filée. Bref, avec « Léo et Louis », Primatesta ne cherche pas à éblouir par quelque effet, c’est un bon artisan, un excellent conteur qui, au passage, nous en apprend pas mal sur l’histoire du transport public. De belles scènes, de jolis panoramas, des personnages crédibles, des situations touchantes : ne reste plus qu’à adapter « Léo et Louis » au petit écran, une jolie mini série de 5-6 épisodes pour la prochaine saga de l’été.



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