mercredi, novembre 11, 2015

La chapelle Saint-Dominique-Savio de La Longeraie, Morges

Il s’agit d’un lieu aimé et un rien mystérieux, un édifice accessible et protégé, discret sans être secret, un point de vue bien connu des habitants du quartier de Préllionnaz, signalé par un campanile gracieux dépassant des champs alentours. J’ai passé mon enfance à m’étonner de ce lieu, la chapelle Saint-Dominique Savio du domaine de La Longeraie, un édifice réalisé d’après les plans de l’architecte Charles Pellegrino. La chapelle n’était alors plus en service, de toute manière je n’étais pas encore catholique … On racontait tant de choses sur ce « domaine » de la Longeraie, une école catholique tenue par les doctes Salésiens, au service de garçons de 10 à 15 ans, traversant tant des difficultés familiales que scolaires. Les pères ont tenu cette école jusqu’à la rentrée 1980. Ils ont quitté la place le cœur gros après 68 ans de présence.

J’ai le souvenir d’une chapelle éteinte, endormie et vide de la présence du Sacrement, une promenade hivernale, le sentier gelé de terre battue qui relie la cour d’honneur au reste du quartier ; il y avait encore les vergers. Je monte les quelques marches du péristyle et tente de voir l’intérieur de cette église, le faible éclat des vitraux, le jour est très bas. Un déambulatoire emmène le promeneur vers un couvert, la cour de l’école. Je reste intrigué et vais le rester longtemps.

Effet du hasard, je reviens m’installer à Morges, au centre ville. Entre ma promenade hivernale et mon retour, il s’est bien écoulé une trentaine d’années durant lesquelles j’ai reçu le baptême, ai confirmé et pris l’habitude de participer à la messe dominicale. Peu après notre emménagement – je ne suis pas revenu seul – je découvre avec joie que la messe se donne à la Longeraie, tous les dimanches, à 18h30. Le Seigneur y est revenu. Une brique commémorative proclame ce retour avec la fin des travaux de réhabilitation en 2010.

Plus qu’une chapelle, l’église Saint-Dominique Savio, est un lieu de recueillement accueillant, l’espace s’organise sur un plan basilical au sens strict, l’église-halle ou la basilique telle que conçue dans l’antiquité, un rectangle terminé par une abside en cul de four. Cette inspiration à l’antique est renforcée par les quatorze colonnes fuselées cannelées soutenant un plafond lambrissé en berceau. La lumière, surréaliste, merveilleuse provient de jour du bandeau de vitrail enchâssé dans du béton, une œuvre des maîtres verriers Aubert et Pitteloud sur la base des cartons réalisés par Auguste Rody. L’ensemble court au haut de l’enceinte sans interruption et raconte la vie du jeune saint Dominique Savio, élève de saint Jean Bosco. Le petit saint patron des adolescents donne certainement cette note fraîche à l’ensemble qui jamais ne paraît austère.

Il faut voir la chapelle au couchant, lorsque le chœur est illuminé de taches de couleurs vives, le soleil du dehors devenant un soleil mystique. Je suis dans l’incapacité de vous parler des lieux hors du contexte de ma foi. Cet espace est habité, pour preuve le succès des messes dominicales. Quelque soit la saison, le fidèle emprunte le chemin de terre battue, guidé en hiver par la silhouette estompée du campanile. La chapelle brille alors comme une lanterne de Noël. Le grand vitrail de la tribune l’accueille, des motifs d’aspect floral. Car la chapelle a tout d’une grande église : un orgue occupe cette tribune et accompagne les offices. Les bancs, le mobilier liturgique, l’autel participent à l’unité de style de cet espace consacré pour la première fois en 1957. Jusqu’au chemin de croix, épuré, stylisé, design dirait-on s’il était une œuvre contemporaine. Celui-ci est de l’artiste céramiste Béatrice Cinci.


Catholique ou pas, croyant ou pas, pas même amateur pointu d’architecture, je t’invite, visiteur, à t’arrêter dans ce lieu, découvrir cet espace de paix. Il est emblématique de la vie des Morgiens. Il est une forme récente de piété urbaine qui saura même toucher le cœur le plus farouchement athée.

2 commentaires:

André Rochat a dit…

c'est avec beaucoup d'émotion que j'ai lu ce commentaire sur la chapelle de la Longeraie et cela en tant qu'ancien enfant de Morges, servant de messe à l'église de la rue Ls de S. Question à la rédactrice: y verriez-vous dans cette chapelle un concert de musique classique par un petit orchestre de chambre ?
grand merci pour vos impressions et commentaires.
AR
www.dacapo-nyon.ch

Frédéric Vallotton a dit…

Le rédacteur serait enchanté d'assister à un concert dans ce lien, il ne reste plus qu'à demander l'accord à l'équipe paroissiale.