vendredi, janvier 30, 2015

Paris, Paris ...

Vendredi 23 janvier, 17h30, Gare de Lyon. Les occupants du TGV en provenance de Genève s’éparpillent sur le quai, hall 2, rien à signaler. Nous nous engouffrons dans la station du métro, dédalle de couloirs, deux militaires en treillis, l’arme à la main au détour d’un tapis roulant. Ils se fondent dans le décor, rien à signaler. La foule est très calme, un peu moins nombreuse que d’habitude peut-être, les couloirs sont propres, pas de papiers par terre, vraiment rien à signaler. Ligne automatique M 14, direction Olympiades, descente à la station Bercy-Village et ce calme toujours, beaucoup de politesse, étrange … L’impression se confirme sur les Grands Boulevards, quasi déserts. Il fait froid, soit, mais les soldes ?!

Week-end à Paris, pas de « geste de solidarité » particulier ou de super-shoping mais une comédie musicale agendée depuis quelques mois. J’ai lu un peu dans le train, « Soumission » et ne peux m’empêcher de regarder la ville à travers un prisme houellebecquien. A l’entrée des magasins, les vigiles nous saluent très poliment. Les endeuillés entre eux ont toujours beaucoup d’usage. Le 7 janvier leur a « cassé les pattes », les Parisiens me semblent en état de choc. Une foule légère dans le Marais, quelques touristes et les habitués de l’un ou l’autre bar gay, les rares endroits où l’on peut voir une si grande concentration de barbus, mode oblige. Je n’ai vu que des faces glabres dans la fourmilière des halles, et pas un seul voile alors qu’il s’y mêle habituellement toutes les populations de la capitale, tous les styles.

L’impression ne cessera de se renforcer durant tout le samedi, et toujours cette politesse inaccoutumée, cette obligeance qui fait fleurir des « Excusez-moi » et des « Pardon » à la bouche de policiers qui nous coupent le chemin et nous effleurent au détour d’une rue ! Et partout d’immenses affiches, des toiles peintes sur les échafaudages de façades en travaux « Je suis Charlie » ou des photos gigantesques du défilé du 11 janvier.

Dimanche, messe à Notre Dame de la Nativité de Bercy, une assemblée très pieuse, très calme aussi, une dizaine de scouts en culottes courtes au premier rang, exhortation à la tolérance, au respect d’autrui, au respect de ses convictions … Je n’épilogue pas. Sur la placette, devant l’église, un petit marché. Les badauds font calmement leurs courses. Le prêtre salue ses ouailles sur le parvis, il me sert chaleureusement la main, comme à tous, se tient bien en vue au pied du court escalier. Sentiment de vacance, oui « vacance », il y a désormais un avant et donc un après fréquenté par quelle foule parisienne ? Mystère. Celle d’hier a laissé la place, elle n’occupera plus l’espace de sa rumeur, de ses convictions ou non-convictions militantes, de ses signes de ralliement, d’une certaine liberté d’être.

J’entre au Centre Pompidou sans attendre, mon billet coupe-file était inutile. Nous sommes pourtant dimanche 13h, derniers jours de la rétrospective Jeff Koons. Je ne suis pas venu pour voir cette brocante-là, j’y suis venu pour les collections permanentes, pour le lieu, la vue, Paris, tout autour, de l’Hôtel de Ville au Sacré-Cœur, à travers les tubes de l’escalator et des couloirs extérieurs. Les rues, depuis mon point d’observation, tout paraît  assoupi sous le froid et un soleil argentin. Je ne rencontre que deux visiteurs typés méditerranéens, Sud du bassin méditerranéen. Deux grands ados, très garçons fleur, amants ? amis ? Ils photographient les œuvres de Koons en les commentant avec une gouaille banlieusarde très typée aussi. Ils ont l’air libres … Effet du franc fort, je me suis encore offert – par paresse – le luxe d’un déjeuner chez Georges, le café-restaurant du cinquième étage, un décor design rigoureux, élégant, musique lounge, serveuses et –eurs recrutés dans des agences de mannequins, hamburger succulent, très bon vin, service efficace et une note conséquente qui passe tout de même grâce au nouveau taux de change.


L’heure du retour approche. Les premières femmes couvertes entrevues de tout le séjour attendent aussi un train. Et toujours ce sentiment de patience, jusqu’à la résignation. Les voyageurs font la queue pour être servis aux étals des boulangers ; personne ne fait mine de vouloir même anticiper son tour, court-circuiter la file si bien ordonnée. L’une de nos connaissances, un jeune comédien vivant à Paris, nous a racontés la paranoïa des habitants. En dépit des mots d’ordre du gouvernement et du ton plutôt détaché des médias, les gens ont peur, ils sortent moins, ou plus, chacun part travailler et rentre bien vite dans son quartier. Durant le trajet, je n’arrive pas à reprendre la lecture de « Soumission ». Je voudrais me plonger dans l’intégrale de « Mafalda » mais le volumineux opus se trouve au fond de la valise de Cy. Je me rabats sur le « Têtu » de février (pas un mot à propos de Charlie ?!) et le Figaro du week-end.

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