mercredi, septembre 03, 2014

"La Causerie Fassbinder" de Jean-Yves Dubath


« Et tu l’aimes sa scansion ? Tu l’aimes ce ton ? tu l’aimes ce verbe en mine de rien ? » Semble dire lascivement Jean-Yves à son lecteur, son petit genre post-godardien, Nouvelle Vague continue, un récit que l’on attrape comme, par exemple, « Le Mépris » en cours de diffusion, très tard à la télé, sans trop savoir ce que c’est dans un premier temps et « remettant » peu à peu l’intrigue au fil des dialogues. Elégance particulière et nonchalante de l’intellectuel sans faux-col … de l’homme d’esprit plutôt … de l’homme de goût … de quelqu’un qui porte son histoire, sensibilité et souvenances.

Peut-on parler de « Nouvelle Vague » allemande ? Fassbinder et l’évocation par une bande de copains de son œuvre, « Effi Briest », adaptation du roman de Fontane, quoique je trouve « Frau Jenny Treibel » plus abouti. Fassbinder et ses références naturalistes, Maupassant, Flaubert ; Fassbinder et son hommage à Rhomer ; Fassbinder et sa liberté, sa disparition prématurée, comme une vie inaboutie, la partie que l’on refait sans cesse entre potes, et chacun a le droit de donner son avis, le lecteur aussi, le néophyte, une conversation de bistrot avec ses répliques décousues et l’intuition, en-dessous, débusquer une vérité ultime. Il ne faut pas mépriser les conversations de bistrot. « Tomber sur un film », en cours de diffusion ne retire rien à sa charge émotionnelle.

« Qu’il y a de bruit là autour, cependant est-ce que nous possédons Dieu, est-ce que nous ne possédons pas Dieu ? » Et j’ai vingt ans, dix-huit ans même : je lis en mode intuitif, quelques souvenirs en anticipation. « La Causerie Fassbinder » est une expérience d’un autre genre qui tantôt me renvoie au souvenir pré-adolescent de Paris, la France, la culture vues d’ici, un phare dans la nuit et complète mes références de « Teilzeit Berliner » actuel. Je ne retire aucune vérité du roman de Jean-Yves Dubath ; mieux ! J’en retire une esthétique, une émotion, en revenir encore une fois au film attrapé au vol sur un écran de télé, si possible tube cathodique, l’image n’est pas plus belle, elle a plus de relief, plus de vérité. Et l’on devine une grande œuvre, ne pas regretter ce que l’on a manqué, ce que l’on va manquer, on en pressent l’existence et ça suffit. Circonstances étonnantes, une chambre d’hôtel à Dehli, une tourista en rémission, un voyage avec Homais, son avatar, je n’avais pas vingt ans, Flaubert est parmi nous, une visite du Fort Rouge et sa p… de colonne de ferraille qui ne rouille pas mais est tout de même rouillée mais je préfèrerai poursuivre dans ce film, quelle merveille. C’était « Blade runner », je l’appris bien plus tard.

« Qu’il y a de bruit … », oui, vraiment mais cela n’empêche toutefois pas d’entendre, de se souvenir, d’apprendre, de se laisser toucher et de regretter deux ou trois petites choses parce qu’on n’a plus vingt ans et que Fassbinder est parti trop tôt. Se demander s’il ne serait pas plus sage d’allumer une clope, en re-fumer une, comme au bon vieux temps et marcher sous la pluie, une ville, une rencontre, quelque chose de sexuel, forcément … ce qui n’exclut pas l’amour ou Dieu mais pas de conviction, parce que la vie est trop fragile pour supporter un tel … sentiment. L’œuvre est trop fragile pour supporter le poids d’une narration. La fragilité d’une conversation, une conversation de bistrot peut-être, une brasserie en demi-jour, une table tout du moins, des amis, des verres à moitié vides, ou pleins, et ce verbe, hypnotique, vertigineux, faire parties des amis de Jean-Yves.



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